www.comptoirlitteraire.com présente ‘’Les rêveries du promeneur solitaire’’ (17
www.comptoirlitteraire.com présente ‘’Les rêveries du promeneur solitaire’’ (1776-1778) recueil de dix textes autobiographiques de Jean-Jacques ROUSSEAU Dans cette première partie de l’étude, on trouve l’établissement de la genèse de l’œuvre, puis un résumé suivi d'une analyse de : - ‘’Première promenade’’ (page 4) - ’’Seconde promenade’’ (page 12) - ‘’Troisième promenade’’ (page 24) - ‘’Quatrième promenade’’ (page 35) - ‘’Cinquième promenade’’ (page 51). Bonne lecture ! Genèse de l'œuvre 1 Rousseau, qui était convaincu d’être victime d’un «complot» ourdi par ses ennemis, Diderot, d’Alembert, d’Holbach et même Hume, tout le genre humain étant complice, avait voulu se justifier des accusations portées contre lui en écrivant ''Les confessions'', son autobiographie, et ''Rousseau juge de Jean-Jacques'', un plaidoyer frénétique. Mais il avait encore connu, avec ces œuvres, de cruelles déconvenues. D’abord, en 1771, il se vit interdire de continuer ses lectures publiques des ''Confessions''. Puis, en 1776, il ne put publier ''Rousseau juge de Jean-Jacques'' parce que, pensa-t- il, ses persécuteurs l'en avaient empêché. Dans "Histoire du précédent écrit", il raconta qu’il avait alors résolu de se confier à la Providence, en portant le manuscrit sur l'autel de Notre-Dame ; mais que, le jour où il y alla, le 24 février 1776, il trouva, fermant le chœur, une grille qu'il n'y avait jamais vue ; qu’il éprouva tout d'abord le vertige de sentir que Dieu aussi était ligué contre lui. Il marcha à travers Paris jusqu’au soir pour essayer de se calmer, sans y réussir. Il arriva chez lui, rue Plâtrière, «rendu de fatigue et presque hébété de douleur». Puis il crut comprendre que la Providence lui envoyait un signe pour lui faire savoir qu'il devait chercher un destinataire compréhensif ; il porta donc le manuscrit à l’abbé de Condillac, un ami de jeunesse devenu académicien ; mais celui-ci, avant tout logicien et grammairien, se contenta de faire quelques observations sur la composition de l’ouvrage ! Dans ces années de folie, où tous ceux qui l'approchaient lui étaient suspects ; où il ne se sentait en sécurité nulle part, pas même dans la rue où il s'imaginait que tous les passants le reconnaissaient, se moquaient de lui, et lui voulaient du mal, en désespoir de cause, il rédigea encore, en avril 1776, une lettre circulaire adressée ‘’À tout Français aimant encore la justice et la vérité’’, dont il fit plusieurs copies, et qu'il distribua dans les rues, les promenades, aux Tuileries. Mais ce prospectus justificatif fut refusé par les passants. Il resta persuadé qu'on ne lui permettrait même pas de transmettre aux générations futures une image exacte de sa personne et de sa pensée. Cependant, plus tard au printemps, il vit son état mental s'améliorer. Toujours convaincu de l’existence du «complot», certain qu'il n'avait plus rien à attendre de ses contemporains avec lesquels il ne voulait même plus avoir de rapports, se croyant réduit à ne prendre appui que sur lui-même, à «se circonscrire» en lui-même, à se mettre au centre d’un cercle protecteur, à ne vivre qu’en lui-même et à n’écrire que pour lui seul, en étant libre de toute attache en ce monde, en ayant accompli sa tâche, il se résigna. Ce détachement lui assura une stabilité et une quiétude qu'il n'avait plus connues depuis longtemps. Trouvant enfin l'apaisement dans la retraite, il décida de ne plus se défendre, d'oublier, dans la mesure du possible, ses ennemis, de jouir dans le calme des dernières années qui lui restaient à vivre, d’attendre la mort avec sérénité. Mais, pour se préparer à rendre ses comptes à Dieu, il s'examinait, revivait les heures les plus heureuses de son passé. Surtout, il faisait chaque jour de longues promenades à pied qui le conduisaient dans la campagne autour de Paris, et, au cours desquelles, il herborisait, et poursuivait sa réflexion sur lui, s'inscrivant ainsi dans la grande tradition méditative occidentale où, depuis les péripatéticiens grecs, on se plaît à philosopher en plein air. La nature le détournait de ses angoisses et de ses obsessions, lui faisait même retrouver la joie de vivre car elle était source de «rêveries». Rousseau avait déjà, dans le ‘’Second dialogue’’ de ‘’Rousseau, juge de Jean-Jacques’’, défini la rêverie comme un état dans lequel «on n’est point actif. Les images se tracent dans le cerveau, s’y combinent comme dans le sommeil, sans le concours de la volonté ; on laisse à tout cela suivre sa marche, et l’on jouit sans agir.» ; on laisse aller ses pensées, sans ordre, au gré des associations d’idées, ce qui implique donc une certaine passivité de l’esprit, une disponibilité, une certaine nonchalance. Cela implique aussi la solitude qui lui permet d’échapper au contrôle des autres ; dont il dit qu’il y est pleinement lui-même, sans diversion, sans obstacles. De ce fait, si les rêveries permettent d’abord d’entendre la voix de la nature, si cette réflexion peut avoir différents objets, le principal, pour Rousseau, c’est son propre ego, son propre «moi», qui lui devient alors transparent. Comme il se centre sur lui-même pour essayer de se connaître, sa rêverie n’a donc rien d’onirique, n’a donc pas l’incohérence de l’onirisme, mais garde une certaine cohérence, un fil directeur. Dans le ‘’Second dialogue’’ de ‘’Rousseau, juge de Jean-Jacques’’, il faisait cependant remarquer que «la rêverie, quelque douce qu’elle soit épuise et fatigue à la longue, elle a besoin de délassement. On le 2 trouve en laissant reposer sa tête et livrant uniquement ses sens à l’impression des objets extérieurs. Le plus indifférent spectacle a sa douceur par le relâche qu’il nous procure, et pour peu que l’impression ne soit pas tout à fait nulle, le mouvement léger dont elle nous agite suffit pour nous préserver d’un engourdissement léthargique et nourrir en nous le plaisir d’exister sans donner de l’exercice à nos facultés.» Ce serait dans un moment d’exaltation connu au cours d’une de ces promenades qu’il décida de reprendre la plume, pour, au jour le jour et au hasard, en étant libéré de toute règle formelle, prendre, de son écriture souvent microscopique, des notes sur des événements qu’il vivait, des méditations qu’il faisait, des souvenirs qui lui revenaient ; pour, à loisir, «rendre compte des modifications intérieures de [son] âme et de leurs successions» ; pour faire revivre les «délices internes que trouvent dans la contemplation les âmes aimantes et douces» (‘’Seconde promenade’’). C’était une idée tout à fait neuve, que de laisser ainsi son esprit dériver. Il remplit ainsi vingt-sept cartes à jouer (conservées à la bibliothèque de Neuchâtel) qu’il allait qualifier de «registre fidèle de [ses] promenades solitaires et des rêveries qui les remplissent». Ces cartes montraient d’abord les oscillations caractéristiques de son esprit versatile (cartes 1 à 5). Puis elles s’attardaient longuement au complot qui l’obsédait toujours (cartes 6 à 16). Ensuite, le fil des idées se rompit (carte 17), peut-être à cause de l’accident qu’il subit le 24 octobre 1776 qui est mentionné dans la ‘’Seconde promenade’’ («un accident imprévu vint rompre le fil de mes idées et leur donner pour quelque temps un autre cours» ; en effet, il avait été, le 24 octobre 1776, dans la côte de Ménilmontant, renversé par un chien. Ayant relu ses ‘’Confessions’’, il nota sur les cartes 20 et 21 quelques corrections nécessaires à son ouvrage. Dans la carte 22, il revint aux réactions variées de passants rencontrés, comme s’il avait alors repris ses promenades dans Paris. La deuxième pensée de la carte 26 («Tout me montre et me persuade que la Providence ne se mêle en aucune façon des opinions humaines ni de tout ce qui tient à la réputation, et qu’elle livre entièrement à la fortune et aux hommes tout ce qui reste ici-bas de l’homme après sa mort») semble avoir été suggérée par l’attitude de ses contemporains lorsqu’il passa pour mort. La carte 27 nota la succession des thèmes à traiter dans le nouvel ouvrage. En effet, comme il allait lui suffire de relire les pensées détachées qui figuraient sur ces cartes, il envisagea de les développer dans des textes, qu’il allait appeler «Promenades», et dont il ferait un recueil auquel il donnerait le titre de ‘’Rêveries’’, qu’il allait qualifier d’«informe journal de [ses] rêveries» (‘’Première promenade’’). Ainsi, sur la première carte, il avait indiqué : «Pour bien remplir le titre de ce recueil je l'aurais dû commencer il y a soixante ans : car ma vie entière n'a guère été qu'une longue rêverie divisée en chapitres par mes promenades de chaque jour» ; et il s’inquiéta : «Je sens déjà mon imagination se glacer, toutes mes facultés s’affaiblir. Je m’attends à voir mes rêveries devenir plus froides de jour en jour jusqu’à ce que l’ennui de les écrire m’en ôte le courage.». En fait, il entendait encore infliger à ses adversaires un démenti formel, irrécusable, en léguant à la postérité ce dernier portrait de lui, car, dans la ‘’Seconde promenade’’, il annonça son «projet d’écrire la suite de [ses] ‘’Confessions’’». Comme il rêvait toujours un certain temps à ses ouvrages avant de les composer ; comme, désormais, il était incapable d’un effort prolongé, uploads/Geographie/ 808-rousseau-les-reveries-du-promeneur-solitaire-i.pdf
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- Publié le Jan 18, 2022
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