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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/6 En Chine, EDF s’associe à l’un des plus grands criminels climatiques PAR MICKAËL CORREIA ARTICLE PUBLIÉ LE DIMANCHE 30 MAI 2021 Une centrale de la Shandong Zhonghua Power Company, co-détenue par EDF et China Energy. © asia.edf.com L’électricien mettra en service cette année son premier parc éolien offshore en Chine. Son partenaire local, le géant China Energy, est le deuxième plus gros pollueur climatique mondial. Le groupe français possède aussi avec cette firme des centrales au charbon hyper- polluantes qui devaient être fermées depuis 2020. C’est un contrat passé relativement inaperçu. Le 25 mars 2019, à l’occasion de la visite d’État du président chinois Xi Jinping à Paris, la presse française a préféré se pâmer devant la gigantesque commande de 300 Airbus par la Chine. Mais cet achat monstre occultait le fait que sous les ors du palais de l’Élysée, le patron d’EDF, Jean- Bernard Lévy, et le président du groupe énergétique China Energy, Wang Xiangxi, avaient scellé le même jour un accord commercial sous les applaudissements d’Emmanuel Macron et de son homologue chinois. L’objet de la transaction ? Un partenariat sino-français d’un milliard d’euros pour un projet éolien offshore au large de Dongtai, au nord de Shanghai. Soit le plus gros investissement étranger en Chine pour ce secteur industriel. Neuf mois plus tard, 75 éoliennes plantées en pleine mer entraient en exploitation, matérialisant la première pierre de l’installation. EDF et China Energy (aussi nommé National Energy Investment Group) ont ensuite créé en juin 2020 une coentreprise pour la gestion du parc éolien. Bruno Bensasson, directeur exécutif d’EDF chargé des énergies renouvelables, s’est alors enthousiasmé : «EDF est heureux d’accompagner la Chine [...] dans ses ambitions énergétiques en y contribuant au développement d’une électricité décarbonée. » Le groupe français détient 37,5 % des parts du parc d’éoliennes, le reste du capital étant aux mains de l’énergéticien chinois. Le projet s’achèvera fin 2021, avec une capacité de production électrique totale de 500 MW. De quoi, selon China Energy, alimenter en électricité deux millions de foyers chinois. Xi Jinping et Emmanuel Macron applaudissent alors que Wang Xiangxi, président de China Energy et le PDG d'EDF Jean-Bernard Lévy se serrent la main lors d'une cérémonie de signature d'accord à l'Élysée, le 25 mars 2019, dans le cadre d'une visite d'État. © Yoan Valat / Pool / AFP « EDF a investi un peu plus de 150 millions d’euros dans le parc éolien de Dongtai. Nous participons au pilotage du projet, a indiqué à Mediapart EDF Renouvelables, filiale verte du groupe, porteuse du projet. Nous avons notamment trois managers à des postes clés dans la société de projets et sommes présents dans les instances de gouvernance.» Le dirigeant d’EDF Jean-Bernard Lévy assure que ces accords commerciaux avec China Energy «sont autant de leviers pour accompagner les ambitions énergétiques de la Chine et la réduction de ses émissions de CO2». «En prenant comme point de départ le projet d'énergie éolienne offshore de Dongtai, nous allons approfondir la coopération avec EDF dans des domaines tels que l’énergie éolienne ou l’énergie photovoltaïque », promet pour sa part Liu Guoyue, PDG du groupe chinois. La France comme partenaire de la transition énergétique de la Chine, premier pays émetteur mondial de gaz à effet de serre. Telle est l’histoire qu’a tenté de vendre Emmanuel Macron. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/6 Le jour de la signature du contrat à l’Élysée, le président français a salué« la construction d’un multilatéralisme fort et efficace, avec, en son centre, l’action pour le climat». Et dans leur déclaration conjointe, Paris et Pékin ont «réaffirm[é] leur volonté de relever ensemble les défis en ce qui concerne le changement climatique […],s’engage[ant] à appliquer l’accord de Paris dans toutes ses dimensions». Mais c’est un vent chargé de gaz à effet de serre qui fera tourner les pales des éoliennes de Dongtai. Un leader planétaire du charbon China Energy a annoncé que le parc éolien développé avec EDF devrait éviter chaque année la combustion de plus de 440000 tonnes de charbon, soit, toujours d’après l’industriel, environ un million de tonnes de CO2 émis en moins. Pourquoi cette communication du groupe chinois autour du charbon économisé ? Si China Energy est devenu un des champions internationaux de l’éolien, la firme chinoise est surtout le leader planétaire du charbon, une roche fossile terriblement climaticide. Première contributrice du réchauffement planétaire, sa combustion pour produire de l’électricité engendre 45% des émissions mondiales de CO2. Le géant énergétique possède à lui seul une cinquantaine d’exploitations charbonnières. Et alors que, pour maintenir une hausse des températures en deçà de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, plus de 80% du charbon devra rester sous terre jusqu’à 2050, China Energy prévoit de développer à l’avenir en Chine huit nouvelles immenses mines et deux autres en Australie. L’extraction future de ce charbon émettra chaque année dans l’atmosphère autant de gaz à effet de serre qu’un pays comme la Suisse. Prix Goldman 2020 – l’équivalent du « Nobel de l’environnement » –, la militante anti-charbon et directrice de l’ONG Reclaim Finance Lucie Pinson souligne : «La Chine a ratifié les accords de Paris, mais China Energy réussit l’exploit d’ouvrir de nouvelles exploitations minières. Rappelons que pour limiter l’emballement du climat, la production mondiale de charbon devrait diminuer chaque année de 11% jusqu’en 2030.» Par ailleurs, l’industriel énergétique jouit d’un parc de plus de 480 unités de production électrique au charbon. «China Energy demeure le premier constructeur de centrales à charbon à l’échelle internationale,poursuit Lucie Pinson. L’entreprise est actuellement impliquée dans le développement de 53 GW d’infrastructures fossiles, c’est près de 15 fois le parc de centrales à charbon en France !Sortir rapidement du charbon, c’est pourtant l’étape la plus élémentaire pour freiner les émissions de gaz à effet de serre...» Pour Mediapart, le climatologue américain Richard Heede, du Climate Accountability Institute, pionnier pour ses travaux sur la responsabilité climatique des entreprises, a calculé les émissions de cette multinationale avec laquelle s’est associé EDF (voir la Boîte noire). En prenant en compte les volumes et la qualité du charbon extrait et vendu par la compagnie ainsi que les émissions de gaz à effet de serre dues aux exploitations minières du groupe, le chercheur estime que China Energy a, en 2019, régurgité dans l’atmosphère 1,549 milliard de tonnes d’équivalent CO2. Soit plus de trois fois et demi ce qu’a émis la France la même année en termes de gaz à effet de serre. «Les émissions totales attribuées à cette entreprise correspondent à 3,90 % des émissions mondiales liées aux combustibles fossiles et à la fabrication de ciment, détaille Richard Heede.China Energy est ainsi le deuxième plus grand pollueur fossile de la planète derrière le pétrolier saoudien Saudi Aramco et devant l’industriel gazier russe Gazprom.» Interpellé par Mediapart, EDF Renouvelables s’est contenté de déclarer à propos de son business partner : «China Energy est aujourd’hui le deuxième acteur mondial des renouvelables (en termes d’éolien terrestre et en mer ainsi qu’en solaire). Nous nous associons, dans le cadre de certains de nos projets renouvelables, avec ces nouveaux acteurs pour accompagner les ambitions des pays dans la transition énergétique.» Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/6 « Les projets renouvelables de China Energy ne sont que de l’habillage politique » Lors de la visite d’État du président chinois en France le 25 mars 2019, le dirigeant de China Energy a rappelé au PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy que «les deux parties devraient tirer parti de leurs avantages respectifs pour mener à bien leur projet conjoint existant de Shandong Zhonghua Power Company». EDF a beau s’afficher comme un promoteur des énergies vertes à travers le monde, l’électricien tricolore codétient avec China Energy des participations dans Shandong Zhonghua Power Company, un consortium de trois gigantesques centrales à charbon dans la province de Shandong, à l’est de la Chine. EDF possède 19,6 % du capital de ces installations climaticides, l’électricien hongkongais CLP 29,4% et China Energy 51 %. La prise de participation française date de 1997 pour une opération considérée à l’époque comme le plus grand projet de coentreprise jamais développé dans le secteur de l’électricité en Chine. Le groupe EDF n’a pas voulu communiquer à Mediapart les profits annuels que lui rapportent ses parts dans Shandong Zhonghua Power Company mais affirme que les trois centrales sont « rentables ». Toutefois, ces infrastructures fossiles, érigées entre 1987 et 2004, sont des centrales qualifiées de « sous-critiques », selon la terminologie internationale. Un classement qui désigne ces régurgiteurs de CO2 comme des centrales au rendement énergétique médiocre et hyper-polluantes : les installations codétenues par le fleuron français de l’énergie et le pollueur climatique chinois émettent en moyenne 75 % de plus de carbone et consomment 67% de plus d’eau que les centrales de dernière génération. Pourtant, dans ce qu’il dénomme sa « raison d'être » – le projet entrepreneurial de long terme inscrit dans les statuts du groupe depuis 2020 –, EDF assure : «Face à l’urgence climatique, nous voulons uploads/Geographie/ article-964285.pdf

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