Capitaine de Frégate Didier Ratsiraka – Ministre des Affaires étrangères de Mad
Capitaine de Frégate Didier Ratsiraka – Ministre des Affaires étrangères de Madagascar 27e Assemblée générale des Nations unies, New York, le 5 octobre 1972. Un pays fier de son passé, de ses coutumes, et de ses traditions ! Une nation travaillant dans l'exaltation de la lutte présente contre le sous-développement, l'injustice, et la pauvreté ! Un peuple, enfin, déterminé à affirmer son identité, sa personnalité et sa souveraineté face à l'avenir ! Telle se présente, Monsieur le Présidenti, en ce mois d'octobre 1972, la République Malagasy, qui entend désormais apporter sa modeste contribution à la grande résultante commune que compose le triptyque : paix, fraternité, et justice internationales. C'est pourquoi, malgré son éloignement et son insularité, elle est décidée à se mettre à l'écoute du monde et à faire entendre sa voix à propos de tous les grands problèmes de l'heure. C'est ainsi que nous, Malgaches, nous saluons accord et réconciliation ici, détente et ouverture là, et normalisation ailleurs. Nous nous félicitons tout d'abord de l'entrée en vigueur des traités signés entre l'Union soviétique et la République fédérale d'Allemagne, d'une part, et entre celle-ci et la Pologne d'autre part. Nous nous félicitons également de la conclusion de l'accord quadripartite sur Berlin-Ouest et de l'ouverture économique de la République démocratique allemande sur les autres nations européennes. Nous nous félicitons aussi de la ratification des accords de Simla entre l'Inde et le Pakistanii, en août 1972. Nous nous félicitons enfin de réouverture des pourparlers directs entre les deux parties de la Corée qui, nous l'espérons, déboucheront bientôt sur la réunification du pays. Nous saluons en particulier : - la perspective de la tenue prochaine de la conférence sur la sécurité européenne, - la signature, le 3 octobre, des documents relatifs à l'entrée en vigueur des accords sur la limitation des armes offensives stratégiquesiii. Et nous notons avec satisfaction la nouvelle orientation des relations internationales vers l'émergence d'un système multipolaire qui est de nature à favoriser une plus grande interdépendance dans les relations entre États, à favoriser la réalisation du non-alignement, et à favoriser l'éclosion de négociations et d'accords bilatéraux positifs. Enfin nous rendons, une fois de plus, un vibrant hommage à l'esprit de Rabat ivqui a permis aux Africains de laisser de côté ce qui les divise, pour concentrer leurs efforts dans ce qui les unit, c'est-à- dire dans l'action commune pour l'unité, la liberté et la paix. Nous espérons vivement gue ce même esprit de Rabat parviendra à résoudre rapidement l'actuel différend entre l'Ouganda et la Tanzaniev. Mais hélas, force est bien de reconnaître que ces quelques éclaircies ne suffisent pas, à beaucoup près, à dégager le ciel des relations internationales, où des orages continuent d'éclater çà et là, tandis que de gros cumulo-nimbus, toujours menaçants, obscurcissent l'horizon, en particulier dans le tiers monde. Dans ce tiers monde maudit, où des agressions sont perpétrées ici, perpétrées là, tandis que les heurts des idéologies rivales, les chocs des ambitions contraires continuent d'alimenter à distance, par procuration, des conflits aussi meurtriers que déplorables. Ainsi au Viêt-Nam, où les bombardements aveugles d'objectifs et de populations civils continuent sans justification. Plus d'un quart de siècle de guerre a prouvé qu'une solution militaire de ce conflit est hautement improbable et qu'il appartient aux Vietnamiens, et aux Vietnamiens seuls, de trouver une solution négociée, juste, équitable et durable, sans ingérence extérieure. C'est là le respect essentiel faute duquel, du moins le pensons-nous, le peuple vietnamien ne saurait et ne pourrait vivre en paix, et vivre sa paix dans l'indépendance et la dignité. Seule la neutralisation de l'Asie du Sud-Est peut ramener la paix et la stabilité dans cette région. Au Moyen-Orient ensuite, notre position à l'égard du conflit sempiternel qui y sévit est dictée, ici comme ailleurs, par le réalisme, la justice et le respect de l'égalité des droits. Il faudrait, pensons-nous, beaucoup de naïveté, aujourd'hui, pour se figurer qu'on peut purement et simplement rayer Israël de la carte du monde. Israël est une réalité, nous ne pouvons pas ignorer son existence, c'est peut-être un fait accompli regrettable en ce sens qu'il a été pratiquement imposé par les grands de l'époque à la Société internationale. Mais c'est tout de même un fait accompli. En revanche, ce que nous refusons catégoriquement, c'est qu'Israël aille ainsi de fait accompli en fait accompli et se conduise impunément en puissance expansionniste, impérialiste et belliqueuse. En tant que membre de l'O.U.A., nous refusons d'admettre qu'un État étranger puisse occuper par la force les territoires d'un pays, et, en particulier du pays africain qu'est l'Égypte, piétinent du même coup le droit à l'existence et à l'autodétermination du peuple palestinien. C'est pourquoi nous réaffirmons avec force notre appui sans réserve à la résolution 242vi du Conseil de Sécurité de 1967, demandant à Israël d'évacuer les territoires qu'il a indûment occupés à la suite de la guerre des Six-Jours. C'est, dans l'état actuel des choses, la seule voie qui permette de trouver une solution pacifique, juste et équitable au conflit. Faute de régler cette épineuse question, faute d'attaquer en profondeur les racines du mal, il est patent que tous les efforts que nous serions amenés à déployer contre certains actes de terrorisme désespérés, pour déplorables que soient ceux-ci, resteront vains. Un autre sujet de satisfaction mitigée est aussi la question du désarmement. En effet, si nous notons avec satisfaction l'accord de Moscou de mai 1972 sur la limitation des armes stratégiques, il reste que la limitation des mises en place de systèmes de missiles antimissiles balistiques et la fixation du plafond numérique pour missiles offensifs auraient dû être accompagnées d'une limitation concomitante de l'accroissement qualitatif de l'arsenal nucléaire des superpuissances. C'est dire de quel cœur nous insistons sur la nécessité de conclure au plus tôt une convention sur les armes chimiques et sur l'urgence d'un désarmement général et complet. C'est dire, aussi, de quel cœur nous préconisons la convocation d'une conférence mondiale sur le désarmement, qui aurait pour objectif prioritaire l'élimination et la destruction totale de toutes les armes nucléaires et de toutes les armes d'anéantissement massif. Quant au difficile problème du développement nous tenons pour indispensables : la réalisation d'un développement harmonieuxet équitable de l'économie mondiale, ainsi que l'édification d'un ordre économique et social nouveau répondant aux besoins de toutes les nations et de tous les peuples. Hélas, on ne peut se défendre contre un certain scepticisme devant une analyse objective de la situation économique mondiale, où il apparaît que le taux de croissance des pays dits en voie de développement - 5,4 p. 100 - reste bien en deçà du Les pauvres vendent toujours meilleur marché et achètent toujours plus cher aux riches but fixé par la deuxième décennie du développement et que la détérioration des termes de l'échange ne laisse pas d'inquiéter tous les pays du tiers monde. Enfin, la IIIe C.N.U.C.E.D. n'a pas répondu, tant s'en faut, aux espoirs que les « 77 », devenus les « 96 » ont mis en elle à la suite de la Déclaration de Limavii. Le sous-développement n'est pas seulement un retard dans le développement, il est aussi, et surtout, la conséquence inéluctable d'une organisation léonine de l'économie mondiale et du commerce international, organisation qui favorise une minorité aux dépens du plus grand nombre. L'équilibre, ou plutôt le déséquilibre, qui s'est établi entre les pays développés et ceux qui ne le sont pas est profondément inique et injuste. Les pauvres vendent toujours meilleur marché, et achètent toujours plus cher aux riches. Les économies auto-concentrées des pays industrialisés ont longtemps accumulé et accumulent trop de plus-values leur permettant d'augmenter leur développement au détriment des économies périphériques, extraverties, des pays déshérités, pour que cette situation puisse durer indéfiniment. D'où l'urgence qu'il y a, pour les pays sous-développés, à faire un front commun face à la communauté internationale, face auxnations nanties, ne serait-ce que pour tenter de régulariser les cours des matières premières. La corollaire logique du problème du développement, à savoir la question de la décolonisation et des droits de l'homme ne saurait laisser indifférente la nation prolétaire qu'est Madagascar. Plagiant Saint-Exupéry, nous dirons tout d'abord : « Respect de l'homme, respect de l'homme ! Là est la pierre de touche ! Si le respect de l'homme est fondé dans le cœur des hommes, ceux-ci finiront bien par fonder en retour le système social, politique ou économique qui consacrera ce respect. » Le lien entre le développement et la décolonisation est évident puisque, aussi bien, tous deux reposent sur le respect et la reconnaissance des droits des peuples. Le colonialisme, le racisme, le déni des droits de l'homme sont les principaux obstacles au développement de tout homme et au développement de l'Homme. Le respect de l'homme et de la souveraineté des peuples, la reconnaissance des intérêts et des droits des autochtones, le respect de la démocratie, du droit à l'autodétermination et du droit à la liberté et à la justice, sont autant de leitmotive qui, pour être un peu galvaudés de nos jours, n'en gardent pas moins une valeur propitiatoire au milieu des contradictions qui rongent les uploads/Geographie/ 27e-assemblee-generale-des-nations-unies-new-york-5-octobre-1972.pdf
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- Publié le Mar 12, 2021
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