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Lucrările Seminarului Geografic Dimitrie Cantemir Vol. 38, October 2015, pp. 12

Lucrările Seminarului Geografic Dimitrie Cantemir Vol. 38, October 2015, pp. 125-145 http://dx.doi.org/10.15551/lsgdc.v38i0.09 Tizi-Ouzou, la ville en mouvement. Un espace urbain en recomposition Naïma Agharmiou-Rahmoun1 1 Faculté des Sciences Economiques, Commerciales et des Sciences de Gestion Université Mouloud Mammeri, Tizi-Ouzou, Algérie To cite this article: Agharmiou-Rahmoun, A. (2015). Tizi-Ouzou, la ville en mouvement. Un espace urbain en recomposition. Lucrările Seminarului Geografic Dimitrie Cantemir, Vol. 38, pp. 125-145. DOI: 10.15551/lsgdc.v38i0.09 To link to this article: http://dx.doi.org/10.15551/lsgdc.v38i0.09 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- ISSN: 1222-989X www.seminarcantemir.uaic.ro © Editura Universității Alexandru Ioan Cuza din Iasi, Romania. This is an open access article under the CC BY. LUCRĂRILE SEMINARULUI GEOGRAFIC “DIMITRIE CANTEMIR” NR. 38, 2015 pp. 125-145. TIZI-OUZOU, LA VILLE EN MOUVEMENT. UN ESPACE URBAIN EN RECOMPOSITION Naïma AGHARMIOU-RAHMOUN1 Résumé. Dans la région de la Kabylie du Djurdjura, l’émergence des villes a été tardive. Ce n’est que vers le milieu du 19ème siècle, sous la colonisation française, que les premiers germes urbains viennent rompre une constance villageoise séculaire. La ville de Tizi-Ouzou offre ainsi un exemple intéressant de ville de montagne dont l’évolution accélérée lui a permis de passer très vite du stade de bourg à celui de grande ville. Il s’agit d’un cas atypique d’une « nouvelle ville » algérienne ayant prospéré très vite dans un hinterland rural, des plus denses de la Méditerranée. La ville devient très vite le produit de greffes d’espaces et de territoires successifs, chacun renvoyant à une époque historique, à un projet de développement différent: village-Bordj à l’époque turque ; centre colonial- chef-lieu de département à l’époque française puis chef-lieu de wilaya et pôle régional dans l’armature urbaine nationale actuelle. La ville est ainsi bâtie par touches successives jusqu’à former un noyau urbain de près de 110000 habitants aujourd’hui. Après l’indépendance du pays (1962), d’autres espaces complèteront l’ossature de la ville, certains planifiés par l’État, d’autres spontanés exprimant les mutations de l’économie et de la société. Le but de cette contribution est de montrer l’incessant mouvement du territoire de la ville de Tizi-Ouzou. Les différentes politiques de développement de la ville que ce soit celles menées par l’administration coloniale ou des pouvoirs publics algériens traduisent souvent une « gouvernance locale » hasardeuse, une planification urbaine épisodique. Cette situation pourrait s’expliquer par le fait qu’il s’agit là d’une ville sans histoire urbaine. Dans l’espace urbain « intramuros », les incohérences urbanistiques et les désarticulations traduisent ce passé proche, de village de montagne. Toutes ces péripéties de la ville expriment plus une somme de manifestations individuelles qu’une action réfléchie et planifiée des pouvoirs locaux. D’où notre démarche d’investigation visant à comprendre la formation de la ville depuis l’émergence du premier noyau urbain. Puis d’analyser l’expansion de la ville pendant un demi-siècle de développement du pays (1962- 2014). Mots-clés: ville, agglomération, rural, planification urbaine, territoire 1. Introduction De par sa formation, Tizi-Ouzou offre un exemple intéressant de ville de montagne, dont l’évolution accélérée lui a permis de passer du stade de bourg à celui de grande ville en seulement un siècle et demi. Le processus d’agglomération cumulatif lui permettant ce bond spectaculaire ne traduit pas un cheminement économique progressif que d’autres villes de par le monde ont connu2. C’est souvent grâce à l’injection de programmes volontaristes de l’État 1 Maître de Conférences, Faculté des Sciences Economiques, Commerciales et des Sciences de Gestion Université Mouloud Mammeri, Tizi-Ouzou, Algérie, rahmounaima@yahoo.fr 2 P. Bairoch, 1985, De Jéricho à Mexico : villes et économie dans l’histoire, édition Gallimard ; Huriot JM. et Bourdieu-Lepage L., Economie des villes contemporaines, 2009, Paris, Edition Economica ; Polese M. et Scheamur R., Économie urbaine et régionale : introduction à la géographie économique, édition Economica, 2009 126 que la ville a dû s’imposer et grâce à l’exode rural que sa population s’est accrue. Passant de la phase de village, puis de Bordj à celle de bourg colonial, la transition vers la ville moyenne puis la grande ville a été très rapide. Il en a résulté des éclatements progressifs de la ville, éclatements qui ne cessent d’ailleurs d’étendre la ville au point de confondre le périmètre urbain et communal ! Par ailleurs, la ville de Tizi-Ouzou présente certaines spécificités par rapport à d’autres villes d’Algérie lui donnant le caractère de nouvelle ville dans le réseau urbain national. Trois grandes mutations territoriales caractérisant la ville : - La naissance de la ville, une création spontanée résultant de la politique coloniale de peuplement : un fait nouveau dans un hinterland rural des plus dense de la méditerranée3 ; - La formation d’une métropole puis son redéploiement après l’indépendance du pays : la ville est vue comme un diffuseur du développement dans une économie socialiste ; - Une dynamique urbaine sous l’ère libérale : la ville traduit les nouveaux choix du pays. En l’absence d’une planification urbaine cohérente, les transformations de la ville ne se sont pas produites sans heurts. La formation de la ville de Tizi-Ouzou par greffes successives traduit le parcours tumultueux de la ville algérienne résultant d’un demi-siècle d’efforts de développement économique. 1. Les prémisses d’une ville La ville de Tizi-Ouzou culmine la vallée du Sébaou qui a été dès l’époque romaine (1er au 5ème siècle) et jusqu’au XVIe siècle une zone de passage et une voie de contrôle. Inhabitée, cette vallée était cultivée et travaillée par les montagnards des alentours. A l’arrivée des Ottomans vers 1640, des postes de surveillance, les Bordjs, vont être érigés dont celui de Tizi-Ouzou. Les habitants commencent alors à s’y agglomérer progressivement. 1.1 . Le Bordj A début du 16ème siècle, c’est la ville de Dellys4 qui est la capitale de la Kabylie et le point d’ancrage des turcs qui développent des échanges avec le Sébaou. L’origine de Tizi- Ouzou serait une Zmala Turque5, le village de Amraoua (dit haute ville) qui est créé vers le milieu du XVIIe siècle. Ce n’est qu’un siècle plus tard, en 1715, que le premier fort est construit à Tazaghart6 sur la rive droite du confluent, près de l’Oued –Aissi, il disparaitra quelques années plus tard. Le Bordj Tizi-Ouzou ne sera construit qu’en 1720, d’autres Bordjs seront bâtis sur les sites stratégiques quadrillant la région (Sébaou, Bordj-Ménaiel, Boghni, Hamza, Isser). La localisation du Bordj de Tizi-Ouzou a été dictée par la configuration de l’espace, enserré entre deux monts habités (Belloua et Hasnaoua) et une vallée bien irriguée. Le souk7 Essebt va renforcer ce rôle stratégique de contrôle et d’animation. L’organisation du 3 Agharmiou-Rahmoun Naïma, 2014 « Les villes-villages, une nouvelle génération de villes : cas de la Kabylie (Algérie) », communication présentée au colloque international « Aux frontières de l’urbain : Petites villes du monde, croissance, rôle économique et social, intégration territoriale, gouvernance », Avignon (France), 22-23-24 Janvier 2014 4 Ville située au bord de la mer à une quarantaine de km de Tizi-Ouzou 5 Dahmani M., in Tizi-Ouzou, fondation, croissance, développement », Draa-BenKhedda, édition l’Aurassi. Selon cet auteur, l’absence de fouilles archéologiques privilégie cette thèse auprès des historiens et chroniqueurs. 6 Plus loin, une ferme est érigée à Timizar- Loghbar pour l’exploitation des terres et l’approvisionnement en grains et bétail pour les besoins du beylik. 7 De Crescenzo J., 2007, « Chroniques Tizi-Ouziennes et régionales 1844-1940 », édition Alpha, tome 1, page 18. Selon cet auteur, Le souk Essebt est érigé par Ali Khodja à Oued Falli, il sera délocalisé un siècle plus tard à Tizi- Ouzou, il constituera alors un des facteurs de localisation du centre européen. Les échanges portaient sur les produits du terroir (figue, huile, céréales, tissages,…) et sur les produits manufacturés venus de l’extérieur. 127 village se fera alors autour des deux éléments essentiels dans la formation des villes, le souk et la mosquée. Le Bordj sera agrandi vers 1737 par le Bey Mohamed Ben-Ali afin de consolider le Makhzen de Amraoua et de pénétrer la Kabylie8. A la mort du Bey en 1754, la tribu des Amraoua est scindée en deux fractions9 dont l’origine est d’origine Koulougli10 mais aussi les montagnes environnantes, la vallée des Issers; Bouira ; Bordj-Bou-Arreridj. Le Bordj va devenir un point d’ancrage, un pont d’appui, de ravitaillement, d’observation et d’attaque,…un repère pour le nouveau conquérant français qui en fera le catalyseur pour l’envahissement de la région. Il est fortifié11 et aménagé dans les années 1851-1852 ce qui ne manquera pas d’attirer de nouveaux occupants. Sa transformation en caserne avec hôpital renforcera l’afflux de nouveaux immigrants et induira plus de besoins ce qui allait conduire à édifier, dans l’urgence, des sites d’installation et l’ouverture de routes vers la montagne fraichement conquise (1857). Le Bordj devient un repère pour la future ville de Tizi-Ouzou. Ainsi, tous les ingrédients sont là pour créer de toute pièce une ville de montagne : un bordj, un village traditionnel assurant main d’œuvre et débouchés et un col, lieu idéal pour dominer la vallée. C’est l’un des premiers sites à bénéficier du progrès technologique de la révolution industrielle. 1.2 . Le centre colonial La formation de Tizi-Ouzou en tant qu’agglomération urbaine n’a débuté qu’après les insurrections de 1857 et de 187112. Il ne s’agit pas d’une création ex-nihilo mais « d’un isolat uploads/Geographie/ 41-article-text-140-1-10-20190221.pdf