Annuaire français de droit international Chronique de Droit international écono

Annuaire français de droit international Chronique de Droit international économique M. le professeur Dominique Carreau, M. le professeur Thiébaud Flory, Jacqueline Dutheil de La Rochère Citer ce document / Cite this document : Carreau Dominique, Flory Thiébaud, Dutheil de La Rochère Jacqueline. Chronique de Droit international économique. In: Annuaire français de droit international, volume 17, 1971. pp. 657-701; doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1971.1666 https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1971_num_17_1_1666 Fichier pdf généré le 09/04/2018 COOPÉRATION TECHNIQUE ET ÉCONOMIQUE CHRONIQUE DE DROIT INTERNATIONAL ECONOMIQUE Dominiquk CARREAU, Jacqueline de La ROCHERE Thiébaut FLORY SOMMAIRE COMMERCE 657 I. La crise commerciale internationale ; le plan nixon su 15 août 1971 658 IL Les répercussions de la crise sur le commerce international 663 INVESTISSEMENTS 674 I. Garantie des investissements privés a l'étranger 674 II. Aide pubique au développement 675 MONNAIE 680 I. La coopération monétaire dans le cadre de la ce.e 682 IL Les crises du système monétaire international 687 PRODUITS DE BASE 696 I. Politique de la c.n.u.c.e.d 696 IL Mise en œuvre et renouvellement des accords existants : blé, sucre, étain ... 698 — I — COMMERCE L'année 1971 — en matière de commerce international — est dominée par la crise du 15 août. Le protectionnisme — qui n'était qu'une tendance, qu'une menace en 1969 et en 1970 — a dégénéré brutalement en une véritable crise commerciale le 15 août avec les mesures décrétées par le Président Nixon. 42 658 CHRONIQUE DE DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE Aussi a-t-on pu parler de la fin du système monétaire et commercial international, tel qu'il avait été édifié au lendemain de la IIe Guerre Mondiale par les accords de Bretton Woods et du G.A.T.T., de la fin de l'ère du libéralisme monétaire et commercial. Pareillement, on a pu parler de « l'érosion » de la clause de la nation la plus favorisée (1) , certains commentateurs ou certains représentants d'Etats se demandant même si la clause de la nation la plus favorisée avait encore une signification, si elle jouait encore un rôle dans la régulation du commerce international. D'une façon plus radicale, on a pu se demander si le G.A.T.T. n'était désormais pas vidé de sa substance. Toutefois, au-delà de ces observations de caractère général, il convient d'analyser — sous un angle juridique — les mesures commerciales décrétées par le Président des Etats-Unis, et d'étudier, dans un deuxième temps, les répercussions de la crise sur le commerce international. I. — L'ANALYSE JURIDIQUE DE LA CRISE COMMERCIALE, ET LE PROBLÈME DE LA LÉGALITÉ DES MESURES AMÉRICAINES DU 15 AOUT 1971 Le 15 août 1971, afin de lutter contre le déficit croissant de la balance des paiements américaine, le Président des Etats-Unis a annoncé l'instauration de trois mesures à incidence commerciale : la surtaxe de 10 % à l'importation, le « Job Development Tax Credit », et le système du « Domestic International Sales Corporation» (ou D.I.S.C.). Pour ces. trois catégories de mesures (2) , il s'est posé ou il se pose encore le problème de leur compatibilité juridique avec les règles du G.A.T.T. (1) L'expression c érosion » de la clause de la nation la plus favorisée a été employée par la délégation des Etats-Unis au G.A.T.T., lors de la 27e session des Parties Contractantes du G.A.T.T. (Genève, 16-26 novembre 1971). V. les conclusions de la 27» session du G.A.T.T., INF/146. Sur l'évolution de la clause de la nation la plus favorisée, v. Gros Espiell, The Most Favoured Nation Clause, its present significance in G.A.T.T., Journal of World trade law, 1971, vol. 5, n° 1, pp. 29-45; v. D. Vignes, R.CJLJD 1., tome 130, p. 209-349 : « La clause de la nation la plus favorisée et sa pratique contemporaine. Problèmes posés par la Communauté économique européenne ». (2) Sur le problème de la légalité des mesures américaines au regard des règles internationales, v. les documents du G.A.T.T.; G.A.T.T./1087, G.A.T.T./1090, GA.T.T./1095, G.A.T.T./1098, INF/146; les documents de la Commission de la CEJE. : * Conséquences pour la Communauté de la situation actuelle dans les domaines monétaire, commercial et agricole », supplément 6/71, Annexe au Bulletin des Communautés européennes 9/10-1971; le document de la C.N.U.C.EJ3. : c La situation monétaire internationale : ses incidences sur le commerce mondial et le développement », TD/B/C. 3/98. ' CHRONIQUE DE DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 659 A) La compatibilité de la surtaxe de 10 % avec les règles du g.a.t.t. Le ■ champ d'application de la surtaxe de 10 % — entrée en vigueur le 16 août 1971 (3) et abrogée le 20 décembre 1971(4) — s'étendait à tous les produits importés aux Etats-Unis, à l'exception de- ceux qui ' n'étaient pas assujettis aux droits de douane et de ceux qui étaient soumis à un régime de restriction quantitative à l'importation. En ce qui concernait son mécanisme d'application, cette mesure consistait en une taxe additionnelle de 10 % ad valorem, s'ajoutant aux tarifs existants pour les produits concernés, c'est-à-dire le tarif en vigueur au 1er janvier 1971. Enfin, une application discriminatoire a été envisagée, le Président ayant délégué au Secrétaire au trésor le pouvoir d'accorder des exemptions à certains pays, si les circonstances s'y prêtaient. Le G.A.T.TV ayant été saisi, un- groupe de travail, spécialement constitué à cet effet, a examiné la légalité de la surtaxe du 6 au 10 septembre 1971. Le 16 septembre 1971, le Conseil du G.A.T.T. a adopté le rapport du groupe de travail. Conformément à la procédure de l'article XV § 2 (5) de l'Accord général sur les tarif s • douaniers et le commerce, le G.A.T.TM' dans une première démarche, a pris note des constatations . du F.M.I. sur les problèmes des Etats-Unis relatifs à leurs réserves monétaires, et il a reconnu que les Etats-Unis s'étaient trouvés dans une grave situation de balance des paiements qui nécessitait une action urgente. Se fondant sur l'article XII de l'Accord général, qui autorise l'application de restrictions en vue de sauvegarder la position financière extérieure et l'équilibre de la balance des paiements d'un pays, le représentant des Etats- Unis ajoutait que la surtaxe à l'importation représentait — parmi toutes les formes de restrictions envisageables — celle qui était la moins dommageable pour le commerce mondial. Enfin, le délégué américain invoquait d'autres précédents, à savoir que d'autres parties contractantes (la France, la Grande-Bretagne, le Canada), avaient eu recours à des mesures similaires (6) . (3) V. le texte du communiqué officiel des Etats-Unis concernant la notification de l'entrée en vigueur de la surtaxe à l'importation le 16 août 1971 : G.A.T.T./1087. (4) V. GA.T.T./1098. (5) Sur la procédure de l'article XV de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, v.. Th. Flory, Le GJL.T.T., Droit international et commerce mondial, L.G.D.J., Paris, 1968, p. 32 et s. (6) La taxe spéciale temporaire de compensation, instituée par la France (ou système des «béquilles») a fait l'objet de la décision du G.A.T.T. du 17 janvier 1955 (I.BJDJ5. 3, p. 27; v. aussi I.BDD. 4, p. 23; I.BDJ). 5, p. 28). Sur la surtaxe à l'importation instituée par le Canada en 1962, v. la décision du G.A.T.T. du 15 novembre 1962 (I&J3.D. 11, p. 58). Sur la surtaxe à l'importation instituée par le Royaume-Uni en 1964, v. le rapport du groupe de travail du G.A.T.T. adopté le 17 novembre 1966 (I.B J3JD. 15, p. 121-125). Par ailleurs, le Danemark a informé le G.A.T.T. qu'il. avait mis en vigueur le 20 octobre 1971 une surtaxe de 10 % à l'importation (G.A.T.T./1092) . V. aussi les conclusions du rapport du groupe de travail du G.A.T.T. sur la surtaxe danoise : GJV.T.T./1101. 660 CHRONIQUE DE DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE Rejetant l'argumentation américaine, tous les membres du groupe de travail du G.A.T.T., à l'unanimité, ont estimé que la surtaxe n'était pas conforme aux dispositions de l'Accord général (7). En premier lieu, ils ont constaté que, dans la mesure où la surtaxe portait l'incidence des impositions douanières au-delà du taux maximum consolidé en vertu de l'article II de l'Accord général, elle était incompatible avec les dispositions du G.A.T.T., notamment avec l'article I. En second lieu, les membres du G.A.T.T. ont estimé que la surtaxe ne pouvait entrer dans l'hypothèse prévue par l'article XII. Enfin, la mesure américaine apparaissait comme contraire à l'esprit de la Partie IV de l'Accord général en portant préjudice au commerce d'exportation des pays en voie de développement. Le groupe de travail du G.A.T.T. a donc conclu que la surtaxe de 10 % était illégale au regard des règles du G.A.T.T. Passant au plan de l'opportunité, le G.A.T.T. a en outre estimé que la surtaxe constituait une mesure inadéquate en vue du rétablissement de l'équilibre de la balance des paiements américaine, compte tenu du fait que le commerce ne jouait qu'un rôle très marginal dans le déséquilibre de cette balance. En outre, le G.A.T.T. a estimé que la surtaxe américaine faisait peser une charge excessive de réajustement sur le compte « importations », ce qui pouvait impliquer de graves conséquences pour le commerce des autres parties contractantes, et, par la suite, déséquilibrer le commerce international. Aussi, les parties contractantes du G.A.T.T. s'étaient-elles réservé la possibilité de uploads/Geographie/ afdi-0066-3085-1971-num-17-1-1666.pdf

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