1 « L’architecture de la ville » Patrick Germe conférence donnée à l’école de l

1 « L’architecture de la ville » Patrick Germe conférence donnée à l’école de la rénovation urbaine pour Chantal Talland et Jean Werlen La » ville analogue » Aldo Rossi « Architecte, seulement architecte … la discipline qui permet de dessiner la ville est l’architecture. » Nous pratiquons le dessin de ville. Nous nous intéressons à l’architecture de la ville. Nous sommes architectes. Dessiner la ville a pour discipline l’architecture. Savoir des espaces, des usages et des constructions, l’architecture rassemble les différents métiers, les différentes échelles et matières de l’aménagement dans la possibilité d’une même discipline. Au contraire d’un « urbanisme fonctionnaliste » qui cherchait, dans la synthèse disciplinaire où il s’est perdu, un métier renouvelé, c’est à un recentrement que nous nous efforçons, au plus près de la matière sensible et de ses espacements habités. 2 L’architecture est savoir des figures bâties, elle est figuration, à un double titre :  Elle se forme a posteriori du réel, elle émarge à l’existant, elle est capture, rapport, possession, appropriation du réel ; lumière, vue, horizon, vis-à-vis. Elle accorde le présent.  Elle se forme a priori du réel, elle est ordre et construction, dressée contre le réel dans un rythme dans un temps, celui des hommes, qui lui est propre. Panthéon L’architecture agit directement et indirectement, elle est rapport au monde et représentation de ce rapport. Elle est lumière et fenêtre, la fenêtre organise la lumière et nous place auprès d’elle, présence et monumentalité. L’architecture est proximité et distance, articulation et interactions des échelles. Proche et lointain, premier plan contre vide, cerne de l’horizon tout près de nous, l’architecture organise la profondeur. L’architecture ouvre ainsi et déploie auprès de nous la géographie du monde UN ESPACE PUBLIC CONTINU ACCESSIBLE A TOUS, DISTRIBUTIF DE CHACUN Je voudrais commencer en vous parlant de l’espace public. L’espace public a la qualité très particulière de pouvoir modifier profondément l’échelle des lieux. Du moins si l’espace public est comme on le souhaite, continu et accessible à tous. S’il dessert chacun d’entre nous et va partout, il devient ouverture intégration et relation des lieux avec une géographie, avec la grande échelle ; il participe ainsi de l’institution d’une société ouverte empêchant l’enclavement, la sectorisation, la relégation, etc. INTERACTIONS HETEROGENEITES La continuité de l’espace public est co-présence, coexistence, co-visibilité. Espaces et constructions s’ajustent, s’entrelacent se sédimentent, croisent le travail des générations. 3 Art de l’espace et du temps long, l’architecture est un art de l’interaction. L’espace public comme espace des interactions est hétérogène, cette hétérogénéité est propre à tout tissu urbain. L’hétérogénéité est à la fois évidente, nécessaire et questionnante dès lors qu’elle doit prendre place dans une unité spatiale. L’hétérogénéité est au principe d’un type, d’un lieu ou d’un contexte, comme d’une mixité fonctionnelle. Elle met en question l’unité la cohésion et ainsi la consistance de l’architecture. Il y a une tension belle et fatale, entre la localité (facteur d’hétérogénéité) et la continuité de l’espace public (facteur d’homogénéité). Dans cette question d’architecture, de l’hétérogénéité et de l’unité, nous avons, du moins pour l’instant, pris le parti de l’hétérogène, nous méfiant des trop nombreuses impasses de l’unité formelle si séduisante et rassurante soit-elle. Nous avons fait ainsi un triple choix :  celui d’une relation de continuité transformatrice avec les sites où nous intervenons notamment dans les sites de grands ensembles s’imposant cet ancrage et cette incarnation dans le lieu passé,  celui d’une profonde hétérogénéité et d’une juxtaposition typologique à l’intérieur de mêmes ensembles résidentiels,  enfin et paradoxalement, celui de l’unité spatiale nécessaire à l’espace public et à toute «unité d’usage » en tant qu’espace d’interaction et d’hétérogénéité. « Collage City », Colin Rove 4 L’ESPACE OUVERT DES « MODERNES » La ville moderne, celle des grands ensembles, a construit l’espace ouvert. La continuité urbaine s’est faite d’air de soleil et de vent, l’espace construit s’est fait vacuité séparatrice des objets. Pour l’anthropologie de l’espace, l’assignation symbolique et l’appropriation des espaces se tient dans des limites clairement établies, reconnait et construit des limites. Approprier l’espace est articuler l’espace, le découper. L’espace ouvert des «Modernes» a fait faillite parce qu’en renonçant à la ville politique, à l’articulation du public et du privé, il s’est fait sans statut. L’espace ouvert parce qu’il est sans limite est un espace sans appropriation possible. La ville moderne a rompu les enceintes et les enclos du passé. Elle s’est ainsi désappropriée. L’ESPACE LIBRE DE LA VILLE CONTEMPORAINE L’importance acquise par l’espace ouvert ne relève pas de la continuité urbaine. Chacun sait au contraire, que l’espace ouvert produit, si l’on n’y prend pas garde, la fragmentation, la séparation et le cloisonnement. Il y a sans doute aussi une corrélation profonde entre les caractères fermés et ouverts des espaces urbains et les bouleversements des manières dont nous nous représentons l’espace. La représentation classique et notamment la perspective était une représentation finie contenue à l’intérieur des limites de l’espace abstrait figuré par la feuille de papier sur laquelle nous dessinons. L’espace ouvert résulte de la critique de cette représentation par l’art moderne qui a accompagné et anticipé le bouleversement profond de nos manières de vivre. La valeur contemporaine de l’espace ouvert se trouve plus profondément dans ce que l’on appelle « espaces libres », ces espaces, non ou peu construits, qui entretiennent avec la ville traditionnelle un rapport d’altérité et d’opposition. Campagne, friches, parcs, espaces délaissés ou bien préservés, espaces soit disant « naturels », ces « espaces libres » qui sont des « espaces autres », « non lieux » et par le passé hors la ville. Agglomération et « espaces libres » sont aujourd’hui dans des rapports réciproques d’englobement, dont on doit raisonner la forme. L’espace libre est cerné et contenu dans la ville agglomérée. « L’espace libre » est une intériorité urbaine nouvelle1 associée à un rapport direct de l’individu à un monde naturel sublimé, aux loisirs au dépaysement. Cette intériorité urbaine est paradoxale parce que « au dedans » des villes il y aujourd’hui du « dehors ». La qualité paysagère des espaces libres vient cependant utilement relayer la perte de contenu et la crise des usages et des significations de l’espace public contemporain délaissé par le pouvoir politique et religieux et économique. L’espace public contemporain 1 …mais connue des villes anglo-saxonnes 5 acquiert avec les espaces libre la capacité de révéler la géographie et d’en construire un paysage. Il faut savoir faire aujourd’hui de vraies avenues urbaines qui soient à la fois promenades et paysages où l’horizon donne une qualité là où le commerce n’est plus là pour le faire. Comme il faut aussi savoir fabriquer de nouveaux centres urbains, qui soient polarisant et des systèmes d’interconnexion traversant des espaces libres qui peuvent être eux-mêmes extrêmement enclavant. Metz nord, germe&JAM architecture.territoires Peu à peu nous avons appris à combiner espaces fermés et espaces ouverts, espaces parcellisés et espaces libres. A Metz-nord, nous proposions de jouer de l’urbanisation des franges des espaces libres existant, ces « lisières » devaient êtres bâties afin d’ouvrir et de réunir différents quartiers autour de grandes respirations intérieures au tissu urbain. L’ESPACE, LE RESEAU, DE NOUVELLES LOCALITES La modernité artistique et architecturale a déployé une spatialité puissante, spécifique tandis que la modernité économique tendait à s’affranchir de l’espace et de tout effet de localité en se couvrant de réseaux. Les réseaux nous affranchissent des contraintes de l’espace. Les réseaux se développent paradoxalement, Ils suppriment les effets de distance et de localité, imposent un espace abstrait sécurisé et sans hiérarchie, sont inhabitables. Pourtant les réseaux sont aussi pourvoyeurs d’accès et rendent accessibles de nouvelles localités, de nouvelles « épaisseurs ». 6 Le Corbusier œuvre complète Comment intégrer la fonctionnalité du réseau et la médiation de l’espace ? Si on regarde le dessin du Corbusier, la nature est décrite comme une juxtaposition « d’objets trouvés » dada, le nuage est un nuage, l’arbre est un arbre, le sol est un sol,… ils sont détachés de toute contextualité. Le bâtiment est le seul espace habité, le dernier contexte. Et puis à droite, il y a un dessin plus récent, c’est la même cité radieuse, c’est le même œil, mais il n’y a plus de bâtiment. Il n’y a plus d’habitation, le logement est seulement connecté, sans médiation bâtie, sans médiation urbaine. Je vous propose de faire le chemin inverse de cette disparition de l’épaisseur habitée en travaillant à l’intégration des réseaux dans une spatialité territorialisée partagée et socialisée. Villa Stein à Garches, étude, Le Corbusier Regardons cet autre dessin de Le Corbusier. Il a dessiné une parcelle, dans le coin de cette parcelle, il y a un bâtiment qui lui-même se creuse. Il montre que la construction de la maison ne commence pas par la construction du bâti mais par la division de la parcelle. Le dessin du bâtiment résulte du dessin du terrain. Le plein vient du vide entoure le vide. 7 Maison de campagne en brique, Mies Van der Rohe La maison de campagne en brique de Mies Van Der Rohe est un autre bâtiment que uploads/Geographie/ 1403-l-architecture-de-la-ville-patrick-germe.pdf

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