ESTHÉTIQUE DE L'ART AFRICAIN Points de vue Collection dirigée par Denis Pryen D

ESTHÉTIQUE DE L'ART AFRICAIN Points de vue Collection dirigée par Denis Pryen Déjà parus Mosamete SEKOLA, L'Afrique et la perestroïka: l'évolution de la pensée soviétique sous Gorbatchev, 2007. Ali SALEH, Zanzibar 1870-1972 : le drame de l'indépendance, 2007. Christian G. MABIALA-GASCHY, La France et son immigration. Tabous, mensonges, amalgames et enjeux, 2007. Badara Alou TRAORE, Politiques et mouvements de jeunesse en Afrique noire francophone, le cas du Mali, 2007. Pierre MANTOT, Matsoua et le mouvement d'éveil de la conscience noire, 2007. Pierre CAPPELAERE, Ghana: les chemins de la démocratie, 2007. Pierre NDOUMAÏ, On ne naît pas noir, on le devient, 2007. Fortunatus RUDAKEMW A, Rwanda. À la recherche de la vérité historique pour une réconciliation nationale, 2007. Kambayi BWATSHIA, L'illusion tragique du pouvoir au Congo-Zaïre, 2007. Jean-Claude DJÉRÉKÉ, L'Afrique refuse-t-elle vraiment le développement?, 2007. Yris D. FONDJA WANDJI, Le Cameroun et la question énergétique. Analyse, bilan et perspectives, 2007. Emmanuel M.A. NASHI, Pourquoi ont-ils tué Laurent Désiré Kabila ?, 2006. A-J. MBEM et D. FLAUX, Vers une société eurafricaine, 2006. Charles DEBBASCH, La succession d'Eyadema, le perroquet de Kara, 2006. Azarias Ruberwa MANYW A, Notre vision de la République Démocratique du Congo, 2006. Philémon NGUELE AMOUGOU, Afrique, lève-toi et marche I, 2006. Yitzhak KOULA, Pétrole et violences au Congo-Brazzaville, 2006. Jean-Louis TSHIMBALANGA, L'impératif d'une culture démocratique en République Démocratique du Congo, 2006. MBOG BASSONG ESTHÉTIQUE DE L'ART AFRICAIN Symbolique et complexité L'Harmattan @ L'Harmattan, 2007 5-7, rue de l'Ecole polytechnique; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion. harmattan@wanadoo.fr harmattan 1(fYwanadoo. fr ISBN: 978-2-296-043 15-2 EAN : 9782296043152 En hommage à Mbombog Nkoth Bisseck Grand Initié de l'Ordre du Mbog en pays bassa au Sud du Cameroun. « Serein, tu l'es à présent. Confiant, tu attends la promesse des fleurs. J'ai le cœur à l'ouvrage, persuadé que tu es un Sphinx pour l'éternité. A bientôt, le Frère! » «L'art africain n'est ni un art fantaisiste ni un art de l'imaginaire. C'est la valeur éminente attachée à l'existence physique et au surnaturel qui lui confère sa solidité et sa vitalité. » Joseph-Marie Essomba, L'Art traditionnel au Cameroun. Statues et masques, Autriche, Jean Dupuch, Editions, 1982, p. 87. «L'art nègre est un traité politique. On y lit l'organisation de la Société et sa hiérarchie. » Engelbert Mveng, L'Art et l'Artisanat africains, Yaoundé, Editions Clé, 1980, p. 40. «Et si l'Afrique, tournant le dos à la jérémiade, devenait enfin dans cette Histoire un site de propositions et d'énoncés irriguant les mappemondes globales: culturelle, cognitive et artistique? » Manga Lionel, «Cap insurrection esthétique» in : Le Messager, Journal d'informations et de débats, n02073 du lundi 27 février 2006. 1. POINT DE DÉPART «La revalorisation relativement récente des arts de l'Afrique, de ses figures et de ses rythmes, prélude à une réévaluation de ses savoirs et de leurs logiques (n.) La préoccupation ainsi manifestée est de réconcilier la science et toutes connaissances dans une intelligence plus globale de l'humain ». Charles Morazé, La science et lesfacteurs de l'inégalité. Leçons du passé et espoirs de l'avenir, UNESCO, 1979, p. 154. Ouvrage collectif sous la direction de l'auteur. Peut-on envisager une Esthétique de l'Art Africain? Peut-on y formaliser une théorie socio-historique du Beau explicative de la réalité artistique traditionnelle en Afrique? Que peut apporter cette théorie à l'art africain moderne et à la pensée universelle? Dans la présente contribution, nous voulons apporter la preuve que l'art traditionnel procède d'un discours à la fois cohérent et pertinent sur le Réel et le Beau tels qu'ils se manifestent dans l'Ordre et l'Harmonie de la nature du reste indépassables. Il s'agit, ce faisant, de sortir la liberté créatrice d'un intuitionnisme routinier qui tend à crétiniser l'art contemporain, même si celui-ci nous gratifie de temps en temps d'œuvres d'une qualité émotionnelle indéniable, malheureu- sement sans rapport avec cette puissance opératoire que procure la magie de la Forme. En somme, il est question d'apporter à l'aventure esthétique un supplément d'âme et d'assise théorique fondée sur la connaissance scientifique de l'Univers, et celle de ses lois rapportées à la régulation des sociétés politiques traditionnelles. Il nous semble souhaitable que dans la pratique, l'artiste moderne s'aménage un espace théorique ouvert à la portée du discours africain sur le Réel, sans toutefois se couper de cette dimension intuitive et affective de la création artistique. Le philosophe Louis Althusser écrit pour notre gouverne: «Tout le monde sait que sans théorie scientifique correspondante, il ne peut exister de pratique scientifique, c'est-à-dire de pratique produisant des connaissances scientifiques nouvelles. Toute science repose donc sur sa théorie propre. » (...) «Toute vraie science doit fonder son propre commencement]. » Tel est aussi cet autre enjeu de la présente contribution, à savoir, donner à la pratique de l'art un point de départ, une assise, mieux une théorie, aux fins d'y renouveler des constructions dignes d'intérêt scientifique. La pensée africaine appelle une refondation épistémologique pour laquelle il apparaît opportun de faire valoir ses prétentions à la vérité éthiques, esthétiques et herméneutiques. Contrairement à une opinion répandue et désormais sans fondement, la connaissance dite intuitive ne s'oppose nullement à la connaissance scientifique. En esthétique, celle-ci prolonge celle-là. De l'avis d'un grand penseur captivé par la pensée sauvage (et non la pensée des sauvages), « l'art s'insère à mi-chemin entre la connaissance scientifique et lapensée mythique ou magique2. » L'art "sauvage" procède, pour ainsi dire, d'une expression symbolique3 de l'Être, entre religion et science, intuition et logique, ontologie et épistémologie. Bernard d' Espagnat, un physicien de renom, soutient en effet: «L'association de l'observation de la nature et d'une activité consciente de l'esprit a des chances de fournir 1Avertissement au Capital, Livre I, Garnier -Flammarion, 1966, pp. 9-10 et 19. 2Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Plon, 1962, p. 37. 3 Engelbert Mveng, «La symbolique dans l'art africain» in Racines, sous la direction de Théophile Obenga et Simao Souindoula, Editions du CICIBA, 1991, p. 201, écrit: « L'accès au langage symbolique passe par la connaissance "scientifique" du monde. La signification de l'objet symbolique est donc toujours une "signification enrichie", comportant un extérieur et un dedans. C'est au niveau d'un passage permanent du phénomène au noumène que se situe le terrain propre de la symbolique. » 10 des résultats qui, mystérieusement et de manière bien imparfaite, nous ouvrent des perspectives sur l'être}. » Entre l'esprit qui conçoit l'œuvre et la Vérité sur l'Être s'établit un lien dont la nature mystérieuse reste à définir relativement à l'origine même de toute connaissance. Ce lien s'inscrit dans l'ordre des correspondances logiques entre l'esprit qui questionne la complexité de notre monde et le discours symbolique qui en pénètre la réalité aux fins d'organiser la société politisée. Nous parlons, pour cette raison, d'une Esthétique de l'art africain qui prolonge de la sorte, l'ordre des raisons de la Vérité générale de l'Univers. Aussi la pensée mythique traditionnelle peut-elle contribuer à sécuriser la posture mentale de l'artiste africain moderne avec ce supplément de liberté créatrice et d'audace réflexive. De ce point de vue, nous corroborons cette affirmation du savant Engelbert Mveng qui écrit: «Ainsi l'anthropologie et la cosmologie de l'art nègre se rejoignent. L'homme s'exprime en exprimant le monde. Il humanise la création en l'associant à son destin. Ilfait œuvre de civilisation2. » En retour, le fait social en Afrique contraint l'art en disqualifiant la gratuité et la vacuité de l'œuvre. Jean Laude y entrevoit le moment vital de l'expression esthétique de l'œuvre d'art. Il souligne: «Il faut bien dire cependant qu'il n y a pas d'œuvres qui ne soient le produit d'une commande. Le sculpteur aime son travail mais il ne travaille pas pour son plaisir et lafonction de l'art est rigoureusement sociale et étroitement liée à la vie religieuse3. » Bon nombre de chercheurs dont les noms et les œuvres ont été évoqués dans ce texte, en particulier Engelbert Mveng, ont en effet souligné la dimension religieuse de l'art africain. On se souvient alors 1 A la recherche du réel. Le regard d'un physicien, Paris, 2e édition revue et augmentée, Gauthier-Villars, 1981, p. 168. 2L'Art et l'Artisanat africains, Yaoundé, Editions Clé, 1980, p. 35. 3 Cité par Ebénézer Njoh-Mouelle, Jalons III. Problèmes culturels, Yaoundé, Editions Clé, 1974. Il de l'architecture cosmologique des pyramides égyptiennes ou de la métaphore du sphinx que prolongent aujourd'hui l'argumentaire pyramidal, animalier et écologique des palais bamiléké, voire celui de ces masques d'initiation recouverts de peaux de bêtes et utilisés dans les cérémonies de culte Essimbi (Nord-Ouest du Cameroun) par exemple. Il s'agit, on le pressent, d'un même continuum philosophique et scientifique de la pensée artistique qui puise dans l'observation de la nature une grande partie de son réalisme symbolique. Celui-ci y perçoit en écho, le Sens et la Valeur comme nous le laisse deviner la littérature scientifique courante: «Il est établi que l'art traditionnel nègre ne se conçoit pas séparé de la vie quotidienne. On l'a ainsi caractérisé par sa fonctionnalité. De sorte que dans cette situation on ne rencontre pas d'objets d'art qui aient été produits pour être contemplés et par conséquent considérés pour eux-mêmes, à peu près comme des productions de la gratuité purel. » Il y a uploads/Geographie/ extrait 12 .pdf

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