Epidémiol. et santé anim., 2002, 41, 169-177 Microbiologie prévisionnelle : Pri

Epidémiol. et santé anim., 2002, 41, 169-177 Microbiologie prévisionnelle : Principaux modèles de croissance utilisés en appréciation quantitative des risques 169 MICROBIOLOGIE PREVISIONNELLE : PRINCIPAUX MODELES DE CROISSANCE UTILISES EN APPRECIATION QUANTITATIVE DES RISQUES M. Sanaa1 RESUME : La modélisation de la croissance microbienne est l’un des points clés de l’appréciation quantitative des risques. On définit différents types de modèles : les modèles primaires, les modèles secondaires, les modèles tertiaires et les modèles sous conditions dynamiques d’environnement. Cet article présente les principales caractéristiques de ces différents modèles. SUMMARY : The modelling of the microbial growth is one of the key issues of the quantitative evaluation of the risks. Several types of models were analysed: the primary and secondary models, the industry-related models and the models under dynamic conditions of the environment. This paper presents the main characteristics of these various models. š L’analyse des risques a été largement développée et appliquée à la pollution chimique de l’environnement. Son utilisation dans les problèmes liés à la consommation de produits alimentaires contaminés par des bactéries est relativement récente. L’appréciation quantitative du risque est un préalable essentiel de sa gestion. Elle est utile pour la santé du consommateur, les entreprises agro-alimentaires, la distribution, et pour les échanges nationaux et internationaux. Cependant, il est nécessaire d’adapter la démarche aux micro-organismes qui, contrairement aux produits chimiques, peuvent se multiplier ou se détruire dans l’aliment. L’adaptation doit tenir compte des interactions biologiques entre l’aliment et le micro- organisme. La microbiologie prévisionnelle est un outil combinant des éléments microbiologiques, mathématiques et statistiques permettant de développer des modèles décrivant la croissance ou la destruction des populations microbiennes sous certaines conditions environnementales. Ces modèles permettent lorsqu’il n’est pas possible de mesurer directement l’exposition (pourcentage de contamination et concentration du micro- organisme dans l’aliment au moment de sa consommation), de la prédire en fonction de la contamination primaire (matière première), des conditions d’environnement ou du traitement subi tout au long de la chaîne de production et de distribution de l’aliment. Les principaux facteurs affectant la croissance microbienne sont le pH, l’activité de l’eau ( aw), l’atmosphère, la température et la présence de certains acides organiques comme le lactate. L’objectif de cet article est de présenter les principaux modèles de croissance des bactéries et leur utilisation en appréciation quantitative des risques. ______________________ 1 Unité de recherche : épidémiologie et analyse des risques, Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, 7, avenue du Général de Gaulle, 94704 Maisons Alfort, France Epidémiol. et santé anim., 2002, 41, 169-177 Microbiologie prévisionnelle : Principaux modèles de croissance utilisés en appréciation quantitative des risques 170 I - CINETIQUE DE LA CROISSANCE MICROBIENNE Lorsque les conditions de milieu sont favorables (présence de nutriments, température, activité de l'eau, pH, absence d’antiseptiques ou d'antibiotiques...), la croissance microbienne suit la courbe de la figure 1. FIGURE 1 Les différentes phases de la croissance microbienne Temps population microbienne phase stationnaire phase exponentielle phase stationnaire phase de déclin Après une phase de latence plus ou moins longue (phase d’adaptation au nouvel environnement), la croissance est exponentielle. La croissance exponentielle peut être décrite par l’un des deux paramètres suivants : le temps de génération ( TG) ou le taux de croissance exponentielle (TCE). Le temps de génération (TG) est le temps de doublement de la population. Soit N0 la population initiale, soit t le temps et en faisant abstraction du temps de latence, la taille de la population à l’instant t (Nt): TG t o 2 N Nt × = On peut calculer facilement le temps de génération à partir d’une courbe de croissance expérimentale tracée sur une échelle semi- logarithmique (figure 2). En posant B le nombre de bactéries à un instant donné et b le nombre de bactéries après un intervalle de temps t, selon le principe de scissiparité des bactéries (figure 2), on a : b=B x 2n où n est le nombre de générations. On en déduit : ) 3,3log(b/B log2 log(b/B) n = = min 24 3,3x3 240 ) /10 3,3log(10 240 ) 3,3log(b/B t TG 4 7 = = = = A partir de la figure 2 on peut également estimer le taux de croissance exponentiel (TCE noté traditionnellement µ) en posant l’équation suivante : ln(b)=ln(B) + µt, où ln est le log népérien. On en déduit : µ = ln(b/B)/t et la relation suivante entre le taux de croissance exponentielle et le temps de génération : µ = ln(2)/TG En appliquant les données de la figure 2, on obtient : 0,029 240 ) /10 In(10 µ 0,029 24 In2 µ 3 7 = = = = Après la phase exponentielle, on observe un ralentissement de la croissance aboutissant à une phase stationnaire caractérisée par une densité maximale de population microbienne (Nmax). Dans certains cas on peut observer une phase de décroissance (déclin) qui résulte de l’appauvrissement du milieu. Epidémiol. et santé anim., 2002, 41, 169-177 Microbiologie prévisionnelle : Principaux modèles de croissance utilisés en appréciation quantitative des risques 171 FIGURE 2 Exemple de courbe de croissance, échelle semi-logarithmique Temps en heures Population en log décimal Temps en heures Population en log décimal II - CLASSIFICATION DES MODELES Whiting et Buchanan [1993] ont proposé trois classes de modèles : les modèles primaires, secondaires et tertiaires. Les modèles primaires décrivent l’évolution au cours du temps de la population microbienne dans un environnement spécifique. La mesure de cette population peut être directe (exemples : dénombrement sur boîtes de Pétri, cytométrie en flux ou sur filtre avec analyse d’image) ou indirectes (exemples : dosage de certaines composantes témoins du métabolisme bactérien comme ATP-métrie, dosage du glucose, du CO2, etc.). Selon leur complexité, les modèles primaires sont caractérisés par un ou plusieurs paramètres comme le temps de latence, le taux de croissance, la densité maximale etc. Ces paramètres sont spécifiques à des conditions d’environnement constant au cours du temps. Les modèles décrivant l’effet des conditions d’environnement (par exemple : pH, température, acides) sur les paramètres des modèles primaires sont appelés modèles secondaires. Les modèles utilisant les systèmes experts et de bases de données pour faire le lien entre les modèles primaires et secondaires sont appelés modèles tertiaires. En parallèle à cette classification, on peut définir des modèles dynamiques permettant de prédire la croissance microbienne en fonction des paramètres des modèles primaires qui varient au cours du temps (conditions d’environnement variant au cours du temps). III - MODELES PRIMAIRES DE CROISSANCE Le modèle le plus simple est le modèle exponentiel. Il suppose que la variation de densité bactérienne est décrite par l’équation différentielle linéaire suivante : µN(t) dt dN = où N(t) est l’effectif de la population considérée à l’instant t, dN est la variation de la densité bactérienne au cours d’un laps de temps dt, µ est le taux (vitesse) de croissance. En supposant la condition initiale N(0)=N0, la solution de l’équation différentielle est : µt ] N [ In )] t ( N [ In ) µt exp( N ) t ( N o o + = ⇔ = Ce modèle ajuste bien la phase de croissance exponentielle, mais il est mal adapté pour décrire les croissances que l’on observe dans la nature et qui sont généralement limitées. Les autres modèles que nous allons présenter vont permettre de généraliser le modèle exponentiel en intégrant les phases de croissance stationnaire et les transitions entre les différentes phases de croissance. La généralisation du modèle exponentiel peut être faite de la façon suivante : Epidémiol. et santé anim., 2002, 41, 169-177 Microbiologie prévisionnelle : Principaux modèles de croissance utilisés en appréciation quantitative des risques 172 ) N ( g ) t ( f ) t ( µN dt dN × × = où f(t) est une fonction décrivant l’évolution du taux de croissance durant la phase de latence et g(N) est une fonction de freinage aboutissant à la phase de saturation du milieu (équilibre naturel entre le milieu et la population microbienne). Zamora et Zaritzky ont proposé en 1985 une extension simple du modèle exponentiel permettant de tenir compte de la phase de latence :    > − + ≤ = lag t si lag) µ(t ) ln(N lag t si ) ln(N ln(N(t)) 0 0 où lag est le temps de latence. Ce modèle suppose que le démarrage de la croissance exponentielle se fait brutalement sans phase de transition et ne prend en compte ni la saturation du milieu ni la décroissance. Afin de tenir compte de la forme sigmoïde des courbes de croissance que l’on observe en traçant les points expérimentaux sur une échelle logarithmique, Gibson et al. [1987] ont proposé l’utilisation des modèles logistique et Gompertz. La différence avec le modèle exponentiel est l’introduction d’une fonction de freinage g(N) spécifique, (1-N) pour le modèle logistique et –ln(N) pour le modèle Gompertz. La résolution des équations différentielles correspondantes aboutit à des modèles dont les paramètres ne sont pas directement interprétables. Zwietering et al. [1990] ont, pour cette raison, proposé une simplification de ces deux modèles en faisant apparaître les paramètres classiques : concentration initiale (N0), concentration maximale (Nmax), temps de latence (lag) uploads/Geographie/ 41-15.pdf

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