La cartographie et la géomatique 2. 3. LA CARTOGRAPHIE ET LA GÉOMATIQUE Jean-Pa

La cartographie et la géomatique 2. 3. LA CARTOGRAPHIE ET LA GÉOMATIQUE Jean-Paul Donnay Société géographique de Liège, 43, 2003,89-95 89 Introduction Pour bon nombre de géographes, la cartographie constitue un moyen d’expression privilé- gié, sinon indispensable. Malgré ou à cause de cette prise en considération qui l’assimile à une technique, la cartographie ne dispose pas, dans les universités belges en général, d’un statut scientifique à part entière. À de très rares exceptions près, elle n’est pas un sujet de recherche et son enseignement reste limité et éclaté entre plusieurs chaires. C’est en tout cas la situation qui prévaut à l’Université de Liège durant les années 70. La cartographie thématique relève alors de l’enseignement de la géographie humaine, sous la responsabi- lité des professeurs Dussart et Christians, tandis que les projections cartographiques sont rapidement évoquées, à côté de notions d’astronomie, de géodésie et de topographie, dans le cadre d’un cours de géographie mathématique confié à des titulaires des sciences appli- quées, successivement les professeurs Wiser et Camps durant cette décennie. Ce qui, à Liège comme ailleurs, va le plus profondément modifier la perception et le rôle de la cartographie dans les écoles de géographie, c’est la banalisation de l’informatique. Car la cartographie restitue le caractère dual de l’information géographique : géométrique et thématique. Or, dès l’instant où sont modélisées, saisies et mémorisées ces deux dimen- sions, l’information numérisée peut être soumise à des traitements visant non seulement sa représentation graphique, mais aussi son analyse géographique, au sens premier du terme. Par le biais de l’informatisation, la cartographie retrouve son unité – projection, généralisation ou symbolisation exploitent les mêmes structures de données et les mêmes routines de géométrie numérique – mais, surtout, elle offre à l’ensemble des disciplines géographiques un degré de liberté sans doute jamais atteint jusque-là. Téléchargé depuis / Downloaded from www.bsglg.be 90 Société géographique de Liège, 43 Conceptuellement et techniquement, une synergie va d’abord s’installer entre la cartogra- phie numérique, d’une part, et la géographie dite « quantitative » et la télédétection, d’autre part – deux disciplines qui, mutatis mutandis, sont assimilées à des techniques au même titre que la cartographie. Les concepts présidant à la modélisation des objets et phénomè- nes spatiaux, réclamés par la cartographie pour structurer son information numérique, sont au rang des préoccupations de la géographie « quantitative ». De façon complémen- taire, la cartographie numérique fournit à la géographie quantitative les moyens d’intégrer les données spatiales requises par ses modèles, et de dépasser ainsi les analyses statisti- ques thématiques dans lesquelles on l’a trop souvent consignée. Dès 1972 – lancement de ERTS 1, premier satellite de la famille Landsat –, la télédétection numérique vient secon- der l’interprétation visuelle des photos et images aériennes et spatiales. Or, l’image numé- rique enregistrée par ces capteurs rassemble une géométrie simplifiée et une collection de thématiques spatiales, soit les deux aspects de l’information géographique. Qui plus est, la forme de cette information – image ou raster – est, dès les années 80, celle sous laquelle le matériel informatique manipule toute information graphique. Que ce soit sous l’aspect conceptuel, technique ou graphique, cartographie et télédétection numériques ne pouvaient que converger. À Liège, à la fin des années 70, les esprits semblent prêts à cette mutation. Le Séminaire de géographie se voit confier à cette époque l’élaboration de livres – atlas par la Ville de Liège (Sporck et al., 1980, 1986). J.A. Sporck et B. Mérenne rassemblent alors quelques chercheurs qui, sous l’impulsion de I. Nadasdi, titulaire d’un D.E.S.S. en cartographie de l’école de l’I.G.N.-France, revisitent la sémiologie graphique et expérimentent les techni- ques les plus récentes de rédaction cartographique. Parallèlement, s’inspirant de l’école de S. Rimbert (Strasbourg) et de la jeune école de géomatique québécoise, J.P. Donnay déve- loppe une thèse de cartographie numérique en 1985, tandis que C. Christians, B. Vauchel et A. Delrez mettent à jour les cours et travaux pratiques de cartographie thématique. La géographie « quantitative » et la télédétection sont, en outre, bien présentes à Liège. La première est prise en charge par J. Alexandre et H. Beguin, ce dernier publiant en 1979 un ouvrage en la matière qui reste une référence en langue française (Beguin, 1979). Des cours de photo-interprétation sont dispensés par A. Pissart et J. Wilmet, et celui-ci anime, dès les années 70, des recherches qui posent les fondements de la télédétection spatiale en Belgique francophone (on en trouvera une bonne synthèse dans Wilmet, 1996). Il reste à pérenniser cette évolution et à la transcrire dans les enseignements. Cela néces- site une équipe de recherche et, surtout à cette époque, des ressources informatiques coû- teuses ; or les professeurs Beguin et Wilmet exercent l’essentiel de leurs activités à Lou- vain-la-Neuve. En 1986, la titularisation de J.P. Donnay et la création du laboratoire SUR- FACES, dont les activités (qui sont présentées dans la partie « La géographie appliquée ») sont dédiées à ces domaines de recherche, vont permettre d’amorcer un changement signi- ficatif dans le cursus. Au début des années 90, la mise en place de l’option de géomatique- géométrologie donnera une nouvelle dimension à cette évolution. Évolution du cursus jusqu’à la création de l’option de géométrologie Il était intéressant de faire profiter les différentes filières d’enseignement de l’infrastruc- ture et des connaissances acquises par les recherches effectuées au sein du laboratoire SURFACES. Les premières initiatives sont prises dans le cadre des enseignements de 91 La cartographie et la géomatique Société géographique de Liège, 43 troisième cycle. Un cours d’introduction à la cartographie et la télédétection est ainsi pro- posé à la licence complémentaire en urbanisme et aménagement du territoire dès 1986. Le contenu du cours a évolué depuis cette date, pour devenir aujourd’hui une introduction aux systèmes d’information géographique, mais il est toujours au programme du D.E.S. en urbanisme et aménagement du territoire. Dans les années 80, la licence complémen- taire en géographie appliquée comportait une option de cartographie et de télédétection, qui deviendra, dans le courant des années 90, un D.E.S. interuniversitaire à part entière. Le professeur Christians, alors titulaire du cours de cartographie thématique, propose en 1987 d’étendre ce sujet à la cartographie numérique. C’est l’origine du cours spécialisé en système d’information géographique qui est dispensé aujourd’hui au D.E.S. interuniversitaire en cartographie et télédétection. À la fin des années 80, le professeur Nihoul, responsable de la section d’océanologie, souhaite que les étudiants de la maîtrise en océanologie puissent suivre un cours de traitement d’images en télédétection. Lorsque le D.E.A européen en modélisation de l’environnement marin est mis en place, ce cours prend l’intitulé d’océanographie satellitaire, afin d’harmoniser les titres des enseignements dans les différentes universités participant au D.E.A. Modifier les programmes de candidatures et de licences en géographie est moins facile qu’amé- nager un programme de troisième cycle. En attendant les opportunités, une bibliothèque de programmes de cartographie thématique est développée sur l’ordinateur du centre de calcul de l’Université. Ils sont utilisés par les étudiants, notamment dans les cours à connotation cartographique dispensés par le professeur Christians (géographie de la population ou géo- graphie rurale par exemple). D’autre part, des séances de « démonstration » de traitement d’images satellite, utilisant les ressources du laboratoire SURFACES, sont organisées dans le cadre du cours de photo-interprétation du professeur Wilmet. Un cours d’introduction à l’informatique est même introduit en 1987, mais l’informatique centralisée d’alors et l’ab- sence d’exploitation dans les cours apparaissant en aval ne sont pas de nature à développer l’intérêt des étudiants pour les nouvelles technologies de la géographie. Il faut attendre la restructuration du cours de géographie mathématique, dispensé jusqu’alors par le professeur Camps – éminent spécialiste de photogrammétrie, mais sans successeur attitré – pour que la section de géographie aménage de façon durable ses programmes de cours. Trois cours distincts sont alors créés : astronomie de position, topographie et cartogra- phie. Afin de disposer du nombre d’heures requis, le cours d’informatique récemment intro- duit est (momentanément) supprimé. En outre, pour succéder au professeur Camps dans l’enseignement de la photogrammétrie dispensé au troisième cycle interuniversitaire en car- tographie et télédétection, il est fait appel à M. Collignon, directeur de la cartographie au ministère wallon de l’Équipement et des Transports (M.E.T.), en lui octroyant le titre de maître de conférences extérieur. Grâce à une convention d’étude entre I.B.M. Belgique, le centre de calcul de l’Université et SURFACES, une salle, aimablement mise à disposition par le professeur Nihoul à l’institut de physique, est équipée de micro-ordinateurs et de périphériques graphiques réservés à l’enseignement. Les échanges et les nombreux stagiaires issus des universités étrangères (notamment de Sherbrooke et Laval au Québec et de l’I.A.V. Hassan II de Rabat) ont déve- loppé une culture du « didacticiel » au sein du laboratoire SURFACES. Très vite, celui-ci acquiert les licences de logiciels de statistiques, de télédétection, de cartographie et de ges- tion de système d’information géographique dédiés à l’enseignement. Tous les cours de troisième cycle profitent immédiatement de ce nouvel environnement, deux d’entre eux étant par la même occasion offerts en option aux étudiants de géographie dans le cadre de leurs cours de uploads/Geographie/ bsglg-2003-43-04-carto 1 .pdf

  • 15
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager