Sommaire • Jacmel ! Sursum corda • Dresde et Port-au-Prince • Le Lethière, abim

Sommaire • Jacmel ! Sursum corda • Dresde et Port-au-Prince • Le Lethière, abimé mais sauvé • Séquences d’un effondrement • Chronique ... BULLETIN DE L’ISPAN numéro 10, 1er mars 2010 • 33, rue du Commerce, Jacmel (résidence Léon Baptiste) BULLETIN DE L’ISPAN • No 10 • 1er mars 2010 • 1 Photo : ISPAN 2010 BULLETIN DE L’ISPAN est une publication mensuelle de l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National destinée à vulgariser la connaissance des biens immobiliers à valeur culturelle et historique de la République d’Haïti, à promouvoir leur protection et leur mise en valeur. Communiquez votre adresse électronique à ispan.bulletin@gmail.com pour recevoir régulièrement le BULLETIN DE L’ISPAN. Vos critiques et suggestions seront grandement appréciées. Merci. Voilà pour la bêtise des éléments. Celle des hommes, on peut la condamner. Lyonel Trouillot, écrivain haïtien BULLETIN DE L’ISPAN, No 10, 10 pages Quoique séparée de l’épicentre par la puissan- te chaîne calcaire de la Selle, la ville de Jacmel, située sur la côte sud d’Haïti ne fut pas épar- gnée par le séisme du 12 janvier 2010. Le bilan est lourd pour une modeste agglomération de 148 000 habitants : 384 morts, 5 disparus, 448 blessés, 11 632 familles sinistrées, 15 090 sans-abri, 2 913 maisons détruites, 7 484 maisons endomma- gées… L’hôpital Saint-Michel, le principal cen- tre hospitalier du département du Sud-Est a été mis hors de service… Le centre historique plus que les autres sec- teurs de la ville a subi d’importants dégâts, notamment en la Basse-Ville construite sur un terrain alluvionnaire sablonneux. Les 22 et 23 février dernier, l’ISPAN a pu réaliser conjointe- ment avec la municipalité un bilan exhaustif de bâtiments anciens du centre historique. L’équi- pe de l’ISPAN, composée de l’ingénieur Elsoit Colas et de Constant Jean-Marie, documenta- liste de l’Institut, y a dénombré pas moins de 103 immeubles anciens endommagés à des degrés divers. Cet inventaire confirme déjà certaines des conclusions émises par la dé- légation d’experts de l’UNESCO et de ICO- MOS qui a visité la ville le 19 février dernier : le centre historique de Jacmel conserve encore «toute sa cohérence plastique, urbaine et ar- chitecturale». En d’autres termes, la majorité de ces bâtiments anciens devraient faire l’objet de travaux de restauration. Ce qui est pour rassurer les Jacméliens qui misent avec raison sur le développement touristique de la région et faire de leur ville la capitale de la Culture haïtienne. En effet, que serait Jacmel, sans ces maisons aux balcons ouvragés de dentelles ? Que serait Jacmel sans le manoir Alexandra, lieu mythique, décor du roman de René Dé- pestre, Hadrianna dans tous mes rêves ? Que serait Jacmel sans les après-midi calmes et tiè- des de la rue du Commerce? Que serait la ville sans cette conversation permanente faite de mots à peine audibles de l’église Saint-Jacques- • Une maison du centre historique de Jacmel por- tant l’inscription sans appel : «à démolir». Photo : ISPAN 2010 Jacmel ! Sursum corda* BULLETIN DE L’ISPAN • No 10 • 1er mars 2010 • 2 1. 1, rue du Commerce (entrepôts Vital) 2. 37, avenue Baranquilla 3. , 12, rue du Gouvernement 4. 10, rue de Léogane, au portail de la Gosseline et-Saint-Philippe et du palabre incessant du Marché-en-Fer. Que serait cette rebelle cité au passé tumultueux sans ces repères historiques, sans sa Vieille Prison, sans l’Hôtel de Ville, sans les maisons Boucard, sans les maisons Dougé, sans la maison Cadet, sans la loge maçonnique, sans ses maisons en bois à chambre-haute du Bel-Air, sans la Marina, sans la Pharmacie Haï- tienne, … Passé les premières émotions, les premières urgences, les premiers chaos, la Municipalité s’est vite ressaisie pour arrêter de toutes ses forces les menaces de démolitions sauvages qui planaient sur les bâtiments anciens du centre historique. Toutefois, des mesures d’ur- gence et conservatoires devront être prises immédiatement pour sauvegarder et réhabili- ter ces nombreux témoins de l’Histoire de la ville, touchés par ce séisme et qui se trouvent encore aujourd’hui en grand danger de dispa- rition imminente. La lutte pour la sauvegarde du centre histo- rique de Jacmel ne date pas d’hier. Bien des acquis ont été durement gagnés. Mais cette expérience récente nous a démontré que bien du chemin reste encore à faire, tant pour consolider ces acquis que pour asseoir dura- blement la sauvegarde de ce trésor culturel de la République d’Haïti dans les mentalités et dans les réflexes. Aussi convient-il de rappeler que le centre his- torique de Jacmel a été inscrit en 2004, par l’UNESCO, suite à une demande officielle du Gouvernement haïtien, sur la liste indicative du Patrimoine Mondial, selon les critères 2 et 4 de la Convention du Patrimoine mondial. Ces critères de sélection reconnaissent au centre historique de Jacmel le privilège exception- nel «de témoigner d’un échange d’influences considérable pendant une période donnée ou dans une aire culturelle déterminée, sur le dé- veloppement de l’architecture ou de la tech- nologie, des arts monumentaux, de la planifica- tion des villes …» (Critère 2) et « d’offrir un exemple éminent d’un type de construction ou d’ensemble architectural ou technologique … illustrant une ou des périodes significative(s) de l’histoire humaine » (Critère 4). A cette 1 2 3 4 Photo : ISPAN 2010 Photo : ISPAN 2010 BULLETIN DE L’ISPAN • No 10 • 1er mars 2010 • 3 1. 69, avenue de la Liberté 2. 6, rue de Léogane (résidence Mac-Rae) 3. 22, rue Sainte-Anne (bureau de la Profamil) 4. 31, rue du Commerce (hôtel Florita) 5. 1, rue Henry-Christophe (résidence Emile Vital) 1 2 3 4 5 Photo : ISPAN 2010 BULLETIN DE L’ISPAN • No 10 • 1er mars 2010 • 4 3 2 4 1 3. 13, avenue de la Liberté 4. 10, avenue de la Liberté (résidence Louis Vital) 1. L’avenue de la Liberté 2. 31, rue du Commerce (hôtel Florita). Vue de la cour intérieure inscription, a été adjoint le texte suivant, argu- mentant ces critères : Jacmel fut fondée en 1698 à la faveur de 1’éta- blissement des comptoirs de vente par la compa- gnie de Saint-Domingue, alors colonie française, sur 1’emplacement d’un ancien village précolom- bien. Répondant à sa vocation première de port d’exportation, comme toutes les villes de l’époque coloniale française, Jacmel est côtière et conserve sa trame urbaine initiale ainsi que son tracé or- thogonal malgré sa topographie particulière qui a favorisé le développement de rues piétonnes en gradins très originales. De même Jacmel a gardé les vestiges du système défensif colonial par- ticulièrement ceux du grand fort qui protégeait avec les remparts, “La Petite Batterie” et le “Fort Beliot”, 1’entrée de la rade. Mais Jacmel garde surtout et vit encore les souvenirs de son histoire récente, celle par exemple partagée par d’autres pays de la région de son rôle dans le mouvement de libération de 1’Amérique du Sud. Détruite en grande partie au cours de l’incendie de 1895, Jac- mel fut reconstruite suivant le tracé urbain initial à partir de maisons préfabriquées commandées pour la plupart de l’Europe plus particulièrement de la Belgique, donnant lieu à une architecture typique, originale, de fer et fonte caractérisée par une homogénéité de volume, de formes et de façades mais aussi par les traits naïfs du décor, fantaisie du propriétaire qui y aménage à la fois affaires, commerce au rez-de-chaussée et loge- ment à 1’etage. “Toute la ville de Jacmel est ainsi constituée de zones qui, en maintenant leurs ca- ractéristiques propres, sont soudées par un lien spatial subtil et intrinsèque” qui lui confère à la fois une expression humaine et “une sensation de sérénité et d’équilibre”. Dans cet univers archi- tectural ou les typologies en bois et maçonnerie, ou en maçonnerie de roches et de briques s’alter- nent, la galerie et le balcon souvent en fer et fonte travaillés assurent 1’harmonie et la perspective urbaines. Sauvegarder le centre historique de Jacmel, c’est sauvegarder notre âme. Sursum Corda. Photo : ISPAN 2010 Cet article sur le centre historique de Jacmel après le séisme du 12 janvier 2010 a été préparé avec la collaboration spéciale de Joan Raton et de Constant Jean-Marie 1 2 6 4 5 3 1. La salle de conférence de la Mairie de Jacmel 2. 14, rue Vallières 3. Le manoir Alexandra, vu de la place Toussaint- Louverture 4. L’église du Tabernacle à l’avenue de la Liberté 5. La rue Sainte-Anne (entrepôts Léon Baptiste) 6. La rue du Commerce Photo : ISPAN 2010 BULLETIN DE L’ISPAN • No 10 • 1er mars 2010 • 5 Dresde et Port-au-Prince BULLETIN DE L’ISPAN • No 10 • 1er mars 2010 • 6 Les techniciens de l’ISPAN ont constaté le jeudi 11 février 2010 la démolition complète des ru- ines de l’église Saint-Louis-Roi-de-France, sise à la rue Baussan à Turgeau (Port-au-Prince). Cette église, gravement endommagée par le séisme du 12 janvier 2010 et dont les ruines encore importantes ne présentaient aucun danger pour la population, constituait un élé- ment important du patrimoine bâti et religieux de la capitale haïtienne. Cette démolition hâtive a été perpétrée en dépit de nombreux appels uploads/Geographie/ bulletin-de-l-x27-ispan-no-10.pdf

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