1 Géographie humaine Introduction De fausses représentations La géographie est

1 Géographie humaine Introduction De fausses représentations La géographie est une discipline familière mais qui reste néanmoins difficile à définir. Cette difficulté vient principalement de trois fausses représentations de la discipline : 1) La géographie est vue comme une catégorie informelle d’érudition. On associe la géographie à la simple connaissance des noms, des localisations et des caractéristiques des grandes villes (aéroport, musées, population,…), des curiosités (ethnies oubliées, espèces animales en voie de disparition,…) et des records (plus hauts sommets, plus grands lacs, plus longs fleuves,…). La géographie est dès lors vue comme un cocktail d’exotisme, de voyages et de beaux paysages. C’est de la géographie populaire comme on peut en retrouver dans les jeux télévisés, le trivial poursuit, les documentaires,… 2) La géographie est vue comme un savoir encyclopédique sur les localisations. On associe la géographie à la simple connaissance des noms, des localisations et des caractéristiques des Etats (capitales, provinces, chefs-lieux, hydrographie, reliefs, importations, exportations,…). C’est de la géographie scolaire dont les deux caractéristiques principales sont : un savoir descriptif (rien à comprendre, tout est appris par cœur) et un savoir académique (sans application pratique en-dehors de l’enseignement). 3) La géographie est vue comme l’ensemble des caractéristiques du milieu physique qui infléchissent la vie des sociétés. Cette vision de la géographie est souvent invoquée par les politiciens (« Notre région est défavorisée par sa géographie ! », « La contrée est victime de la fatalité naturelle »,…) et par le milieu académique (David Landes, dans Richesse et pauvreté des nations. Pourquoi des riches? Pourquoi des pauvres? (2000), construit un argumentaire basé sur la géographie pour expliquer pourquoi les pays riches se trouvent en zones tempérées et les pays pauvres dans les zones tropicales ou semi-tropicales). Aux sources du flou qui entoure la géographie Ces trois fausses représentations montrent combien l’image de la géographie est floue aux yeux du public. Deux facteurs permettent d’expliquer ce flou : 1) Un flou délibérément entretenu pour masquer la fonction essentielle de la géographie : faire la guerre (au sens large : militaire, civile, marketing,…).  La géographie permet de mener des opérations militaires sur le terrain. Par exemple, Nixon ordonna en 1972 la reprise des bombardements sur le nord du Vietnam. Face à la pression de l’opinion publique et au fait que la plupart des forces aériennes sont monopolisées par la bataille de Quang Tri, le Pentagone opte pour des bombardements ponctuels sur les digues du delta. Le gouvernement de Hanoï lance une commission d’enquête internationale à laquelle participeront des géographes. Ceux-ci remarquent une forte concentration des bombardements sur la partie orientale du delta. En étudiant 2 la topographie et en se référant à une thèse de P. Gourou sur le Tonkin, les géographes mettent à jour le véritable but de ces bombardements : inonder la région pour affaiblir l’ennemi grâce à des bombardements ciblés. Les bombes étaient larguées sur la partie orientale qui est moins vallonnée que la partie occidentale.  La géographie permet de gérer et organiser un Etat pour accroitre son pouvoir sur les populations. Par exemple, le train sur le toit du monde (ligne reliant Pékin à Lhassa, dont 1150km se trouvent à plus de 5000m d’altitude) permit à la Chine d’accroitre son influence sur le Tibet, de transporter facilement des troupes et de convoyer les minerais extraits sur place.  La géographie permet de localiser, gérer et promotionner les firmes industrielles et commerciales. Par exemple, la campagne de promotion de l'agence de voyages de la SNCF se basait sur le détournement du nom de lieux connus. Le message est simple: les plus grandes métropoles mondiales sont à notre porte, comme l’étaient les villages voisins auparavant. Aujourd’hui, se rendre dans une métropole de l’autre bout du monde n’est pas plus éloigné, pas plus cher, pas plus compliqué et surtout pas plus dépaysant que de se rendre dans un petit coin de France. Une autre application est l’établissement de profils pour un but marketing. On étudie par exemple la répartition géographique des étudiants de l’ULB pour savoir où faire de la pub pour celle-ci. 2) Contrairement aux autres disciplines, la géographie a plusieurs objets différents.  La connaissance des localisations à la surface de la terre.  L’étude des sociétés humaines dans leur relation avec l’environnement physique.  L’analyse des localisations et des répartitions spatiales.  L’analyse du territoire. 3 Cette multiplicité des centres d’intérêt de la géographie s’explique par l’histoire mouvementée de la discipline. Chapitre I : Un monde d’interactions : une entrée par les réseaux sociaux 1.1. Introduction On constate deux types d’interconnexions (ou d’interdépendance) :  Entre les territoires diversifiés qui constituent la planète (interactions "horizontales" entre territoires plus ou moins éloignés).  Entre des phénomènes qui se déploient à l'échelle mondiale et des phénomènes locaux (interactions "verticales" entre échelles spatiales distinctes). On peut observer une interdépendance entre territoires dans le cas des transferts financiers des travailleurs migrants : Il y a d’importants transferts monétaires des migrants vers leur État d’origine (+/- 230 milliards US $ en 2005), la majeure partie de ceux-ci bénéficie aux pays en développement. Au cours des trois dernières décennies, on remarque en outre une forte croissance. Ces transferts de fonds sont la deuxième source de financement externe dans les pays en voie de développement (150 milliards $ comptabilisés en 2003), vient ensuite l’aide publique au développement (70 milliards $ en 2003). Les migrants internationaux sont donc des acteurs majeurs de la lutte contre la pauvreté au niveau planétaire. On peut observer une interdépendance entre phénomènes globaux et locaux dans le cas de la crise alimentaire et des émeutes de la faim en 2008 : Cette crise est due à de multiples causes structurelles : demande croissante des classes moyennes des pays émergents pour les produits carnés et laitiers, diminution de la production céréalière liée aux changements climatiques (sécheresses répétitives en Australie et en Afrique sahélienne, inondations récurrentes en Asie, cyclones en Amérique latine et dans les Caraïbes), croissance de la production d'agrocarburant (la substitution de cultures alimentaires par des cultures destinées à la filière éthanol biodiesel est notamment responsable de 70 à 75% de la hausse des prix alimentaires entre 2002 et 2008),… Certaines causes conjoncturelles ont-elles-aussi précipitées cette crise : l’augmentation du prix du pétrole se répercute sur les couts de production et de transport des aliments, la spéculation sur le prix des denrées alimentaires,… Cette crise provoqua une hausse de la facture alimentaire, c’est-à-dire une hausse du coût des importations alimentaires, en particulier dans les Etats en situation de dépendance alimentaire. Au sein de ceux-ci, les ménages les plus pauvres voient se réduire fortement leur capacité à s'alimenter, ce qui provoqua à terme des émeutes de la faim dans certains Etats. 4 1.2. Les espaces de Facebook Le réseau social le plus important au monde Le nombre d’utilisateurs en janvier 2011 : – Monde : 518 millions d’utilisateurs (7% de la population, 26% des utilisateurs d'internet) – Belgique : 4 millions d’utilisateurs (40 % de la population, 50% des utilisateurs d'internet) La géographie de Facebook 5 Cette carte montre le nombre de paires d’amis Facebook entre villes. Elle fut réalisée en décembre 2010 par un ingénieur de Facebook en suivant 5 étapes :  Constitution d’un échantillon aléatoire de 10 millions de paires d’amis sans quoi les données seraient trop lourdes pour être traitées (+/- 34 milliards de paires d’amis).  Affectation de chaque utilisateur de l'échantillon à la ville qu'il déclare habiter.  Mesure du nombre de paires d’amis entre chaque ville (les amitiés intra-urbaines ne sont pas prises en compte) et de la distance entre les deux villes.  Calcul d’un « indicateur de relations entre villes » (IRV) qui prend une valeur élevée lorsque le nombre d’amis entre ville est important ou quand la distance entre les villes est grande.  Cartographie de l'IRV par variation de la couleur du lien entre ces villes : – Noir : IRV faible ou nul – Bleu : IRV moyen (nombre élevé de paires d'amis mais distance faible ; nombre peu élevé de paires d'amis mais distance importante) – Blanc : IRV élevé (nombre très élevé de paires d'amis mais distance faible ; nombre moyen de paires d'amis mais distance importante) Au total, chaque ligne ne matérialise pas une relation entre deux amis mais regroupe tous les amis d’une ville qui ont des amis dans une autre ville. On remarque d’emblée un phénomène de tyrannie de la distance : plus les villes sont proches, plus les liens sont forts. À l’inverse, plus les villes sont éloignées, moins il y a de liens (ce qui explique le petit nombre de relations transocéaniques). La notion de « village global » est donc fausse, le monde n’est pas globalement interconnecté. On observe aussi un phénomène de rupture frontalière : le nombre de paires d’amis de part et d’autre d’une frontière est relativement bas. Les relations sont en effet plus fortes au sein d’un Etat qu’entre deux Etats. En analysant la carte plus en détail, on observe clairement que la Triade ressort (USA, UE, uploads/Geographie/ geographie-humaine.pdf

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