MARTINEZ Emma TD C10 COMMENTAIRE D’ARRÊT : Cass. Crim., 22 octobre 2013 L’adage
MARTINEZ Emma TD C10 COMMENTAIRE D’ARRÊT : Cass. Crim., 22 octobre 2013 L’adage « Actore non probante, reus absolvitur » signifie que « si le demandeur n’apporte pas la preuve qui lui incombe, le défendeur doit être relaxé ». Cette notion de la charge de la preuve est très encadrée par le droit pénal et la procédure pénale. Effectivement, pour que la preuve soit recevable devant le juge, elle doit être forcément légale et loyale. Ces critères doivent être respecter uniquement par la partie de l’autorité publique qui comporte le Ministère publique, les autorités judiciaires. Ainsi, ces critères de légalité et de loyauté de la preuve se heurtent sur un nouveau mode de preuve, celui de l’utilisation de la technologie comme la géolocalisation. C’est alors un arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 22 octobre 2013 qui se positionne sur la recevabilité ou non d’une preuve provenant de la géolocalisation. En l’espèce, un individu est suspecté d’être impliqué dans un trafic de stupéfiant. Ainsi, une enquête préliminaire est autorisée par le Procureur de la République, où elle va consister à géolocaliser et suivre les lignes téléphoniques de l’individu. Cet individu sera mis en examen par la chambre d’instruction de la cour d’appel, et le jugera coupable du chef d’infraction à la législation sur les stupéfiants. L’accusé se pourvoit en cassation pour faire valoir que l’utilisation de la géolocalisation et le suivi de ses lignes téléphoniques ne sont pas des preuves obtenues légalement, elles ne respectent pas le droit à la vie privée et familiale. L’obtention de preuves par la géolocalisation et le suivie téléphonique prouvant la culpabilité de l’individu sont-ils des modes de preuves loyales et légales ? La chambre criminelle de la Cour de cassation casse et annule la décision de la chambre d’instruction de la cour d’appel seulement pour l’utilisation de la mesure de géolocalisation lors de l’enquête préliminaire. En effet, la preuve obtenue par la géolocalisation est illégale en raison qu’elle ne respecte pas la vie privée et familiale et qu’elle a été autorisée par le procureur de la République or ce n’est pas un juge garant des libertés individuelles. En statuant ainsi, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejette l’utilisation de la géolocalisation pour obtenir une preuve (I) mais d’un autre côté, elle affirme les conditions pour utiliser la géolocalisation pour obtenir des preuves (II). I – REJET PARTIEL DU MODE D’OBTENTION DE LA PREUVE PAR L’AUTORITÉ PUBLIQUE La Cour de cassation admet que la géolocalisation est une mesure portant atteinte à la vie privée et familiale de l’individu (A) mais aussi, qu’elle est liberticide en raison de l’inexistence d’encadrement législatif (B). A) La géolocalisation, un dispositif portant atteinte à la vie privée et familiale de l’individu La preuve est un acte ou un fait juridique versé au soutien d'une prétention pour fonder les allégations des parties au litige. Elle permet alors de démontrer la réalité d’un fait, et elle très importante en matière du droit pénal, vu qu’elle permet d’établir l’existence d’une infraction et de son auteur. Cependant, l’article 427 du code de procédure pénal admet une certaine liberté de la preuve c’est-à-dire que tout mode de preuve est autorisé sauf si la loi en dispose autrement et si le juge approuve la preuve. En revanche, cette liberté de la preuve est restreinte pour l’autorité publique : elle est soumise à obtenir une preuve de façon légale et loyale. Cette obligation de la preuve légale et loyale par l’autorité publique n’a pas été respectée en l’espèce, selon la chambre criminelle de la Cour de cassation. En effet, l’autorité publique a obtenu des preuves prouvant la culpabilité de l’individu sur le chef d’accusation de trafic de stupéfiant grâce à la géolocalisation et au suivi téléphonique. Cependant, la Cour de cassation a rejeté uniquement le mode de preuve par géolocalisation pour deux raisons. D’une part, la géolocalisation porte atteinte à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit le respect à la vie privée et familiale du fait que localiser la personne sans son consentement sur ses mouvements, ses interactions avec d’autres personnes et en plus, sans qu’une législation le permet cela est contraire à l’article. La géolocalisation peut se voir comme une mesure mal honnête, où l’autorité publique observe les mouvements de l’individu en attendant que celui-ci fasse un « mauvais comportement/mouvement » comme une possible infraction. D’autre part, la Cour de cassation relève que l’autorisation de la mise en œuvre de la géolocalisation par le procureur de la République montre une illégalité en raison que le procureur n’est pas une autorité impartiale, garante des libertés des individus, il faut que ce dispositif soit autorisé uniquement par un juge indépendant. B) Nécessité d’un encadrement législatif permettant l’utilisation de la géolocalisation La chambre criminelle de la Cour de cassation a statué en rejetant la géolocalisation comme mode de preuve parce qu’elle porte atteinte à la vie privée de la personne et aussi, car elle a été contrôlée par une autorité non indépendante. De même aussi, que ce refus d’utilisation de la géolocalisation est à cause de la carence de la législation. Au moment de l’arrêt, il n’y a pas de législation spécifique à la géolocalisation mais il existe cependant la loi du 9 mars 2004 qui autorise à procéder à des techniques d’intrusion ou de sonorisation pour des infractions graves liées à criminalité organisée. Cette loi est permise par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme car l’article autorise des dérogations uniquement si la mesure touchant à vie privée est proportionnelle et justifiée à la gravité de l’infraction. D’autre part, à défaut de ne pas avoir de loi, la jurisprudence a admis l’utilisation de la géolocalisation pour prouver une infraction grave comme le trafic de stupéfiant dans un arrêt du 22 novembre 2011 où l’atteinte à la vie privée était proportionnée aux intérêts de l’infraction grave. Par ailleurs, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a confirmé l’utilisation d’un système de localisation pour surveiller l’individu lorsque cela est justifiée et proportionnée, dans un arrêt du 2 septembre 2010, Uzun c/ Allemagne. Malgré le fait qu’il y a une possibilité de porter atteinte à la vie privée de l’individu par la géolocalisation, cette possibilité doit être contrôlée par un juge. En l’espèce, la Cour de cassation refuse que ce contrôle soit fait par le procureur de la République, par manque d’impartialité. Cette non-impartialité des membres du ministère public est reconnu par la CEDH, dans l’arrêt Moulin du 23 novembre 2010, où « les membres du ministère public, en France, ne remplissent pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif ». II – POSSIBILITÉ DE L’OBTENTION DE LA PREUVE PAR LA MISE EN ŒUVRE DE LA GÉOLOCALISATION A la suite de cet arrêt, le droit national français a encadré la géolocalisation par la loi du 28 mars 2014 (A), mais elle a été modifiée ayant un objectif d’amélioration de la procédure de géolocalisation (B). A) Encadrement de l’utilisation de la géolocalisation pour obtenir des preuves par la loi du 28 mars 2014 La décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui rejette l‘obtention de la preuve par la géolocalisation en raison de la carence législative malgré le fait que la jurisprudence le permette si l’intérêt est justifié et proportionné, a influencé le législateur. Le législateur a finalement codifié la géolocalisation. Effectivement, la loi du 28 mars 2014 autorise l’utilisation de la géolocalisation, qui est une technique définit à l’article 230-32 du code de procédure pénale qui dispose que « tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur l'ensemble du territoire national, d'une personne, à l'insu de celle-ci, d'un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, si cette opération est exigée par les nécessités ». La législation française est alors conforme au droit européen, qui permettait d’avoir des dérogations pour porter atteinte à la vie privée et familiale de l’individu si cela était justifiée et proportionnelle à la nécessité de l’enquête et encadrée par la législation. On observe que la loi limite cette atteinte à la vie privée par l’utilisation de la géolocalisation uniquement sur des infractions qui sont punissables de cinq ans d’emprisonnement sauf exceptions. Cependant, la loi du 28 mars 2014 n’exclut pas réellement le procureur de la République dans l’autorisation de la mise en œuvre de la géolocalisation. Le procureur de la République peut demander la mise en œuvre de la mesure mais il doit être approuver par le juge des libertés et de la détention, pour garantir les libertés de l’individu. Il y a un compromis fait par le législateur, qui ne voulait pas exclure définitivement le procureur de la République dans son contrôle de chercher les preuves avec l’aide des autorités judiciaires. Cette loi a été contrôlée par la Conseil Constitutionnel, qui l’a déclarée conforme à la Constitution à part un seul article, dans sa décision du 25 mars 2014. B) Modification de la loi relative à uploads/Geographie/ commentaire-d-x27-arret-procedure-penale.pdf
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- Publié le Jul 04, 2022
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