CCBio – Connaissance des impacts du changement climatique sur la biodiversité e
CCBio – Connaissance des impacts du changement climatique sur la biodiversité en France métropolitaine. Synthèse bibliographique pour le MEDDTL – Coord. : Natacha Massu & Guy Landmann (Ecofor) Chapitre V. Écosystèmes marins Philippe Gros (Ifremer) La dynamique de l’océan est aujourd’hui contrainte par des pressions d’origine anthropique qui entraînent des modifications rapides des propriétés physiques, chimiques et biologiques des écosystèmes. Le risque de bouleversements écologiques dus à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre s’accroît, comme le confirment de nombreux travaux scientifiques récents (Reid et al., 2009, Doney, 2010, Hoegh-Guldberg & Bruno, 2010). Pour comprendre les effets présents et futurs du changement climatique sur la biodiversité marine, il est essentiel d’approfondir la connaissance des interactions qu’entretient la vie dans l’océan avec la dynamique de son environnement physico-chimique. 1. Éléments de contexte et enjeux 1.1. L’environnement maritime de la France métropolitaine Les écosystèmes marins européens sont sous l’influence de la circulation des masses d’eau de l’Atlantique nord. La figure 26 (page suivante) montre qu’il existe un écart thermique moyen de l’ordre de 10°C entre des côtes situées à la même latitude, celles de France (Atlantique-Manche-mer du Nord) et celles de Terre- Neuve. Ce contraste est dû à une composante-clé de la circulation océanique mondiale, la cellule méridienne de retournement (Atlantic Meridional Overturning Circulation –AMOC). Elle consiste en un flux d’eaux chaudes superficielles dirigé vers le Nord (principalement le courant nord-atlantique qui longe le plateau continental européen), échangé avec un flux d’eaux profondes refroidies dirigé vers le Sud (figure 26). Les grands courants représentés à la figure 26 sont une image très simplifiée d’une dynamique complexe, en réalité caractérisée par la propagation d’une série de tourbillons et par une forte variabilité intra- et interannuelle du transport de masse et de chaleur (Church, 2007, Cunningham et al., 2007, Kanzow et al., 2007, Lozier, 2010). La Méditerranée est la plus grande des mers enclavées de notre planète (3680 × 700 km, profondeur moyenne 1500 m). La quasi-totalité des flux d’eau échangés avec l’océan transite par le détroit de Gibraltar, large de 14 km, profond d’environ 300m. L’eau méditerranéenne plus froide et plus salée (donc plus dense) sort en profondeur, tandis que l’eau atlantique (plus chaude et moins salée) pénètre en surface. Plusieurs processus météo-hydrodynamiques, non détaillés ici, vont transformer l’eau atlantique en eaux méditerranéennes profondes. Il en résulte qu’aux profondeurs supérieures à 250 mètres, la température des eaux de la Méditerrannée ne descend pas au dessous de 12 à 13°C. Par ailleurs, la topographique divise la Méditerranée en deux bassins (occidental et oriental) séparés par des hauts fonds situés entre la Sicile et la Tunisie. On s’intéressera désormais à la Méditerranée occidentale. D’après la synthèse de MacPherson (2002) englobant plus de 6600 espèces d’invertébrés et de poissons, la richesse spécifique de l’océan Atlantique augmente globalement des pôles vers l’équateur. De même, entre les latitudes 42°N et 51°N qui encadrent les côtes de la France métropolitaine, la richesse spécifique des poissons est environ une fois et demie plus grande du côté est que du côté ouest de l’Atlantique nord. Des informations complémentaires figurent dans le récent bilan du programme international Census of Marine Life (CoML, 2000-2010), dont l’objectif est de décrire la diversité du vivant dans l’océan mondial, d’évaluer sa distribution et d’estimer l’abondance des espèces marines (O’Dor et al., 2010). Dans 25 grandes régions 2 / 33 Gros, Ph. (2011). Écosystèmes marins, chapitre 5 in : CCBio, Connaissance des impacts du changement climatique sur la biodiversité en France métropolitaine – synthèse de la bibliographie. Massu, N., & G. Landmann, coord., Ecofor, 179 pp. d’implémentation du CoML, le nombre total des espèces d’eucaryotes a été estimé (Costello et al., 2010). Cet indicateur de richesse spécifique est proche de 12 300 espèces dans l’Atlantique nord-est européen (Narayanaswamy et al., 2010), et de 16 800 espèces en Méditerranée, Coll et al., 2010). Figure 26. Dynamique océanique responsable du contraste thermique entre les rives occidentale et orientale de l’Atlantique nord. À gauche, température moyenne de la couche d’eau 0-200 m (échelle de couleur et label des isothermes en °C). À droite, topographie des bassins subpolaires et des mers nordiques, et représentation schématique de la circulation des masses d’eau superficielles (flèches continues) et profondes (flèches pointillées). La couleur des flèches donne une indication approchée de la température des masses d’eau, cf. échelle en °C sous la carte (Curry & Mauritzen, 2005, Frank et al., 2007). La représentation des éco-régions (cf. encadré) met en évidence l’ampleur du domaine maritime de l’Union européenne et des États qui, avec elle, coopèrent étroitement à sa gestion –notamment la Norvège et les pays riverains de la Méditerranée. En France métropolitaine, les enjeux attachés à l’impact du changement climatique sur la biodiversité marine peuvent être mesurés à l’aune de la richesse créée par les usages des services écosystémiques marins (sensu Millenium Ecosystem Assessment, 2005), sans omettre que l’analyse économique ne révèle que partiellement la valeur de ces services. Globalement, l’économie maritime française a produit 28 milliards € de valeur ajoutée (VA) en 2007, et fourni plus de 480 000 emplois (Kalaydjian et al., 2010). Le tourisme littoral est le premier poste de l’économie maritime française avec 40% de la VA (11 milliards €) et 50% des emplois (240 000), devant le transport maritime (26% de la VA) et quatre secteurs qui contribuent chacun à 8% de la VA : construction navale, parapétrolier offshore, secteur public (recherche, protection de l’environnement, police, marine nationale), filières pêche- aquaculture-industrie de transformation. Les effets de toutes ces activités se conjuguent avec ceux du changement climatique et exercent sur la biodiversité des pressions de nature variée (European Environmental Agency, 2007). Les usages sont en retour impactés par les changements des écosystèmes dont ils exploitent les services, et ce d’autant plus qu’ils dépendent directement des ressources vivantes marines (pêche et aquaculture) ou de « l’état de santé » des écosystèmes (tourisme littoral). L’adaptation de ces secteurs aux conditions qui règneront demain dans l’océan est donc cruciale, conditionnellement au maintien de leur viabilité (écologique et socio-économique) dans le contexte globalement déterminé par les autres facteurs du changement planétaire. 3 / 33 Gros, Ph. (2011). Écosystèmes marins, chapitre 5 in : CCBio, Connaissance des impacts du changement climatique sur la biodiversité en France métropolitaine – synthèse de la bibliographie. Massu, N., & G. Landmann, coord., Ecofor, 179 pp. Les éco-régions marines européennes Les grandes entités biogéographiques de l’océan mondial ont été reconnues et décrites au cours du XIX e et surtout du XX e siècle (cf. références citées par Spalding et al., 2007). Parmi les classifications les plus connues figurent les vastes biomes et provinces océaniques de Longhurst (1998), et aussi la partition en grands écosystèmes marins (Large Marine Ecosystems, LMEs, cf. http://www.lme.noaa.gov/) des régions périphériques de l’océan mondial (Sherman, 1994, Sherman et al., 2005, 2009). On retiendra ici la classification établie en 2004 par le CIEM (Conseil International pour l’Exploration de la Mer, ICES en anglais), en réponse à la demande de la Commission européenne « d’identifier des régions marines pour la mise en œuvre de l’approche écosystémique ». Plusieurs critères océanographiques (hydrodynamique et topographie, régime thermique, stratification) et biogéographiques (composition faunistique des communautés, production primaire, interactions avec les bassins versants) ont permis de définir 11 éco- régions –13 en incluant la Baltique et la mer Noire– en Atlantique nord-est et en Méditerranée (carte infra, d’après ICES, 2004). Les eaux marines de la France métropolitaine appartiennent pour l’essentiel aux éco- régions E (mers Celtiques), F (mer du Nord), G (plateau continental atlantique sud-européen) et H (Méditerranée occidentale). Comparée aux façades maritimes occidentales de la France ouvertes sur un bassin océanique, la façade méditerranéenne est ouverte sur « un océan en miniature » où s’exercent de fortes interactions entre changements climatiques et anthropisation des bassins versants (Lejeusne et al., 2010). La délimitation des éco-régions marines européennes répond à l’objectif opérationnel d’implémenter la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » (J.O. L164, 2008), pilier environnemental de la politique maritime intégrée de l’Union européenne. Conformément l’ambition de restaurer le « bon état écologique » des eaux marines européennes d’ici à 2020, un bilan de l’état de chaque éco-région et de ses ressources est régulièrement publié (ICES 2008a,b,c pour les éco-régions E, F et G). 4 / 33 Gros, Ph. (2011). Écosystèmes marins, chapitre 5 in : CCBio, Connaissance des impacts du changement climatique sur la biodiversité en France métropolitaine – synthèse de la bibliographie. Massu, N., & G. Landmann, coord., Ecofor, 179 pp. 1.2. Changements de l’environnement océanique En juin 2010, la température moyenne à la surface de la planète fut la plus chaude enregistrée pour ce mois depuis 131 ans, excédant de 0,68°C la moyenne (15,5°C) des mois de juin du XX e siècle (NOAA-NCDC Global analysis report1). Le réchauffement n’entraîne pas seulement l’élévation du niveau de la mer (par dilatation thermique et afflux d’eau dessalée dû à la fonte des calottes glaciaires et des glaciers, cf. Cazenave & Llovel, 2010, Nicholls & Cazenave, 2010), ou encore l’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes (Knutson et al., 2010), mais il a aussi pour effet uploads/Geographie/ chapitre-v-ecosystemes-marins-1-elements-de-contexte-et-enjeux.pdf
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- Publié le Oct 22, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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