Multilinguales 9 | 2018 Varia Climbié de Bernard B. Dadié : Une rhétorique scri
Multilinguales 9 | 2018 Varia Climbié de Bernard B. Dadié : Une rhétorique scripturale métachronique de l’afropolitanisme Climbié by Bernard B. Dadié: a metachronic scriptural rhetoric of afropolitanism ﻛﻠﻴﻤﺒﻴﻲ ﻟﺒﻴﺮﻧﺎر ب. دادﻳﻲ: ﺑﻼﻏﺔ ﻛﺘﺎﺑﻴﺔ ﺗﻐﺎﻳﺮﻳﺔ ﻟﻸﻓﺮوﺑﻮﻟﻴﺘﺎﻧﻴﺔ Arsène Blé Kain Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/multilinguales/1073 ISSN : 2335-1853 Éditeur Université Abderrahmane Mira - Bejaia Référence électronique Arsène Blé Kain, « Climbié de Bernard B. Dadié : Une rhétorique scripturale métachronique de l’ afropolitanisme », Multilinguales [En ligne], 9 | 2018, mis en ligne le 01 juin 2018, consulté le 05 juillet 2018. URL : http://journals.openedition.org/multilinguales/1073 Ce document a été généré automatiquement le 5 juillet 2018. Multilinguales est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International Climbié de Bernard B. Dadié : Une rhétorique scripturale métachronique de l’afropolitanisme Climbié by Bernard B. Dadié: a metachronic scriptural rhetoric of afropolitanism ﻛﻠﻴﻤﺒﻴﻲ ﻟﺒﻴﺮﻧﺎر ب. دادﻳﻲ: ﺑﻼﻏﺔ ﻛﺘﺎﺑﻴﺔ ﺗﻐﺎﻳﺮﻳﺔ ﻟﻸﻓﺮوﺑﻮﻟﻴﺘﺎﻧﻴﺔ Arsène Blé Kain 1 Dans Sortir de la grande nuit-Essai sur l’Afrique décolonisée (2010), Achille M’bembé révèle que l’itinérance, la mobilité et le déplacement sont des paradigmes majeurs hors desquels l’histoire culturelle du continent africain ne se comprendrait guère. Cette culture de la mobilité, visible à travers des migrations constitutives des diasporas et par des échanges commerciaux de tous genres, voire par l’esclavage et la colonisation, le conduit à concevoir une modernité contemporaine africaine fondée sur une sensibilité culturelle, historique et esthétique qu’il indique sous l’appellation néologique d’afropolitanisme, c’est- à-dire La conscience de cette imbrication de l’ici et de l’ailleurs, la présence de l’ailleurs dans l’ici et vice-versa, cette relativisation des racines et des appartenances primaires et cette manière d’embrasser, en toute connaissance de cause, l’étrange, l’étranger et le lointain, cette capacité de reconnaître sa face dans le visage de l’étranger et de valoriser les traces du lointain dans le proche, de domestiquer l’in- familier. (M’bembé, 2010 : 229) 2 Une telle appréhension de l’identité des Africains reposant sur une interpénétration de cultures raciales diverses semble au principe d’un roman de l’époque coloniale africaine comme Climbié (Dadié, 1956). L’œuvre s’inscrit, à la faveur des itinérances multiples des personnages, surtout celles du personnage éponyme, dans un esprit cosmopolitique saisissable ici sous l’angle afropolitain et non plus suivant les pratiques colonialistes ou panafricanistes. La question de fond consiste à cerner les dispositifs discursifs et idéologiques qui permettent de faire ressortir de l’ouvrage de Bernard B. Dadié les traces d’une pratique prématurée de l’afropolitanisme dès lors que les personnages semblent Climbié de Bernard B. Dadié : Une rhétorique scripturale métachronique de l’a... Multilinguales, 9 | 2018 1 partager l’expérience de cultures raciales plurielles. En d’autres termes, dans quelle mesure et suivant quelles modalités l’afropolitanisme se déploie-t-il dans Climbié ? 3 S’inscrivant dans une perspective à la fois socio-pragmatique et postcoloniale, la présente étude analyse une des optiques identitaires selon laquelle le roman de Dadié pourrait être lu. Elle révèle ainsi de prime abord que « la circulation des mondes » perceptible dans cette œuvre littéraire ne doit pas être interprétée comme une tentative de reconfiguration de l’idéal panafricaniste pour ensuite dévoiler que le jeu de la mobilité qui s’y déroule est plutôt l’indice prémonitoire d’une praxis caractéristique de l’ afropolitanisme. « La circulation des mondes » dans Climbié : une tentative manquée de reconfiguration de l’idéal panafricaniste 4 Pour Achille M’bembé (2010 : 227-228), le phénomène de « la circulation des mondes » présente deux faces : la dispersion, qui fait de l’Afrique un lieu de départ vers d’autres régions du monde et dont la conséquence actuelle est la conversion de nombreuses personnes d’origines africaines en citoyens de divers pays du globe, et l’immersion qui concerne des populations venant d’autres continents, désormais enracinées en Afrique. Ces populations ont perdu tout contact avec leurs origines (européennes ou asiatiques) et sont devenues des "bâtards culturels". Et quand bien même elles prétendraient à une certaine supériorité au nom de la race et marqueraient leur différence, voire leur mépris à l’égard de tout ce qui est « africain » ou « indigène », la plupart de ces « étrangers » s’expriment dans des langues locales, connaissent et pratiquent certaines coutumes du pays, même s’ils vivent toujours dans des communautés relativement fermées et endogamiques. 5 Dans Climbié, cette « circulation des mondes » à l’œuvre à travers les itinérances des personnages laisse voir une certaine solidarité africaine convergeant vers une mentalité de la blackness1 bien que le roman se présente, à terme, comme une phénoménographie infructueuse du panafricanisme. Les itinéraires des personnages : de la solidarité africaine à la blackness 6 La circulation, le mouvement sont des caractéristiques majeures du roman de Bernard Dadié. Cette mobilité est perceptible aux nombreux déplacements des personnages, surtout ceux du personnage éponyme. L’histoire narrée évolue, de fait, à partir des voyages de Climbié. Ces déplacements intimement liés à son parcours scolaire s’effectuent à la fois en Côte d’Ivoire, son pays d’origine, et dans un espace extranational, le Sénégal. 7 Dès l’entame de l’œuvre, l’on découvre Climbié au campement, chez son oncle N’Dabian. Dans ce campement présenté, par la suite, sous le nom de Boudéa, il aide son oncle à diverses tâches et apprend, à ses côtés, son métier d’homme (p. 8). Sur recommandation de tante Bèniè, son épouse, l’oncle décide d’inscrire son protégé dans une école afin qu’il ne « subisse [pas] le sort que [lui] imposa [son] oncle qui [le] cachait au moment du recrutement scolaire » (15). Climbié quitte ainsi le campement pour Grand-Bassam où, chaque jour un peu plus, il oublie la vie champêtre de Boudéa. Ses seuls soucis se résument désormais à Climbié de Bernard B. Dadié : Une rhétorique scripturale métachronique de l’a... Multilinguales, 9 | 2018 2 l’obtention d’une bonne note, d’une bonne place à l’école ; cette ardeur au travail lui vaut d’accéder à l’école régionale de Grand-Bassam qu’il quitte par la suite pour la ville de Bingerville lorsqu’il est admis à entrer à l’école primaire supérieure (E.P.S.). 8 Les déplacements de Climbié en Côte d’Ivoire s’effectuent essentiellement dans la région de Grand-Bassam et de Bingerville, deux villes du Sud-Est. Sa mobilité demeure restreinte à un cadre spatial bien plus régional que national. La naissance de l’école coloniale en Côte d’Ivoire particulièrement sur les côtes et le site de Grand-Bassam, à l’époque, capitale du pays, justifie certainement cette trajectoire du personnage de Climbié sous- tendue par une quête effrénée du savoir. Ayant subi avec succès le concours d’entrée à l’École Normale William Ponty, il se voit obligé d’abandonner l’espace national pour migrer à Gorée au Sénégal (102). Dans le paquebot qui l’y conduit, il a pour voisin Dossou, un élève dahoméen qui connaît bien le parcours et qui lui sert, à l’occasion, de guide. Les deux voisins s’appellent mutuellement « fofo » (107), c’est-à-dire frères. 9 Climbié sort ensuite de William Ponty pour entrer dans la vie active comme commis d’administration à Dakar (119). Il y découvre une certaine égalité entre Blancs et Noirs et en profite pour fréquenter des lieux de divertissement communs aux Africains et aux Européens (119). Il échange avec de jeunes administrateurs des colonies venus expressément en Afrique sous la houlette du Front Populaire Français pour servir la nouvelle politique coloniale (120). Il se rend, dans le cadre syndical, à Tiaroye (131) et à Saint-Louis (159), avec comme compagnon de voyage, pour la première destination, Dassi, un jeune Togolais. Il est pourtant contraint d’arrêter ses pérégrinations au Sénégal pour retourner en Côte d’Ivoire où il vient d’être réaffecté. 10 Les multiples contacts humains qui se créent à partir des nombreux déplacements de Climbié sont symptomatiques de ce qu’Achille M’Bembé qualifie de « circulation des mondes ». Ils permettent de découvrir, entre les Noirs, une certaine solidarité raciale inscriptible dans la blackness. 11 Dans Climbié, la solidarité raciale apparaît dans le mode de vie des Africains. Déjà dans son pays natal, Climbié réalise une certaine communion avec les Africains venus d’autres pays. À preuve, à Grand-Bassam où il fait ses premiers pas à l’école, autour de Climbié, porteur du "symbole"2, des élèves dahoméens mêlés à leurs camarades éburnéens chantent à l’unisson : « Tu parles agni, je te donne le symbole / Ah ! Ah ! je te donne le symbole. (…) / Tu parles baoulé, je te donne le symbole, / Ah ! Ah ! je te donne le symbole ». (19) 12 Cette solidarité raciale définissable par le terme de blackness se perçoit également à travers la présentation de vieux Sénégalais établis en Côte d’Ivoire depuis leur jeune âge et qui n’ont plus jamais regagné leur pays : Sous les amandiers de Cayenne, des joueurs de boules et de cartes, près d’eux de vieux Sénégalais en grands boubous, dans leur chaise longue, la grosse canne entre les jambes, parlaient du temps où, tout jeunes, ils mirent les pieds en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, ils n’ont presque plus de dents, ne sont jamais retournés chez eux. (57) 13 La complicité qui semble régner entre les Africains n’occulte cependant pas le fait que ceux-ci uploads/Geographie/ climbie-de-bernard-b-dadie-une-rhetorique-scriptur.pdf
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- Publié le Sep 09, 2022
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