n° 61 Matérialisme et cartésianisme PUBLIEE AVEC LE CONCOURS DE L’UNIVERSITE DE
n° 61 Matérialisme et cartésianisme PUBLIEE AVEC LE CONCOURS DE L’UNIVERSITE DE PARIS X NANTERRE N° ISSN : 0296-8916 299 n° 61 Matérialisme et cartésianisme mis en œuvre par Josiane Boulad-Ayoub, Pierre-François Moreau, Alexandra Torero-Ibad 299 © Revue éditée par l’Association pour la revue Corpus, 2011 N° ISSN : 0296-8916 1 TABLE DES MATIÈRES Matérialisme et cartésianisme Numéro mis en œuvre par Josiane Boulad-Ayoub, Pierre-François Moreau, Alexandra Torero-Ibad Josiane Boulad-Ayoub, Pierre-François Moreau, Alexandra Torero-Ibad Avant-propos ........................................................................ 5 André Charrak Introduction : une infidélité décisive ................................ 9 André Charrak Descartes au principe des cosmogenèses matérialistes ? ..... 13 Olivier Bloch Quelques héritages matérialistes du cartésianisme hétérodoxe … ....................................................................... 27 Géraldine Caps Du rôle des « médecins cartésiens » dans la constitution des matérialismes ultérieurs à Descartes.......................... 49 Nicole Gengoux La théorie cartésienne de la communication et le sensualisme campanellien, ou les apories du matérialisme métaphysique de Cyrano de Bergerac .. 69 Alexandra Torero-Ibad Descartes, « quoiqu’il fût épicurien… ». Une lecture de la physique de Descartes à travers le prisme de sa comparaison avec l’atomisme chez Cyrano de Bergerac .................................................... 93 CORPUS, revue de philosophie 2 Pierre Girard Matérialisme et politique : les enjeux de la réception matérialiste de Descartes à Naples à l'âge classique ..... 113 Maï-Linh Eddi Louis Meyer, entre Descartes et Spinoza ......................... 133 Antonella Del Prete Un cartésianisme « hérétique » : Pierre-Sylvain Régis....... 189 Delphine Kolesnik-Antoine Comment rendre l'âme « comme matérielle » ? Le cas de Malebranche...................................................... 205 Jean-Michel Gros Bayle, témoin ambigu de l'influence de Descartes dans l'apparition d'une nouvelle forme du « matérialisme ». 221 Mitia Rioux-Beaulne Ne livrer que la moitié de son esprit : Fontenelle devant Descartes............................................. 241 François Pépin Lectures de la machine cartésienne par Diderot et La Mettrie ....................................................................... 263 Liste des sommaires : voir notre site http://www.revuecorpus.com Corpus, revue de philosophie, n° 61, 2011. 5 AVANT-PROPOS Les articles réunis dans ce numéro sont issus du colloque international Philosophie cartésienne et matérialisme, organisé conjointement par la Chaire UNESCO de philosophie au Canada et par le Centre d’Études en Rhétorique, Philosophie et Histoire des Idées (CERPHI, UMR 5037 CNRS/ENS-LSH), à Montréal, du 29 avril au 2 mai 2009. Si une pensée philosophique peut d’un certain point de vue être appréhendée comme un système clos sur lui-même, une position philosophique ne prend tout son sens que comprise dans les débats au sein desquels elle est engagée : ce sont ces débats qui lui donnent son sens, qui orientent ses questions, et dans lesquels elle intervient par les transformations qu’elle propose ou qu’elle impose dans le lexique, la problématique et le système du savoir de son époque. Or la philosophie de Descartes s'est cons- tituée pour une part de façon polémique à l’égard du matéria- lisme. De même, les philosophies matérialistes de l'âge classique se sont constituées en prenant position entre autres contre la philosophie de Descartes. La reconnaissance du caractère consti- tutif d'une telle opposition suffirait à rendre éclairante la carac- térisation de la philosophie de Descartes et des philosophies matérialistes les unes par rapport aux autres. Mais les choses se compliquent et s'enrichissent du fait que cette opposition n'est pas si tranchée. En effet, la philosophie de Descartes a indéniablement des enjeux et des conséquences matérialistes. En métaphysique, ce que l’on a pris l’habitude de désigner comme « le dualisme cartésien » — en négligeant les nuances qu’apporte la thèse d’une troisième substance, propre à l’homme — fait de l’étendue une substance CORPUS, revue de philosophie 6 au même titre que la pensée, et indépendante de cette dernière. En physique, le mécanisme rend compte des phénomènes uni- quement à partir de l’étendue et du mouvement. Ce mécanisme s’applique à l’ensemble des êtres, et donc également aux êtres vivants : il rend compte, non seulement des processus vitaux et des actions des animaux, mais encore de ce qui, dans l’homme, relève de phénomènes corporels ou implique une relation de l’âme au corps. Ainsi, le matérialisme ultérieur ne se constitue pas seule- ment contre, mais aussi avec Descartes. Les modalités de cet héritage, fait de reprises et de transformations, se caractérisent par leur complexité et nous sommes conduits à interroger cette notion d'héritage. En effet, pour être héritier de Descartes, faut-il lui être fidèle — et même : faut-il absolument rester fidèle à l’image uniforme que ses héritiers orthodoxes, relayés par la tradition scolaire, en ont construite ? Ne peut-on pas prolonger Descartes d'une façon qu'il aurait lui-même condamnée ? Être un héritier hétérodoxe, est-ce si paradoxal ? Et c'est du même coup la catégorie de « cartésianisme » qui demande elle-même à être précisée. Il ne s’agit pas ici de faire à toute force de Descartes un matérialiste ; il s’agit plutôt de se demander si les opérations par lesquelles il produit sa pensée ne comportent pas un certain nombre de mécanismes théoriques qui, transposés dans un autre climat intellectuel, fournissent des instruments de réflexion matérialistes. En somme, l’histoire de la réception offre sans doute des clefs pour pénétrer le système lui-même, et apercevoir des possibilités que la tradition n’a pas retenues. Alors même que des lectures contrastées voire opposées peuvent être faites de la philosophie de Descartes, y a-t-il pour autant de « bonnes » et de « mauvaises » lectures ? Certes, que ce soit dans l'opposition ou dans la revendication d'un héritage, les lectures que les philosophes font les uns des autres sont souvent empreintes de malentendus voire de contresens, de détourne- ments ou de mauvaise foi. Il n’est pas question de renoncer à la rigueur philologique et de prétendre que toutes les interpré- Avant-propos 7 tations se valent. Cependant, c'est dans leurs biais mêmes que ces lectures sont intéressantes. C'est parce qu'elles sont « infidèles » qu'elles sont créatrices. Interroger les rapports du cartésianisme et du matéria- lisme nous conduit ainsi à nous demander à nouveaux frais : qu'est-ce qu'être cartésien, et qu'est-ce qu'être matérialiste ? Josiane BOULAD-AYOUB (UQAM) Pierre-François MOREAU (ENS de Lyon) Alexandra TORERO-IBAD (ULg) CORPUS, revue de philosophie 8 Corpus, revue de philosophie, n° 61, 2011. 9 INTRODUCTION UNE INFIDÉLITÉ DÉCISIVE L’histoire de la philosophie doit se mettre à l’école de l’his- toire des idées pour penser la rencontre apparemment impure entre le cartésianisme et le matérialisme — impure, en ce qu’elle associe un système ou une doctrine philosophique avec une position théorique, voire idéologique, qui de surcroît ne reçoit son nom que bien après la mort de Descartes. L’impureté, cependant, ne désigne rien d’autre ici que la réalité empirique de la pensée, puisque cette articulation eut bel et bien lieu ; et cette empirie, en retour, révèle les virtualités paradoxales de la philosophie de Descartes, dont il n’est pas sérieusement possible de douter qu’elle s’opposât constamment à ce qui constituait, en son temps, l’actualité du matérialisme. Les enjeux de cette enquête dépassent donc le fait historique du quasi-matérialisme qui fut attribué de l’exté- rieur à Descartes, pour le lui reprocher (ainsi par Leibniz, qui unifie d’ailleurs l’attitude matérialiste comme il unifiera ensuite la voie empirique) ou pour en tirer des arguments en faveur de cette vision du monde. On ne tâchera pas ici de résumer les leçons des travaux réunis dans ce volume, ni de reconstruire l’harmonie des scénographies qu’ils dessinent, mais plutôt d’ouvrir quelques perspectives sur l’histoire complexe que retracent ces études. 1) Une première approche de la connexion entre cartésia- nisme et matérialisme se trouve bien sûr dans la compréhension du monde physique, c’est-à-dire dans la généralisation du para- digme mécaniste. Le destin matérialiste du legs cartésien, à cet égard, présente une caractéristique frappante, apparemment incom- patible avec l’allure de commencement radical qu’on associe à l’entreprise de Descartes : car celle-ci vaut moins pour elle-même que comme médiation pour réactiver une autre philosophie, celle CORPUS, revue de philosophie 10 d’Épicure — la genèse hypothétique du monde visible, dans le Monde ou les Principes de la philosophie, peut en effet rappeler la forma- tion des mondes chez Lucrèce, même si Descartes critique les principes mis en jeu par les atomistes. La modernité du cartésia- nisme, dans cette perspective, tient à ce qu’il permet de réactiver une philosophie ancienne. Cela suppose toutefois qu’on applique à l’héritage des Principia philosophiae un crible assez sévère, pour deux raisons impor- tantes qu’il convient d’expliciter. D’une part, et probablement au motif que les règles du choc furent très tôt révélées fausses, plusieurs textes du XVIIe siècle étudiés dans le présent volume occultent complètement ce qui, comme le comprendra si bien d’Alembert, constitue la principale nouveauté introduite par Descartes dans la physique, c’est-à-dire l’idée que le mouvement, dans tout l’univers, obéit à de telles règles mathématiques générales. L’utilisation matérialiste de la physique des Principia s’appuie davantage sur la réduction des corps à l’étendue et sur le rejet des causes finales que sur les lois que cette science énonce effectivement. D’autre part et corrélativement, l’utilisation des concepts cartésiens relatifs aux modifications des corps par les matérialistes épicuriens conduit à transformer des hypo- thèses pourvues d’un statut conceptuel très consistant, en des variations fictionnelles : ainsi que le montrent plusieurs uploads/Geographie/ corpus-n61.pdf
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- Publié le Mai 02, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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