Correspondance Schmitt / Kojève Schmittiana VII 1999 - 1 - Correspondance Schmi

Correspondance Schmitt / Kojève Schmittiana VII 1999 - 1 - Correspondance Schmitt / Kojève. Schmittiana VII 1999 Correspondance Schmitt / Kojève Schmittiana VII 1999 - 2 - Paris, le 2/5/1995. Cher Monsieur le professeur, Merci pour l’aimable envoi de votre article, tout à fait brillant, sur le Nomos. On me l’avait déjà signalé auparavant, et je l’ai lu dans le numéro de novembre de Gemeinschaft und Politk. Sa relecture a été un plaisir utile. C’est une extraordinaire prouesse de dire l’essentiel en 10 pages ! J’aurais évidemment des choses à dire à propos de cet article, mais dans une lettre ce n’est possible. Toutefois, je suis totalement d’accord sur le fond. En ce qui concerne vos « dernières questions »…je répondrai brièvement de la manière suivante : 1) »en soi » ( depuis Napoléon ) il n’y a plus de « prise »[« prendre »] ( toutes les tentatives en ce sens ont échoué) ; 2) « pour nous » ( c’est-à-dire pour le « Savoir Absolu »), il n’y a plus désormais que de la « production »[« produire »] ! 3) mais – « pour la conscience elle-même » ( par exemple US/URSS ), ce qui vaut toujours aussi c’est le « partage »[« partager »]. Le but est – malheureusement ! – une distribution homogène. Le premier qui, dans son hémisphère, y arrivera, sera « le dernier ». Le « Point IV » des américains offrira une « distribution » plus lente Correspondance Schmitt / Kojève Schmittiana VII 1999 - 3 - que les accords entre l’URSS et la Chine etc. Mais dans le « monde ici-bas » ( weltliche Welt), il y a plus de choses à distribuer. Un pronostic concret est donc difficile à faire ! Avec mes sentiments respectueux. Votre dévoué Kojève Correspondance Schmitt / Kojève Schmittiana VII 1999 - 4 - Plettenberg le 9/5/1955. Cher Monsieur Kojève, J’ose vous envoyer le document ci-joint, allusion à la première indication que j’ai trouvée de vos travaux, il y a sept ans ( été 1948 [ art. de Dufrenne ]. C’est votre courrier du 2 mai, transmis par M. le Dr. Schnur, qui m’encourage à prendre ce risque. Sinon, en voyant une telle carte, il me faudrait craindre que vous n’alliez me subsumer sous les catégories de Léon Bloy. Tous les points décisifs sont écrits à la page 215 de votre Introduction à la lecture de Hegel. Je ne sais pas si M. le Dr. Schnur vous a correctement expliqué ce qu’est pour moi la « prise de Dieu » par Hegel [ au sens de saisie hégélienne de Dieu : Gott-Nahme]. Beaucoup de gens ont caractérisé Hegel comme d’« athée », et nous connaissons tous l’expression spirituelle de Bruno Bauer, « la trompette du Jugement Dernier ». Mais le passage de la page 215 devrait modifier toute la philosophie telle qu’elle a existé jusque-là, si les philosophes qui, en raison de la division [du partage] du travail universitaire, gèrent aujourd’hui le droit légal d’appartenir à la firme « philosophie », vous avaient réellement compris. Mais je ne partage pas votre opinion selon laquelle, depuis Napoléon, la « prise » a cessé, et qu’aujourd’hui on ne fait plus que « produire » (« pâturer »). On ne fait qu’étriper [ vider de ses tripes] ce qu’on a pris. Le Dieu terrestre qui uniquement donne et ne prend plus, parce qu’il crée à partir de rien, crée surtout d’abord le rien à partir duquel il crée, c’est-à-dire qu’il prend. Permettez-moi de vous envoyer en même temps le tiré à part d’un article dont l’occasion officielle ne vous intéressera guère ( il s’agit d’un mélange en l’honneur du 60e anniversaire de Ernst Jünger, Correspondance Schmitt / Kojève Schmittiana VII 1999 - 5 - mais dans lequel s’exprime une prétention sur laquelle je ne reconnais nul autre arbitre compétent sur terre que vous, M. Kojève. Votre dévoué. C.S. Correspondance Schmitt / Kojève Schmittiana VII 1999 - 6 - Paris, le 16/5/1955 Cher Monsieur Schmitt, Merci beaucoup pour la lettre, la carte et l’article des Mélanges Jünger, que je viens de lire. L’ »icône » Hegel vient en France* est vraiment très réussie et a l’air suffisamment « sérieuse » ! Je ne vous aurais certainement pas « subsumé » sous les catégories de Léon Bloy : je connaissais certains de vos textes…Il va de soi que l’expression « commentaire existentialiste de Kojève* » me déplaît profondément. Mais malheureusement, de telles étiquettes sont très courantes en France. La seule chose qui soit vraie, c’est que j’ai tenté ( et je le tente de nouveau maintenant ) de réaliser une « mise à jour* » de Hegel. Si « existentialiste » signifie quelque chose comme « moderne * », voire « à la mode* », alors je suis d’accord. Vous avez bien entendu raison : l’essentiel se trouve à la page 215 que vous citez. Dans mon cours, j’ai parlé de l’anthropo- théisme de Hegel, tout en soulignant qu’il ne s’agit pas seulement de son Dieu mortel mais, au fond, d’un Dieu mourant ( et peut-être déjà mort ). Mais combien rares sont ceux qui l’ont compris ! En dehors de vous, je ne l’ai entendu dire que par un anglais. Dans un compte- rendu ( que j’ai perdu et dont j’ai oublié le nom de l’auteur ), il y avait la phrase «… »but Mr. Kojève is human, as the rest of us ». Véritable ironie et [ ?] anglo-saxonnes, puisque moi excepté, personne d’autre n’a sans doute compris cette phrase. Mais autrefois les choses étaient différentes. Heinrich Heine, par exemple, le savait très bien. Dans ses Journaux parisiens ( j’ai oublié la page ! ) il dit à Correspondance Schmitt / Kojève Schmittiana VII 1999 - 7 - peu près : « Depuis que je ne suis plus hégélien, je vais très bien. Désormais, lorsque quelqu’un vient me voir pour se plaindre de la vie, et demande mon aide, je lui réponds : je ne suis plus Dieu ! Adressez-vous à une institution idoine, dont les bâtiments sont généralement équipés de tours et de cloches ». Oui, il est en effet inouï de rapporter à l’homme ( c’est-à-dire à soi-même [ là, nous avons l’ »existentialisme » ! !]) ce que les hommes disent sur Dieu depuis des milliers d’années. Comprendre cela est tellement difficile que même après la lecture de mon livre, rares sont ceux qui comprennent cela. Et qui le prend au sérieux ? A l’époque du Séminaire ( c’est-à-dire avant la guerre ), en moi- même j’ai toujours lu « Staline » au lieu de « Napoléon », et j’ai quand même interprété la Phénoménologie de l’Esprit. [ Dans votre terminologie : Staline = l’« Alexandre de notre monde » = Napoléon industrialisé = monde ( = Empire ( terrestre [Landreich])).] Maintenant, je crois que Hegel avait totalement raison et que l’histoire était déjà parvenue à son terme après le Napoléon historique, parce que, tout compte fait, Hitler n’a été qu’une réédition de Napoléon « augmentée et corrigée » ( « La République une et indivisible*» = « une terre, un peuple, un Führer »). Hitler a fait l’erreur que vous, à la page 166 ( vers le milieu [ Le nœud gordien] ), caractérisez si bien : oui, si Napoléon, à son époque, avait aussi bien fait les choses que Hitler, cela aurait sans doute suffit. Mais malheureusement, Hitler l’a fait 150 ans trop tard ! C’est pourquoi la Seconde Guerre Mondiale n’a rien apporté d’essentiellement nouveau. Et la Première n’a de toute façon été qu’un intermezzo . Correspondance Schmitt / Kojève Schmittiana VII 1999 - 8 - Que voulait Napoléon ? Abolir et dépasser l’Etat comme tel en faveur de la « société ». Et il croyait pouvoir réaliser cela par une victoire « totale » dans la guerre « totale ». ( L’Etat [ Etat = unité territoriale menant la guerre ] comme tel est « accompli » et donc « dépassé » par cette guerre « totale »). Mais les anglo-saxons veulent ( et ils le pouvaient déjà à l’époque ) la même chose (sans doute avec plus de succès ). Et Marx ne visait rien d’autre avec son « Empire de la liberté » ( pour quoi faire ? ! ). Qui pouvait le faire ? Existe encore des Etats au sens véritable du terme, donc des gouvernements qui soient autre chose que des administrations, et une politique ( = guerre ) qui signifie davantage que police ? Les américains n’ont jamais su ce que voulait dire « guerre », « politique » et « Etat » ( les « boys » ne tombent pas en tant que soldats, mais ils sont tués en tant que « policiers » et, naturellement, personne n’y voit quelque chose de bien. [ Mais vous savez tout cela bien mieux que moi ]. Et l’Europe est en train d’oublier cela ( « Mourir pour Dantzig »* ?). L’Afrique, l’Asie ? Non, comme vous le dites uploads/Geographie/ correspondance-schmitt-kojeve.pdf

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