LIMITES ET DISCONTINUITES ET LEURS IMPLICATIONS SPATIALES Par Frédéric Alexandr
LIMITES ET DISCONTINUITES ET LEURS IMPLICATIONS SPATIALES Par Frédéric Alexandre*, Claude Grasland* et Jean-Christophe Gay**. * Université Paris-VII ** Université Montpellier-III A. UNE QUESTION DE GEOGRAPHIE GENERALE La nouveauté de la question et son libellé nécessitent quelques éclaircissements et obligent à donner des pistes d’approche, correspondant aux différents thèmes concernés et couvrant à la fois des échelles très variées (de la micro à la macrogéographie) et l’ensemble des domaines de notre discipline, voire des disciplines voisines (histoire, psychologie, anthropologie, sociologie, écologie, etc.) que les questions spatiales ne laissent pas indifférentes. Il n’est pas dans notre intention de désespérer les candidats à l’agrégation de géographie sur une question si générale que tout texte de géographie en fait état à un moment ou à un autre. Notre bibliographie n’est donc en aucun cas exhaustive. Il s’agit d’une sélection raisonnée offrant aux agrégatifs des outils pour mobiliser leur culture géographique afin de l’appliquer à ce thème. L’interrogation sur les limites et les discontinuités est fondamentale pour comprendre l’organisation de l’espace, la différenciation des lieux, la diversité de notre planète. La formulation du sujet invite à dépasser une simple analyse formelle qui n’aborderait, par exemple, que leur tracé ou les supports utilisés, et à être particulièrement attentifs à leurs rôles sur le peuplement, la localisation des activités, le comportement des individus, l’agencement des lieux et des milieux, etc. Limites et discontinuités sont sources de foyers majeurs, comme ces marchés nés du contact de la plaine et de la montagne, ces piémonts industriels ou ces littoraux urbanisés. Inversement, d’autres sont vides, à l’instar de ces zones frontalières stérilisées par la répétition des conflits. La question invite aussi à réfléchir sur la fragmentation des territoires (formation de ghettos, retranchement…) et la différenciation de l’espace dans le contexte de la mondialisation. Celle-ci nous conduit-elle vers un monde homogène ? Limites et discontinuités sont-elles en train de disparaître ? Le sujet proposé au concours de l'agrégation de géographie pour les années 2003 et 2004 est ainsi un véritable sujet de géographie générale, qui imposera aux candidats une mobilisation de l'ensemble de leurs connaissances dans tous les champs de la géographie et même au-delà. La difficulté d'un tel sujet réside moins dans la mémorisation de connaissances factuelles précises que dans l'élaboration rigoureuse du vocabulaire, des concepts et des problématiques que le candidat sera amené à développer au cours de la dissertation. Il faudra certainement disposer d'un corpus variés d'exemples permettant d'illustrer la problématique dans des champs diversifiés (limites politiques, gradients, transitions ou discontinuités climatiques ou biogéographiques, etc.) et à des échelles différentes (différenciation zonale et régionale du monde bio-physique ou mosaïque paysagère et ses conséquences sur les flux de matière et d’énergie à l’échelle locale, effets des limites de quartiers, de communes, de régions, d'Etat, d'alliances économiques supranationales), mais ce n'est certainement pas l'accumulation d'exemples disparates qui peut aider le candidat à préparer efficacement le concours. Une préparation efficace à cette épreuve devrait donc partir d'une clarification des concepts généraux que sous-tend l'emploi des termes de limites et de discontinuités en géographie et ne s'intéresser que dans un deuxième temps à la déclinaison de ces concepts dans les différents champs de la géographie et aux différentes échelles. B. QUELQUES CONSEILS POUR PREPARER LE SUJET Face à une question de cette ampleur, il nous semble aussi important de donner aux candidats à l'agrégation des indications sur les méthodes de travail que des références bibliographiques. Mais il n'existe à notre connaissance que peu d'ouvrages ayant abordé la question des limites et discontinuités d'un point de vue théorique de géographie générale : Bunge W., 1966, Theoretical Geography, Lund Studies in Geography. Brunet R., 1967, Les Phénomènes de discontinuité en géographie, CNRS, Paris. Hubert J.-P., 1993, La Discontinuité critique, Paris, Publications de la Sorbonne. Dans le champ plus restreint de la géographie humaine, la discussion sur les limites et discontinuités renvoie au débat sur les concepts d'espace et de territoire et le problème plus général des métriques utilisées pour décrire les relations sociales dans l'espace. Lévy J., 1994, L'Espace légitime. Sur la dimension géographique de la fonction politique, Paris, Presses de la FNSP. Ouvrage fondamental qui a l'avantage de rassembler un grand nombre de travaux antérieurs de J. Lévy. Lire en particulier le chapitre 1. Sack R. D., 1983, “Human territoriality : a theory ”, Annals of the Association of American Geographers, 73, 1. Nous ne recommandons cependant pas aux agrégatifs d'aborder le sujet par la lecture de ces travaux difficiles, qui risqueraient de les décourager et surtout de ne rien leur apporter s'ils n'ont pas déjà avancé suffisamment dans leur propre compréhension du sujet. Il vaut mieux réserver ces lectures pour une phase ultérieure de préparation et entrer dans le sujet par deux textes plus simples qui constituent une meilleure introduction au sujet : Gay J.-Ch., 1995, Les Discontinuités spatiales, Paris, Economica, coll. “ Géographie Poche ”. Brunet R., François J.-Ch. et Grasland C., 1997, “ La discontinuité en géographie : origines et problèmes de recherche - entretien de C. Grasland et J.-Ch. François avec R. Brunet ”, L’Espace Géographique, n° 4. Pour ceux qui souhaitent avoir plus de détails sur le point de vue théorique développé par R. Brunet sur les discontinuités, il est recommandé de consulter les ouvrages suivants qui fournissent une illustration concrète et un développement des propositions : Brunet R., 1997, Champs et contrechamps, Paris, Belin. Brunet R., 2001, Le Déchiffrement du monde, Paris, Belin, qui est en fait la réédition du premier volume de la Géographie universelle intitulé Mondes nouveaux (Paris-Montpellier, Belin-RECLUS) sans sa riche iconographie. Le premier travail du candidat à l'agrégation consiste à rassembler et comparer les définitions des termes de limite et de discontinuité dans les dictionnaires généraux de langue française et dans les dictionnaires spécialisés de géographie ou de sciences sociales. Une fois ce premier travail effectué, il devra examiner les termes connexes et construire une arborescence générale des notions voisines (maillages, gradients, écotones, interfaces, frontières, rupture, barrière, seuil…), des antonymes (continuité, intégration, homogénéité…) ainsi que des notions connexes indispensables (zone, système spatial, espace, écosystème, géosystème, territoire, appartenance, appropriation…). Dans certains cas, il sera utile de se reporter à l'étymologie (limite/limes) et d'étudier les équivalents étrangers qui peuvent aider à préciser le vocabulaire en langue française (e.g. les deux traductions possibles du terme “ frontière ” en anglais - frontier et boundary - renvoient à deux concepts très différents). Il peut également être intéressant de comparer des dictionnaires de géographie d'âges différents ainsi que les versions successives d'un même dictionnaire (comme celui de P. George). Nous avons retenu quatre dictionnaires français ayant des points de vue suffisamment contrastés pour nourrir cette réflexion sur les définitions : George P., 1984, Dictionnaire de la géographie, 3e édition, PUF, Paris. Brunet R., Ferras R., Théry H., 1992, Les Mots de la géographie, Reclus-Documentation Française, Paris & Montpellier. Lacoste Y., 1993, Dictionnaire de géopolitique, Paris, Flammarion. Lévy J. et Lussault M., Dictionnaire de géographie et des sciences de l’espace social, Paris, Belin (à paraître fin 2002). Il conviendrait, en fonction des connaissances linguistiques des candidats à l'agrégation, de leur adjoindre un ou deux dictionnaires de géographie étrangers. C. QUELQUES PISTES BIBLIOGRAPHIQUES Sachant qu'il n'est pas dans l'intérêt des agrégatifs de proposer une bibliographie abondante, les auteurs de la présente notice se sont surtout efforcés de recenser les principales directions à explorer en n’indiquant à chaque fois que quelques ouvrages et en signalant par des astérisques les lectures jugées indispensables (**) ou très probablement utiles (*). C.1. Les enjeux épistémologiques et méthodologiques de la question des limites et des discontinuités Pour préciser la définition des concepts de gradient, limite, discontinuité ou barrière, il est indispensable de compléter la lecture des dictionnaires de géographie précédemment cités par la lecture d'ouvrages d'analyse spatiale qui montrent comment articuler la réflexion théorique et l'application empirique à l'aide d'outils et de méthodes adaptés. Car contrairement à une idée reçue, la démarche scientifique ne part pas toujours du concept pour déboucher sur la mesure mais procède souvent en sens inverse. Voir à ce sujet : **Raffestin C., 1978, "Les construits en géographie humaine : notions et concepts", Géopoint 1978. Qu'il s'agisse de cartographier les limites ou discontinuités, de définir les principes d'un découpage de l'espace en régions homogènes ou polarisées, d'étudier les alternatives aux maillages préétablis dans la représentation des phénomènes spatiaux… on trouvera une abondante moisson de concepts, d'outils et d'exemples dans les traités d'analyse spatiale et les manuels de géographie générale (la frontière entre les deux n'étant pas nette). Problèmes théoriques et méthodologiques posés par la discrétisation et de l'agrégation. Dans toutes les sciences sociales, la quantification des phénomènes soulève le problème de l'emploi de catégorisation puisque le dénombrement impose nécessairement le recours à des grilles spatiales, temporelles ou sociales. Les quelques références ci-dessous montrent la proximité des débats en sociologie, en histoire et en géographie. **Grasland C., 1998, " Les maillages territoriaux : niveaux d’observation ou niveaux d’organisation", in Actes des entretiens J. Cartier 1997 : " Les découpages du territoire ", INSEE-Methodes, n° 76-77-78. Résumé de la partie théorique de uploads/Geographie/ gay-jean-christophe-limites-et-discontinuites-et-leurs-implications-spatiales.pdf
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- Publié le Apv 04, 2021
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