Institut d’égyptologie François Daumas UMR 5140 « Archéologie des Sociétés Médi

Institut d’égyptologie François Daumas UMR 5140 « Archéologie des Sociétés Méditerranéennes » Cnrs – Université Paul Valéry (Montpellier III) L’étiologie de la fabrication des statuettes osiriennes au mois de Khoiak et le Rituel de l’ouverture de la bouche d’après le papyrus Jumilhac Sandra L. Lippert Citer cet article : S.L. Lippert, « L’étiologie de la fabrication des statuettes osiriennes au mois de Khoiak et le Rituel de l’ouverture de la bouche d’après le papyrus Jumilhac », ENIM 5, 2012, p. 215-255. ENiM – Une revue d’égyptologie sur internet est librement téléchargeable depuis le site internet de l’équipe « Égypte nilotique et méditerranéenne » de l’UMR 5140, « Archéologie des sociétés méditerranéennes » : http://recherche.univ-montp3.fr/egyptologie/enim/ L’étiologie de la fabrication des statuettes osiriennes au mois de Khoiak et le Rituel de l’ouverture de la bouche d’après le papyrus Jumilhac Sandra L. Lippert Fondation Alexander von Humboldt - UMR 5140 (CNRS - Université Paul Valéry - Montpellier III) OMME JACQUES VANDIER l’avait déjà relevé 1, la grande monographie illustrée traitant des 17e/18e nomes de Haute-Égypte (le papyrus Jumilhac [pLouvre E 17110]) mentionne à plusieurs reprises le Rituel de l’ouverture de la bouche d’Osiris 2, un épisode a priori d’un intérêt particulier pour la région, dont témoignent aussi les textes de la géographie cultuelle des temples d’époque gréco-romaine 3. Cette importance est déjà signifiée dans une scène de la cella du temple d’Hibis à Kharga 4 appartenant à la section des divinités de la région d’Hardaï qui montre Iounmoutef, vêtu à la manière d’un prêtre-sem, officiant principal du rituel de l’ouverture de la bouche, accomplissant une récitation devant la figure momiforme d’Osiris. La présentation du mythe sous-jacent la plus circonstanciée se trouve en pJumilhac X.20-XI.14, par ailleurs, quatre autres passages du même texte fournissent des versions abrégées, dont une, en pJumilhac IV.24-V.2 (avec la marge supérieure) – la plus sommaire –, n’a pas été relevée par l’éditeur dans son étude d’ensemble 5. Dans trois cas (textes 1, 2 et 4), les extraits mythologiques servent à présenter une localité de la région d’Hardaï comme le théâtre d’épisodes de la légende osirienne. Le texte 5, quant à lui, explique le rôle de prêtre-ḥry-sštȝ qu’Anubis joue dans ce contexte (et qui peut également être accompli par d’autres divinités), et le texte 3 constitue la légende d’une vignette. Dans son édition, Vandier a été embarrassé par les apparentes contradictions que présentent les différents mythes égyptiens relatifs à la découverte de la tête d’Osiris : d’après deux passages du papyrus Jumilhac, la tête aurait été retrouvée dans le Delta, plus précisément à Nedjit, tandis que d’autres versions, dans le papyrus Jumilhac et ailleurs, précisent que c’est à 1 Je remercie Alexandra von Lieven pour ses commentaires d’une version antérieure de cet article, ainsi que Dimitri Meeks et Ivan Guermeur pour avoir discuté la présente version ; de plus, je sais gré à ce dernier de la correction de mon français. 2 J. VANDIER, Le Papyrus Jumilhac, Paris, 1961, p. 100-101 § c (abrégé J. VANDIER, Jumilhac, par la suite) : « Légendes relatives à la tête d’Osiris ». 3 Cf. les textes réunis dans Chr. LEITZ, Soubassementstudien II. Geographisch-osirianische Prozessionen aus Philae, Dendara und Athribis, SSR 8, Wiesbaden (sous presse), § 17k et § 18i. 4 N. DE GARIS DAVIES, The Temple of Hibis in El-Khārgeh Oasis III. The Decoration, PMMA 17, New York, 1953, pl. 3, 5e registre. 5 Dans ce qui suit, les textes sont présentés et numérotés non par l’ordre de leur apparition dans le manuscrit du papyrus Jumilhac comme l’a fait J. Vandier en les numérotant I-IV, mais par ordre descendant de leur exhaustivité. C Sandra L. Lippert ENIM 5, 2012, p. 215-255 216 Abydos ou dans la montagne d’Abydos, que l’on découvrit celle-ci 6. C’est pourquoi il essaya d’harmoniser ces différences en admettant qu’il s’agissait sans doute d’une suite d’événements, tels des épisodes d’une histoire plus longue 7, comme l’avait déjà fait Plutarque avec les recits contradictoires du mythe osirien. Par ailleurs, il se formalisa du fait que, selon son interprétation du texte, tête et corps furent retrouvés ensemble, transportés dans le 17e/18e nome et réunis dans cette province 8, tandis qu’ailleurs le même texte évoque la quête des membres dispersés d’Osiris comme un événement faisant suite à celui-ci 9. La première contradiction se résout simplement en prenant en compte les versions alternatives voire concurrentes de la localisation des membres d’Osiris : ainsi plusieurs nomes proclament avoir été le lieu de la découverte du cœur d’Osiris, tandis qu’ils sont plus de deux à prétendre détenir une relique de la jambe de ce dernier 10. Le papyrus Jumilhac lui-même fournit aux colonnes IV-V (texte du bas et vignettes) deux listes alternatives qui précisent quand et où, à l’occasion de la « fête de piocher la terre », tel ou tel membre d’Osiris a été retrouvé, ainsi, la tête à Abydos, comme cela a déjà été mentionné 11. La deuxième contradiction cependant n’est qu’apparente, car le récit de la découverte de la tête, l’ouverture de sa bouche et la recherche des membres dispersés d’Osiris tels que contés dans le papyrus Jumilhac sont à vrai dire tout à fait cohérents et obéissent à une chronologie raisonnable, comme on cherchera à le démontrer dans les pages qui suivent. A. Les cinq textes Dans les translittérations, les repères d’insertion sont indiqués par *, le texte ajouté en marge par |...| et le texte ajouté à l’intérieur des colonnes par `...´. signifie un espace blanc (spatium). Au demeurant, le système de parenthèses est celui dit « de Leyde ». Le commentaire de Vandier n’est repris que dans les cas où une lecture ou une traduction différente est proposée ou si cela semble nécessaire pour la compréhension du passage. Dans les intertitres en écriture hiératico-démotique, les parties démotiques sont mises en italiques, les parties hiératiques en romaines. 6 Papyrus Jumilhac, texte du bas III.19-IV.4. Pour d’autres sources : M. STADLER, « Der Skarabäus als osirianisches Symbol vornehmlich nach spätzeitlichen Quellen », ZÄS 128, 2001, p. 71-83. 7 J. VANDIER, Jumilhac, p. 100, n. 8. 8 Ibid., p. 171 n. 273, se référant au texte ici numéroté 1. 9 Ibid, p. 170, n. 267. 10 L. COULON, « Les reliques d’Osiris en Egypte ancienne : données générales et particularismes thébains », dans Ph. Borgeaud, Y. Volokhine (éd.), Les Objets de la mémoire. Pour une approche comparatiste des reliques et de leur culte, Studia Religiosa Helvetica 2004/5, p. 21 ; 36-37. 11 Contra H. BEINLICH, Die « Osirisreliquien ». Zum Motiv der Körperzergliederung in der altägyptischen Religion, ÄgAbh 42, Wiesbaden, 1984, p. 72 sq., qui postule que le papyrus Jumilhac place la découverte de tous les membres osiriens sur le territoire du 17e/18e nome de Haute-Égypte. L’étiologie de la fabrication des statuettes osiriennes au mois de Khoiak http://recherche.univ-montp3.fr/egyptologie/enim/ 217 Texte 1 (pJumilhac X.20-XI.15) 12 Le passage est extrait du chapitre relatif aux buttes sacrées de la région de Hardaï. XI | X 15 10 5 1 | 20 Point de repère géographique : ỉr (X.21) tȝ ỉȝ.t n mḥ n s.t tn m ḫft-ḥr n nṯr pn Quant à la butte au nord de ce lieu, en face de ce dieu : ḏd.tw n⸗s Tȝ-fk`t´ (22) ḏd [[n]] Tȝ-n-pȝ-fk on l’appelle « pays désertique », c’est-à-dire « Pays du tondu ». Reférence au mythe : 1 13 wnn Ỉnp šm r ḥḥ ỉt⸗f Wsỉr Anubis alla pour chercher son père Osiris, 12 Correspond au « Texte II » chez J. VANDIER, Jumilhac, p. 101, n. 1. Traduction et commentaire : ibid., p. 121, et 169-173, n. 262-286. 13 Les chiffres en gras précédant les éléments du texte servent à retrouver les différents motifs du récit dans les textes parallèles. Sandra L. Lippert ENIM 5, 2012, p. 215-255 218 2 ḥr (23) ỉȝ.t wȝḏ.w ḥr ṯs{.w} pwy n Nḏ{d}y.t r gs ʿnḏ.ty sur la butte des papyrus, sur ce banc de sable de Nedjit, à côté d’Andjty, 3 m-ḫt (XI.1) ḫpr bg.t ʿȝ(.t) m tȝ pn après que le grand naufrage (?) eut lieu dans ce pays. 4 ʿḥʿ.n gm.n=f tp šps n ỉt(2)⸗f ḥr qȝ Il trouva la tête auguste de son père sur la colline, 5 gm wš ḥʿ.w⸗f mỉ-qd trouvé manquant : tout son corps. 6 wnn sȝ⸗f Ỉnp ỉr ḫpr(3)⸗f n bỉk Son fils Anubis se transforma en faucon, 7 sw dỉ⸗f-s ỉmy.tw ʿ.wy{t}⸗f(y) ʿḫ⸗f ẖr(4)⸗f [[m]] `r´ km[[.t]] {n ʿ} n ȝḫ.t spr⸗f r Ḥr-dỉ r tȝ ḏsr nty ỉm il la mit entre ses bras, il vola avec elle aux confins de l’horizon, il atteignit Hardaï, (plus précisément) la nécropole qui est là. 8 (5) sk r⸗f `wn´ Ḏḥwty r gs⸗f qmȝ⸗w m ỉb⸗w {r-}ḏr{-ʿ} Or, Thot était avec lui. Ils réfléchissaient vigoureusement. 9 wnn⸗w ỉn (6) sỉn wʿb m š{.t} m s.t tn {n} r gs ỉmnt.t n tȝ ḏsr{.tt} sʿḥʿ⸗tw sʿḥ r wš(7)⸗f m sȝtȝ Ils apportèrent de l’argile pure du lac en ce lieu, sur le côté ouest de la nécropole. Une statuette fut dressée debout, sa (partie) manquante étant en terre, 10 snsn.n⸗f uploads/Geographie/ d-x27-apres-le-papyrus-jumilhac-sandra-l-lippert.pdf

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