Les changements brusques de l’envi- ronnement naturel arcque agissent comme un

Les changements brusques de l’envi- ronnement naturel arcque agissent comme un révélateur et un catalyseur de quesons et défis nouveaux, dont la plupart ont une portée stratégique dépassant les cadres géographiques de ce e zone. Face à cet écheveau d’enjeux poliques, économiques, environnementaux, juridiques, diplo- maques, sécuritaires, et militaires1, les missions assignées aux forces ar- mées, aussi bien des pays dits arc- ques qu’à ceux ayant témoigné un intérêt pour ce e aire, évoluent et se diversifient. Une étude remise par la FRS en juillet 2016 au CICDE analyse les consé- quences des transformaons mulsec- torielles de l’Arcque pour les forces françaises : quelles missions assurer ? Comment s’y préparer ? A l’occasion d’Euronaval 2016, cet arcle approfon- dit plusieurs enjeux capacitaires pour la Marine naonale à parr de ce tra- vail réalisé par l’Amiral (VAE – 2s) Pa- trick Hébrard, le Général (BGA – 2s) Bruno Lassalle, Isabelle Facon, Valérie Niquet, Samir Ba@ss, sous la coordina- on d’Alexandre Taithe. La stratégie de la France en Arc- tique : un important rôle dévolu à la Marine nationale Si le grand Nord ne paraît pas devoir devenir, à court ou moyen terme, ni une priorité stratégique pour la France, ni une zone conflictuelle, et si la France n’y possède pas de territoire, la Feuille de route naonale sur l’Arc- que (FRNA), publiée le 14 juin 2016, fixe des orientaons et des priorités pour la polique de la France dans ce e région (recherche scienfique, opportunités et coopéraons écono- miques, protecon de l’environne- ment marin, présence dans les en- ceintes internaonales traitant de l’Arcque, stratégie de l’Union euro- péenne en Arcque…). Hormis les missions scienfiques et quelques acvités économiques, rares sont les acteurs publics ou privés ayant la capacité d’agir en Arcque. Le minis- tère de la Défense apparaît comme étant donc la principale enté à pou- voir y intervenir malgré des moyens limités. De plus, membre de l’Alliance atlanque, la France est concernée par les missions potenelles de l’OTAN en Arcque : défense collecve, geson de crise et des risques, et sécurité coopérave. Dans ce e zone essenellement mari- me, la Marine naonale a et aura un rôle central dans la stratégie française sur l’Arcque. Le chapitre 3 de la FRNA, « Enjeu de de Défense et de Sécurité », apporte essenellement une analyse polico-stratégique du contexte arcque. Les quesons capa- citaires n’en sont donc pas l’objet et n’y sont que peu développées, hormis l’extrait suivant : « Enfin, l’espace arc- que est un espace de manœuvre pour les forces navales. Sur le plan opéra- onnel, les forces armées françaises doivent rester capables d’uliser la zone Arcque pour des transits de forces aériennes et navales, et éven- tuellement pour des opéraons aéro- navales ». Ce chapitre Défense et Sécurité s’achève par une série de recomman- daons, qui concernent au premier chef la Marine naonale. Arcque : enjeux capacitaires pour la Marine © MARINE NATIONALE - L. RAPUZZI Feuille de Route Nationale sur l’Arctique2 Chapitre 3 : « Enjeu de Défense et de Sécurité » RECOMMANDATIONS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE (avec en gras, celles ayant trait à la Marine nationale) ♦Maintenir un suivi des évolutions politiques et militaires régionales et développer une connaissance approfondie du milieu : • embarquer des officiers à bord des bâtiments des États riverains de l’Arctique ; • examiner la faisabilité, en concertation avec d’autres ministères, de l’envoi de bâtiments océanographiques et hydrographiques pour une campagne dans la zone marine Arctique ; • offrir des occasions d’embarquement et d’expérimentation à des scien- tifiques à bord des unités déployées ; • intensifier l’échange d’informations océanographiques entre la Marine nationale et ses équivalents étrangers, en proposant éventuellement les informations en notre possession sur d’autres régions du monde. ♦Apporter un soutien à nos intérêts économiques et industriels : • maintenir les connaissances technologiques et le savoir-faire nécessaires à la conception d’équipements arctiques en prenant en compte le juste besoin opérationnel des forces. Capitaliser les retours d’expériences d’utilisation de matériels français et étrangers ; • organiser des rencontres régulières entre acteurs publics et privés, de la défense, de l’énergie et du transport intéressés par les questions arctiques. ♦ Renforcer la légitimité de la France à participer à la gouvernance régionale via sa contribution à la stabilité et à la sécurité. ♦Du point de vue opérationnel, s’efforcer de développer et d’entretenir l’aptitude des forces françaises à opérer dans la zone Arctique : • affirmer notre attachement au respect de la Convention, notamment pour ce qui concerne la liberté de navigation dans les mers arctiques. ♦Favoriser, hormis dans le cadre de notre participation au Tour de table des forces de sécurité dans l’Arctique (Arctic Security Forces Roundtable), une ap- proche bilatérale concentrée sur des objectifs concrets avec des pays disposant de capacités avérées dans la zone circumpolaire-Nord. 6 Le ministère de la Défense, principale- ment au travers de l’état-major de la Marine, avait idenfié avant la publica- on de la FRNA trois axes d’acon dans ce e aire : la protecon des res- sorssants français, le secours en mer, et la préservaon de la liberté de naviga- on. À l’issue des travaux de la FRS, deux domaines d’acons3 probables ont été idenfiés, qui pourraient être assurées par les forces françaises seules, ou en coalion : ♦Le secours en mer ; ♦La réponse collecve à des situaons d’urgence (catastrophe naturelle, dé- polluon, risques ou menaces). Une pratique intermittente mais régulière de l’Arctique par la Marine nationale, avec des moyens limités et peu adaptés La Marine naonale a toujours assuré une présence intermi ente mais régu- lière dans l’océan Arcque. Les bâ- ments de la marine ne sont actuelle- ment pas conçus ni équipés pour affronter la glace et les équipages sont peu familiarisés avec les procédures parculières qu’impliquent les condi- ons climaques sur l’entreen et la mise en œuvre des matériels, ou sur les opéraons de conduite. De plus, les moyens comptés de la Marine nao- nale, et engagés sur des théâtres jugés plus prioritaires, ne lui perme ent pas d’assurer une permanence en Arc- que. Cependant, de nombreux déploie- ments ont été réalisés depuis 1994, avec un effort plus marqué à parr de 2013. Depuis ce e date, le Tenace, le Fulmar, des Frégates récentes et plus anciennes ont effectué des missions (mer de Baffin, mer de Kara, mer de Barents, Svalbard, Islande…) dans le grand Nord. De plus, les bâments y effectuent une pare de leur Traver- sée de Longue Durée pour valider leurs équipements avant d’être admis au service acf. Sans être inadaptés, des bâments de la Marine naonale s’avèrent « peu adaptés » à la navigaon en milieu arcque, notamment les plus anciens. Les retours d’expérience illustrent de nombreuses limitaons aux capacités originelles : ♦Fonconnement (refroidissement) du moteur dans une eau à 2°C. Le moteur devait fonconner à haut ré- gime, ce qui limitait la possibilité de naviguer à vitesse réduite ; ♦Problème de stabilité du bâment avec le dépôt important de givre sur la pare émergée du bâment ; ♦Risque potenel de dommages cau- sés par des glaces sur les hélices ; ♦Risque d’obturaon par de la glace des voies d’admission d’eau pour le refroidissement du moteur ; ♦Impact sur la producon d’eau po- table (fonconnement perturbé des osmoseurs à cause de la tempéra- ture de l’eau en entrée du système) ; ♦Durée allongée de préparaon du Canon ; ♦Impacts de la salinité et de la tempé- rature sur le fonconnement des sonars ; ♦Mise en œuvre de missiles par grand froid plus complexe ; ♦Difficultés diverses dans la mise en œuvre de l’hélicoptère embarqué (froid, qualificaon Nuit ou Crépus- cule de l’équipage…) ; ♦Équipements de base du matelot face au grand froid ; ♦Mauvaise disponibilité du zodiac (problème moteur lié au froid, no- tamment le démarreur, dégradaon du zodiac sur sa potence), qui inter- disait une opéraon urgente de sau- vetage ; ♦Perturbaon de l’équipage par la durée de la nuit et du crépuscule polaire en automne ; ♦Kits de survie des pilotes de l’aéro- navale insuffisants pour faire face aux condions polaires. La qualité et la vitesse des communica- ons constuent deux enjeux essen- els en cas de projecon des forces (même sans engagement). Or le climat et les latudes arcques pèsent direc- tement et indirectement sur ces deux caractérisques, ce qui incite à modi- fier les procédures habituelles et po- tenellement limiter des perfor- mances des systèmes. Par exemple, le recours à Inmarsat au-delà d’une cer- taine latude (70° de latude Nord environ) limite les débits échangés. Mais des pertes de liaisons ont été constatées même avec Inmarsat (Le Tenace en 2014). L’amélioraon de la cartographie ma- rine de l’océan Arcque, ainsi que des moyens naonaux ou coalisés d’anci- paon de la présence de glaces de mer sur les routes empruntées, constuent également deux priorités pour la navi- gaon dans la grand Nord. Au final, les bâments de surface ne peuvent être déployés dans ce e zone que dans l’intervalle de temps allant de mi-avril à mi-décembre en foncon des latudes et de la uploads/Geographie/ arctique-enjeux-capacitaires-pour-la-marine.pdf

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