83 Développement durable et consommation, vers une consommation durable Loubna

83 Développement durable et consommation, vers une consommation durable Loubna BARMAKI, FPK, Université Hassan Premier Driss AITCHEIKH, CERSS, Université Mohammed V Résumé : On postule qu’un consommateur est rationnel lorsqu’il est capable de faire le meilleur choix possible en prenant en compte toutes ses contraintes. Nous allons emprunter la même idée et considérer qu’un acte de consommation est durable lorsque le consommateur (1) rationnel réalise le meilleur choix d’achat, d’utilisation et de rejet de biens et de services pour, entre autres, préserver l’environnement. De ce fait, Le concept de consommation, initialement économique, a évolué vers un concept associant l’économique (les écoles économiques mettent l’accent, avec des degrés différents, sur l’importance et la place de la consommation dans la croissance) et le développement durable pour donner lieu au concept de «consommation durable ». A l’instar du développement durable, la consommation durable veille à satisfaire les besoins des générations actuelles sans compromettre ceux des générations futures. Mots clés : Développement durable, consommation durable, évolution, acteurs, expérience marocaine. (1) Le consommateur au sens large (Etat, entreprises, citoyens…) 84 Développement durable et consommation, vers une consommation durable Loubna BARMAKI, FPK, Université Hassan Premier Driss AITCHEIKH, CERSS, Université Mohammed V Introduction : Dans un contexte de mondialisation, caractérisé par la concurrence accrue et le libéralisme (parfois classé de sauvage) et par la rareté (2) et la surexploitation des ressources naturelles, le devenir de la planète et des générations futures parait peu certain. Le rôle des différents acteurs, Etats, ONG, institutions internationales, entreprises et individus est déterminant. Tous ces acteurs sont, d’une façon ou une autre, à un moment ou un autre, considérés comme des consommateurs qui, selon leurs choix et leurs décisions, influent par leurs activités et comportements l’état de la nature, servent ou desservent l’environnement. Si le développement durable cherche à concilier et à faire l’équilibre entre les trois volets, économique (croissance et développement économique), social (justice et équité) et environnemental (préserver et sauvegarder la nature), la question se pose sur la place et le rôle de la consommation dans la préservation de l’environnement. Partons du sens large de consommation (impliquant les différents acteurs), nous cherchons à travers cette étude à montrer le lien entre la consommation durable et le développement durable, à exposer les différentes évolutions, théoriques et empiriques qu’a connues la perception du concept « consommation durable » et à présenter en dernier lieu l’expérience marocaine. I. développement durable et consommation: Quel lien ? Parmi les études théoriques les plus récentes et les plus fondées que nous avons pu consulter et qui examinent la relation consommation- développement durable, nous citons celle de MARDELLAT. P (2010), intitulée « Qualité de vie et consommation soutenable : une perspective pratique » (3). (2) En premier lieu, on cite la rareté de la terre, qui a fait l'objet de préoccupations théoriques depuis les physiocrates (Richard CANTILLON 1756 et autres : Jean VINCENT et François QUESNAY 1762) pour lesquels la seule activité productive est l'agriculture (la terre multiplie les biens: une graine semée produit plusieurs graines. Au final, la terre laisse un produit net ou surplus) alors qu’ils considèrent l'industrie et le commerce comme des activités stériles car elles se contentent de transformer les matières premières produites par l'agriculture…) aux récents essais de Jean-Sauveur AY (2011) sur l’HÉTÉROGÉNÉITÉ DE LA TERRE ET RARETÉ ÉCONOMIQUE qui part de la croissance à venir de la demande - pour l'alimentation mais également les agro-carburants, l'urbanisation, les services éco-systémiques ou la protection de la nature - défie la capacité de la ressource disponible à remplir les fonctions qui lui sont attribuées. (3) MARDELLAT P. (2010), Qualité de vie et consommation soutenable : une perspective pratique, Revue Développement durable et territoires, Vol. 1, n° 3, lectures hétérodoxes du développement durable. 85 Pour comprendre le rôle de la consommation, MARDELLAT part de l’idée que si on veut rationaliser davantage les modes de consommation, il convient de placer la consommation sous la perspective éthique de la qualité de vie ou du bonheur. Il s’agit donc pour lui de croiser deux thèmes, celui de la consommation et du bonheur et celui de la consommation et de durabilité dans le temps. Le premier thème revient à replacer la consommation dans l’horizon des choix de vie du consommateur, dont l’objectif ne peut être que le bonheur ou ce qu’aujourd’hui nous désignons par qualité de vie. Le second thème est propre à la problématique intra et intergénérationnelle du développement durable : comment un consommateur, par sa consommation, au-delà des intérêts de ses contemporains, peut manifester un souci ou une préoccupation pour les générations futures ? Le croisement de ces deux thèmes replace l’économie dans une relation privilégiée à l’éthique (la question du bonheur) et à la politique (la question du sens commun). C’est ce qui définit une perspective aristotélicienne sur le sujet, c’est-à-dire une perspective ouverte par la philosophie pratique d’Aristote. En confrontant l’approche économique de la consommation durable (4) et l’approche socioéconomique et institutionnaliste (5) , à l’approche pratique d’inspiration aristotélicienne, dont la philosophie de la consommation (BERTHOUD) (6) constitue la manifestation la plus récente, on constate que le consommateur ne trouve pas dans les mesures communes extérieures et générales, institutionnelles ou conventionnelles, « les réponses à son désir de bonne vie, mais c’est dans la relation à soi et à son désir qu’il doit se découvrir et se révéler à soi à travers ses propres vertus » (MARDELLAT). Contrairement à la consommation « libre de toute contrainte », la consommation durable est une consommation qui doit tenir compte de certaines limites, d’où la question : comment poser une limite ? Pour les économistes, c’est l’équilibre intergénérationnel qui définit cette limite, pour les institutionnalistes, ce sont les institutions qui doivent poser des limites à la consommation. Pour la philosophie pratique, la limite est interne au choix du consommateur et la question de la limite est enveloppée par la notion de bien et correspond à une vertu. (4) ARROW K., DASGUPTA P., GOULDER L., DAILY G., EHRLICH P., HEAL G., Levin S., MALER K-G., SCHNEIDER S., STARRETT D., WALKER B. (2004), Are We Consuming Too Much ?, The Journal of Economic Perspectives, Vol. 18, N°3 , pp147-172. (5) ZACCAÏ E. (2007), Sustainable Consumption, Ecology and Fair Trade, London, Routledge. (6) BERTHOUD A. (2005), Une philosophie de la consommation. Agent économique et sujet moral, Villeneuve d’Ascq : Editions universitaires du Septentrion. 86 Par conséquent, chacune de ces approches confère un sens différent au caractère soutenable ou durable de la consommation (voir les différentes définitions de la consommation durable à la deuxième partie). Concernant le développement durable, il est à rappeler qu’avant d’aboutir à ce concept, on évoquait les limites de la croissance (1971), puis le développement écologique (1972). Le terme développement durable ne fut utilisé pour la première fois qu’en 1981 par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) qui s'inquiétait de la disparition progressive des milieux naturels. La formalisation du concept fut réalisée en 1987 dans le rapport Brundtland « C'est un développement économique qui permet de satisfaire les besoins de la présente génération sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de "besoins" et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis à qui il convient d'accorder la plus grande priorité, et l'idée des limitations que l'état de nos techniques et de notre organisation sociale imposent sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir». Il est à noter que les trois piliers du développement durable sont l'économique, le social et l'environnemental. Ils sont souvent représentés par trois cercles qui s'entrecroisent (7). L’adoption officielle du concept du développement durable a eu lieu au Sommet de la Terre à Rio en juin 1992. Ce sommait a définit les fondements d’un programme d’actions en faveur du développement durable (27 principes) à mettre en place par les organisations internationales, les Etats, les villes et les collectivités locales (8). Dix ans après Rio, le Sommet Mondial du Développement Durable en 2002 qui a réuni les chefs de pays, responsables d'entreprises, d'ONG et de collectivités locales, a mis en place les mesures à prendre dans les domaines de l'eau, de la biodiversité, de l'énergie, du commerce et de la gouvernance. La conditionnalité entre développement durable et consommation est devenue inévitable depuis le Sommet de la Terre de Rio en 1992. Il est alors admis que pour atteindre l’objectif du développement durable, il faudra changer les modes de production et de consommation, ce qui signifie implicitement que les modes de production et de consommation des pays développées ne sont ni durables dans le temps (générations futures) ni généralisables dans l’espace (à tous les pays) (9). (7) ERMULT J., ASHTA A. (2007), Développement durable, responsabilité sociétale de l'entreprise, théorie des parties prenantes : Évolution et perspectives, Cahiers du CEREN n°21. (8) Agenda 21 du Sommet de la Terre à Rio (1992). (9) http://www.un.org/esa/sustdev/documents/agenda21/french/action4.htm 87 Le chapitre 4 de l’Agenda 21 – bien que court en raison des oppositions à une remise en cause des modes uploads/Geographie/ 1-sm-pdf.pdf

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