René Grousset H Hi is st to oi ir re e d de e l l’ ’A As si ie e 2 1CHAPITRE PR

René Grousset H Hi is st to oi ir re e d de e l l’ ’A As si ie e 2 1CHAPITRE PREMIER - LE CONTINENT ASIATIQUE ET LA GEOGRAPHIE HUMAINE Formation du continent asiatique L’Asie qui est le plus étendu et le plus massif des continents (44.500.000 km2) n’a été constituée dans ses grandes lignes que vers l’ère tertiaire. Aux époques antérieures nous ne voyons s’affirmer encore qu’un certain nombre de«faîtes» ou «môles» apparus sur la périphérie du tracé actuel: au nord le «faîte sibérien» ou de 1’Angara, attesté dès l’époque algonkienne et qui pendant l’ère secondaire s’élargit en un vaste continent sino-sibérien, charpente de la future Asie; au sud, le «continent de Gondwana» qui réunit longtemps l’Inde péninsulaire à Madagascar. Entre ces deux masses émergées s’étendait une Méditerranée asiatique, la «Thétys» des géologues qui, largement étalée pendant toute l’ère secondaire, couvrait encore à l’oligocène l’Asie Mineure, l’Iran, l’emplacement de l’Himalaya, la Birmanie et l’Insulinde. Au miocène la régression de cette mer et la surrection des chaînes alphimalayennes, courant en Asie du Caucase aux arcs malais, soudèrent le môle sino- sibérien à l’Inde péninsulaire, créant ainsi le continent actuel. p006 A la fin du tertiaire, à la phase sarmatienne, la configuration de l’Asie s’esquisse donc dans ses grandes lignes. Il restera à assécher la lagune aralo-caspienne qui réunissait alors le lac Balkhach à la mer Noire, à assécher aussi la Manche syro-iranienne qui séparait de l’Asie le plateau d’Arabie, et par ailleurs ce ne sera qu’au quaternaire que l’effondrement de la fosse érythréenne coupera l’Arabie de l’Afrique. Au quaternaire il faudra de même que l’effondrement de l’Egéide disjoigne l’Anatolie d’avec les Balkans; il faudra que le Tigre et l’Euphrate, le Gange et le Brahmapoutre, 1 Collection «Que sais-je?»; Paris: Presses Universitaires de France, 1944. 3 le fleuve Jaune et ses doublets comblent de leurs alluvions les anciens golfes destinés à devenir grâce à eux la terre nourricière de la civilisation assyro-babylonienne, de la civilisation indienne, de la civilisation chinoise. Haute Asie et plaines alluviales Ainsi constitué, le continent se trouva groupé autour d’un énorme massif central — la Haute Asie — dont l’étage le plus élevé (au-dessus de 5.000 mètres) est le plateau du Tibet que flanquent au sud l’arc de cercle de l’Himalaya, au nord les arcs de Kouen-lun et de l’Altyn-tagh. Les hautes terres se poursuivent à l’est par les chaînes de la Chine occidentale, monts Ts’in-ling et Alpes du Sseu-tch’ouan; elles se prolongent au nord et au nord-est par le socle de l’Asie Centrale sur lequel se dressent les T’ien- chan, puis l’Altaï, le Khangaï et les autres chaînes mongoles jusqu’au Grand Khingan. Au sud-ouest enfin, sur l’autre versant du plateau de Pamir — le Toit du monde —, une altitude moyenne de 1.000 mètres se maintient encore sur le plateau d’Iran, puis, par delà le nœud p007 du massif arménien, sur le plateau d’Asie Mineure. Ces hauts plateaux soumis, du moins en Mongolie et en Asie Centrale, à un climat aux oscillations extrêmes, restent, dans leurs parties les moins stériles, voués à une végétation de steppes qui ne peut convenir qu’à l’élevage. La Haute Asie, dans ses cantons encore habitables, ne peut nourrir qu’une population de pâtres nomades transhumant à la suite de leurs troupeaux et maintenus de ce fait à un stade culturel assez primitif. En contraste avec cette haute zone centrale, la périphérie nous offre un certain nombre de basses plaines alluviales prédestinées à la vie agricole, celles que nous énumérions tout à l’heure: dans le nord-est de la Chine la Grande Plaine du fleuve Jaune que prolongent les terrasses de lœss du Chan-si et du Chen-si; en Indochine la plaine du bas Mékong; au 4 sud de l’Himalaya la plaine indo-gangétique; enfin au sud-ouest du plateau d’Iran, la Mésopotamie et la Susiane. Peut-être à cette énumération faudrait-il ajouter, en Asie Centrale, les dernières bonnes terres du bassin du Tarim, ce Nil ou cet Euphrate moribond dont les affluents depuis l’époque historique n’alimentent plus qu’un chapelet d’oasis en voie de desséchement. Asie désertique et Asie des moussons Nous touchons ici à un fait qui conditionne toute l’histoire du peuplement humain en Asie, celui de la «saharification» progressive de toute la région centrale. Si nous laissons de côté la Sibérie, qui, toundra ou taïga, est dominée par la présence ou le voisinage du cercle polaire, l’Asie au point de vue climatique se divise en deux zones présentant entre elles un contraste absolu: d’une part, dans p008 les bassins sans écoulement du centre, une zone de sécheresse vouée à la saharification; d’autre part, sur les terres baignées ou influencées par l’océan Indien depuis la mer d’Oman jusqu’à la mer de Chine, un régime tropical avec ruissellement des pluies estivales de mousson. La mousson en saison chaude fait sentir sa fécondante action diluvienne sur les trois quarts de l’Inde, l’Indochine, l’Insulinde, la moitié de la Chine et sur l’archipel japonais. Au contraire la Mongolie, les deux Turkestans et une partie de l’Iran relèvent du climat désertique. En Iran comme au Turkestan chinois la culture ne pourra être qu’une culture d’oasis, de cités-jardins, réfugiée le long des derniers cours d’eau vivants ou au versant encore humide des montagnes. Le bassin supérieur du fleuve Jaune du côté de l’Ordos, celui de l’Indus inférieur vers le désert de Thar, celui de l’Euphrate en Mésopotamie occidentale représentent, comme le Nil en Afrique, autant d’oasis-galeries pratiquement limitées au cours même du fleuve ou de ses canaux de 5 dérivation au milieu d’un paysage étranger de steppes ou de déserts. Au sud-ouest une place à part doit être réservée, en Anatolie et en Syrie, à l’étroite bande littorale, riviera de cultures méditerranéennes qui reproduit le facies bien connu du paysage hellénique, toscan ou provençal. Asie sédentaire et Asie nomade Comme on le voit, les terres à vocation agricole, celles où devaient se développer les grandes civilisations sédentaires, civilisation chinoise, civilisation indienne, civilisation mésopotamienne, se trouvent dispersées sur la périphérie, séparées entre elles par la masse énorme de la Haute Asie, de ses plateaux p009 hostiles, de ses steppes. De cet isolement provient sans doute le caractère original des trois ou quatre grandes civilisations précitées qui ont dû chacune se développer en vase clos (encore que les nécessités d’une vie agricole semblable y aient suscité des institutions et conceptions parfois assez analogues). Il s’est ainsi constitué dès la protohistoire un «Orient classique» qui se présente à nous comme un tout parce que d’une part la Mésopotamie a infiniment plus de communications avec la zone méditerranéenne (Syrie et Anatolie) et avec l’Egypte qu’avec l’Inde ou la Chine, parce que d’autre part l’Iran, bien que dominant l’Indus du haut des vallées afghanes, regarde et «descend» bien plutôt, par les cols du Zagros, vers Babylone ou Baghdad. Il existe avec non moins de netteté un milieu, presque un continent indien où la barrière de l’Himalaya et la communauté du climat tropical enferment ensemble et font fusionner plaine indo- gangétique et plate-forme du Dékhan. Et il existe enfin un monde chinois encore plus isolé de tout le reste, qui regarde à l’opposé de l’Asie Antérieure et du monde indien et qui ne communique avec l’un et avec l’autre qu’au compte-gouttes par les longues pistes de caravanes étirées des cols du Pamir au Kan-sou à travers les oasis du Turkestan oriental. 6 Cependant les vieilles civilisations agricoles et sédentaires de l’Asie Antérieure, de l’Inde et de la Chine restaient surplombées par la Haute Asie. Les pauvres tribus de pâtres nomades qui parcouraient l’immensité des steppes entre la Muraille de Chine et les portes de l’Iran voyaient s’étendre à leurs pieds les richesses de Tch’ang-ngan ou de Pékin, de Delhi ou de Bénarès, de Baghdad ou de Constantinople. La ruée centrifuge de ces nomades vers tous ces objectifs de pillage, en créant les p010 premiers empires extra-régionaux, provoqua aussi les premiers brassages de civilisations. C’étaient les plaines littorales qui avaient créé les vieilles civilisations asiatiques. Ce furent les empires de la steppe qui inconsciemment mais sûrement assurèrent un contact durable entre ces diverses cultures originales et se trouvèrent finalement conférer ainsi à l’histoire de l’Asie son unité. CHAPITRE II - LES ANCIENNES CIVILISATIONS DE L’ASIE ANTERIEURE La Mésopotamie archaïque: Sumer et Akkad Le paléolithique le mieux représenté de l’Asie Antérieure est jusqu’ici celui de Palestine. La Palestine possède aussi une culture mésolithique locale, le natoufien (vers 12000 av. J.-C.?), et une culture énéolithique propre, le tahounien. Plus à l’est la plus ancienne culture jusqu’ici découverte est une culture néolithique, remontant sans doute au Ve millénaire, la culture dite pré-Obeid qui est représentée en Iran (dernières fouilles de Tépé-Hissar près de Damghan et de Tépé-Sialk près de Kachan) et en Haute Mésopotamie (fouilles de Tell-Halaf sur le Khabour). Vient ensuite dans les mêmes régions la culture d’Obeid (entre 4000 et 3400?) qui dut avoir, 7 elle aussi, son centre de dispersion en Iran (Tépé-Giyan près de Néhavend, Persépolis, etc.) et en Susiane Tépé-Moussian, Suse I), mais qui se répandit également en Basse Mésopotamie où elle est notamment attestée à uploads/Geographie/ grousset-histoire-de-l-asie.pdf

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