Dialogues d'histoire ancienne Inscriptions religieuses des cités des Séquanes e

Dialogues d'histoire ancienne Inscriptions religieuses des cités des Séquanes et des Ambarres : nouvelles interprétations Monsieur Max Gschaid Citer ce document / Cite this document : Gschaid Max. Inscriptions religieuses des cités des Séquanes et des Ambarres : nouvelles interprétations. In: Dialogues d'histoire ancienne, vol. 20, n°2, 1994. pp. 155-188; doi : https://doi.org/10.3406/dha.1994.2184 https://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_1994_num_20_2_2184 Fichier pdf généré le 16/05/2018 Résumé Les documents discutés permettent une vue détaillée sur les cultes principaux chez les Séquanes et les Ambarres où excellent Mars et ses parèdres "Segomo" et Bellone, Apollon et Mercure. Jupiter a connu au nord du pays séquane une adaptation au panthéon régional animée évidemment du filigrane de la puissance de "Taranis". Toutes ces conceptions évoluent et traduisent des modifications sur le plan culturel et social. Les dossiers des inscriptions à Mars "Segomo" et "Segomo" montrent que le syncrétisme en pays séquane et ambarre, auquel échappent nombre de divinités indigènes, est moins déterminant qu'on ne l'avait dit. Evidemment il n'est pas arrivé à un stade où il ne fait pas de sens de parler d'un syncrétisme. Un trait remarquable est qu'Apollon et Mercure associent leurs compétences, manifestation d'une force de conceptualisation, héritière peut-être d'un lointain passé celte. La présence parfois symbiotique des dieux d'origine orientale - Cybèle, Bellone ("interpretatio Romana" de la déesse Ma), Mithra, Jupiter-Ammon... - constitue un autre élément de l'évolution religieuse régionale, témoignant de la complexité des rapports entre les cultes des dieux et les transformations de la vie sociale et culturelle dans les villes et bourgades. Zusammenfassung Die untersuchten Zeugnisse bieten ein durchaus facettenreiches Bild der Götterverehrung in den Gebieten der Sequaner und Ambarrer. Besonders populär waren offenbar Mars wie die mit ihm in einigen assoziierten "Bellona" und "Segomo", Apollo und Merkur. Die Assoziation letzterer ist schwerlich ohne den Hintergrund vorrömischer Erfahrungshorizonte denkbar. Im Norden der "civitas Sequanorum" erfährt Jupiter seine regionale Gestaltung in der gebanklichen Verbindung mit dem traditionellen Aufgabenbereich des keltischen "Taramis". Die Persönlichkeiten der Götter aktualisieren sich dabei im Rahmen des sozialen und kulturellen Wandels. Hier zeigt das Dossier der Inschriften für Mars "Segomo", dass der Synkretismus im Raum zwischen Rhône und Saône keineswegs generell zu festgefügten und nicht mehr trennbaren neuen Gestaltungen der Gottheiten geführt hat. Ein anderes Element des späteren Heidentums in der Region bilden die Gottheiten orientalischer Herkunft - Kybele, "Interpretatio romana" der Göttin "Mâ"), Mithras, Jupiter- Ammon... -, deren Kultgemeinden das religiöse Leben (es zeigt in einigen vici an der Oberen Rhône symbiotische Merkmale) in den Landgemeinden und Civitas-Vororten mitprägten und damit an der Fortschreibung der sozialen und kulturellen Verhältnisse entscheidend beteiligt waren. Dialogues d'Histoire Ancienne 20.2, 1994, 155-1B8 INSCRIPTIONS RELIGIEUSES DES CITES DES SÉQUANES ET DES AMBARRES NOUVELLES INTERPRÉTATIONSi Max GSCHAID Â la mémoire de Marcel Le Glay II ne peut s'agir de présenter ici toute la documentation épigraphique de caractère religieux trouvée dans ces deux cités2 mais de discuter les documents dont la relecture critique peut contribuer à une meilleure compréhension de l'histoire religieuse de la Gaule romaine. Les limites des cités gallo-romaines ne constituant pas de Je remercie vivement Monsieur Henri Lavagne, directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études, d'avoir bien voulu revoir le français de cet article. On me permettra de renvoyer à ma thèse, Studien zur Verehrung der rômischen Gottheiten in den Gebieten der Sequaner und Ambarrer, Dissertation Regensburg, 1991 (Microfiche). Cf. mon article "Aspekte der Entwicklung der Gôtterverchung im Gebiet der civitas Sequanorum und in den viciam Nordufer des Oberlaufes der Rhône : Belley, Briord, Vieu-en-Valromey", in Roman Religion in Gallia Belgica & the Germaniae, Luxembourg 1994 (Bulletin des Antiquités luxembourgeoises 22, 1993), p. 55-75. 156 MaxGschaid véritables frontières culturelles, nous ferons entrer dans la discussion les inscriptions issues du sol de sites limitrophes et qui, pour être situés de l'autre côté de la Saône et du Rhône, n'en montrent pas moins des rapports étroits avec les cultes attestés chez les Séquanes et les Ambarres (cf. carte n° 1). MARS ET SES PAREDRES Mars Segonto C'est avant tout à la personnalité de Mars que la population séquane attache les compétences les plus éminentes, particulièrement la protection de la vie des individus et la sauvegarde de la cité. Les fidèles "repensent" la fonction de l'ancien Teutatès local, Segomo3, par rapport à la personnalité divine de Mars. La figure de Mars Segomo actualise, au sens de G. Deleuze, cette nouvelle appréhension de Mars. Il n'est pas surprenant de voir l'élite des Séquanes valoriser Mars parmi les cultes officiels de la civitas Sequanorum, car elle y est conduite par son ambition d'adapter la jeune cité aux normes et aux pratiques religieuses romaines. Elle favorise donc le culte de Mars en enrichissant sa personnalité par emprunt à la conception locale du dieu Segomo. Dès la période flavienne, on peut déjà repérer le rôle essentiel joué par les premiers notables séquanois dans ce domaine. Au début de la dynastie des Flaviens, vers les années 73-764, Quintus Adginnius Martinus, le seul représentant séquane parvenu jusqu'aux honneurs de sacerdos Romae et Augusti, a consacré un autel (?) à Mars Segomo5 dans le "territoire fédéral du Confluent". On ignore ce que portait la première ligne de l'inscription (perdue depuis longtemps) qui le 3. P.-M. Duval, Les dieux de la Gaule, 2e éd., Paris, 1976, p. 71-72. Explication philologique du composé possessif Sego-mon (n-Stemma), "celui qui emporte la victoire" par K.H. SCHMIDT, "Die Komposition der gallischen Personennamen, Zeitschrift fur celtische Philologie, 26, 1957, p. 265 ; K.H. Schmidt, in Indogermanische Forschungen, 67, 1962, p. 312. 4. À cause de la mention du consulat de M. Neratius Pansa : M. TORELLI, "The Cursus Honorum of M. Hirrius Fronto Neratius Pansa", JRS, 58, 1968, p. 170-175 ; W. Еск, RE Suppl, XIV, 1974, col. 283-286 (favorable à la date de 74). 5. CIL XII, 1674 (trouvé dans le quartier lyonnais des Terreaux). DHA 20.2, 1994 Inscriptions religieuses des cités des Séquanes... 157 mentionne mais une expression comme Augusto sacrum serait conforme à l'usage des formules de piété en Lyonnaise sous le Haut Empire6. Représentant suprême au sanctuaire des Trois Gaules voué au culte impérial, les raisons qu'a Quintus Adginnius Martinus pour dédier un second autel7 au dieu capitolin - Iovi Optimo Maximo - sont évidentes. Mais nous avons, en outre, le témoignage de Désiré Monnier, qui relate qu'on pouvait voir à Lyon, vers 1850, un fragment d'une autre dédicace à Mars Segomo8 : "Monsieur Deladine nous fait connaître un troisième monument du culte de Mars Ségomon. Sur une tour de l'ancienne abbaye Saint-Pierre à Lyon, dit-il, on lit cette inscription Marti Segomoni sacrum" . Pour ce qui est de l'ancienne abbaye Saint-Pierre, le couvent a été fermé à la Révolution, et dans les bâtiments subsistants est installé actuellement le Musée des Beaux- Arts. Mais contrairement à ce qu'affirme Monnier, qui pensait que la provenance de la dédicace de Q. Adginnius Martinus était "l'abbaye d'Enay" (pour "Ainay"), il semble bien qu'il ne s'agisse que d'une seule et même inscription que Deladine a vue dans un état très dégradé et qu'Allmer9 considère comme perdue au début de ce siècle. Il n'y a donc aucun indice suffisamment décisif pour conclure à l'existence d'une deuxième inscription à Mars Segomo à Lyon10. Des fidèles appartenant à d'autres couches sociales font des dédicaces à Mars Segomo qui permettent de discerner des valeurs différentes. Ainsi, au sommet du mont Jugean, près de Culoz (Ain), une femme de condition apparemment aisée, Cassia Saturnia, a fait élever un pilier-colonne11, jadis couronné par une statue aujourd'hui perdue. Elle l'a consacré à N(umini) Aug(usti) deo Marti Segomoni dunati, donc à la puissance de l'Empereur (analogue mais non pas 6. J. J. Hatt, "Sacrum Augusto", RAE, 39, 1988, 144-145 (excellente mise au point). Voir aussi M. -Th. Raepsaet-Charlier, Diis Deabusque sacrum. Formulaire votif et datation dans les Trois Gaules et les Deux Germanies, Paris, 19-3 (Gallia Romana, I), p. 19-21. 7. CILUl, 1674 (trouvé aux Terreaux ; perdu). 8. Désiré Monnier, Annuaire du Jura, 1852, p. 152. 9. Auguste Allmer, "Dieux de la Gaule. L- Les dieux de la Gaule celtique (suite). Mars Segomo", Revue épigraphique, V, 1908, p. 45-47. 10. Camille DavillÉ, "Quelques inscriptions votives à Mars Segomon", Rhodania, 1931, p. 136-140, renvoie à la notice de Monnier. 11. CIL XIII, 2532 ; cf. E. Thevenot, "Sur les traces des Mars celtiques", Gand, 1955 (Dissertationes Archaeologicae Gandenses, vol. III), pi. V, fig. let 2. DHA 20.2, 1994 158 MaxGschaid égale à celle de la divinité) et au dieu Mars Segomo, qui "règne sur le sommet de la montagne". L'expression dunates s'inspire en effet, probablement, de l'impressionnante falaise du Massif du Grand Colombier (point culminant à 1531 m), qui s'élève à plus de 1200 m au-dessus de la ville de Culoz et donc le "mollard de Jugean" en forme de promontoire domine au-dessus du marais de Lavours. L'épithète dunates12 (datif dunati) implique donc l'idée de la puissance particulière de Mars comme "maître des cîmes". L'adaptation de la conception syncrétique de Mars Segomo en milieu séquane encore peu romanisé est également documentée par la dédicace d'Arinthod (Jura) qu'on a trouvée en 1703 dans les fondements de l'église uploads/Geographie/ dha-0755-7256-1994-num-20-2-2184.pdf

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