IISMM - KARTHALA Coll. Terres et gens d’islam Michel Boivin L’âghâ khân et les
IISMM - KARTHALA Coll. Terres et gens d’islam Michel Boivin L’âghâ khân et les Khojah Islam chiite et dynamiques sociales dans le sous-continent indien (1843-1954) Collection Terres et gens d’islam (IISMM) dirigée par Bernard Heyberger et Nathalie Bernard-Maugiron Le sous-continent indien réunit la plus importante communauté musulmane du monde. Majoritaires au Pakistan et au Bangladesh, les musulmans forment également la deuxième communauté religieuse de l’Inde. Entre le milieu du XIXe et la fin du XXe siècle, ils ont été soumis aux profonds bouleversements que la région a connus : la colonisation britannique, le développement des nationalismes et, enfin, l’indépendance avec la partition de l’empire des Indes. Cet ouvrage analyse comment les Khojah, un groupe de musulmans chiites ismaéliens, ont fait face à ces défis majeurs. Majoritairement établis dans le Sindh, aujourd’hui situé au Pakistan, les Khojah étaient répartis en un ensemble disparate de castes, jusqu’à l’arrivée en 1843 d’un chef religieux, l’imâm des chiites ismaéliens, connu sous le nom d’âghâ khân. La majorité des Khojah accepta l’autorité de l’âghâ khân. Après avoir subi des défections en leur sein, surtout des conversions au chiisme duodécimain, ils formèrent une communauté à peu près homogène. Dominés par des groupes de marchands, les Khojah surent largement profiter de l’essor économique impulsé à Karachi par les Britanniques. Sur le plan religieux, leur identité était ouverte aux autres traditions religieuses, jusqu’à en intégrer certains éléments. En 1947, la création du Pakistan, un État créé pour les musulmans des Indes, remit en cause cet équilibre. D’autant que dix ans plus tard dis- paraissait le troisième âghâ khân, Sultân Muhammad Shâh (1877-1957), qui avait été imâm pendant plus de soixante-dix ans. Face à l’islamisation progressive des lois au Pakistan, les Khojah durent réadapter leur tradi- tion religieuse pour être plus en phase avec la nouvelle norme islamique. Simultanément, le nouvel âghâ khân, Shâh Karîm, mit en œuvre un pro- cessus de globalisation pour intégrer toutes les composantes de ses fidèles, y compris ceux des pays arabes ou d’Asie centrale. Et malgré la radicalisa- tion islamique que connaît aujourd’hui le Pakistan, les Khojah demeurent une communauté puissante et respectée, mais en même temps fragile. Ce livre montre comment l’islam peut s’adapter aux cultures locales et, inversement, comment un groupe particulier peut assimiler les nou- velles interprétations de l’islam. Michel Boivin est historien et ethnologue, directeur de recherche au CNRS, affilié au Centre d’études de l’Inde et de l’Asie du Sud à l’EHESS. Il enseigne à Sciences Po Lyon ainsi qu’à l’Université catholique de Lyon. Ses travaux portent sur les musulmans du sous-continent indien, du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Après avoir consacré plusieurs années de recherche aux ismaéliens, il étudie à présent la culture soufie dans le même contexte histo- rique et géographique. ISBN : 978-2-8111-0958-5 Michel Boivin Lâghâ khân et les Khojah Islam chiite et dynamiques sociales dans le sous-continent indien (1843-1954) KARTHALA 22-24, bd Arago 75013 Paris IISMM 96, bd Raspail 75006 Paris À celle qui partage ma vie depuis près de trente ans, pour la patience dont elle a fait preuve lors de nos mois passés à Karachi, et dans bien d’autres circonstances. À elle je dédie ces pages. Remerciements Ce livre est une version remaniée d’une thèse d’habilitation soutenue à l’université Paris X-Nanterre sous le parrainage de Raymond Jamous. Toute ma gratitude va à ce savant. Je remercie également mes collègues qui ont accepté d’être membres du jury et dont les conseils avertis me furent des plus utiles : Catherine Mayeur-Jaouen, Gilles Tarabout et Thierry Zarcone. Une mention spéciale doit être faite de Catherine Servan-Schreiber, également membre du jury, qui m’a conseillé pour réviser le manuscrit, et qui me témoigne une amitié précieuse depuis de longues années. Ce travail résulte largement de données orales qui ont été accumulées au cours d’entretiens principalement conduits dans les années 1997-1998. Je suis grandement reconnaissant envers mes informateurs Nûr al-Dîn Bakhsh (m. 2000), Sher‘alî ‘Alîdînâ (m. 2004), Ghulâm ‘Alî Allânâ, Mahbûb ‘Alî Khojah, Hâshim Moledînâ, Navin Ghulâm Hayder, Kishinchand Bharwânî, Shâhâb al-Dîn Gwâdarî et Mumtâz ‘Alî Tâj al- Dîn Sadik ‘Alî (Mumtaz Tajddin). Ce dernier a joué un rôle clé dans cette recherche en m’introduisant auprès de la plupart de mes informateurs. À eux vont mes remerciements les plus chaleureux. À Londres, je remercie également Farhad Daftary, co-directeur de l’Institute of Ismaili Studies. Mes remerciements vont enfin à Zawahir, Martin Moir et Piyarali Jiwa dont la disponibilité et la générosité m’ont permis de prendre connais- sance de textes d’accès difficile. Translittération Le système de translittération a été réduit aux voyelles longues et brèves. Dans le glossaire, on trouvera les termes techniques voyellisés d’après le sindhî standard adopté par Permanand Mewaram dans son Sindhî-English Dictionary (Mewaram 1910), y compris quand ils existent en arabe, persan, ourdou ou gujarâtî. Pour mariage, on trouvera par exemple mendî (sindhî) et non menhdî (ourdou). Dans le texte par ailleurs, les noms de lieux ne sont pas translittérés. Certains termes ont enfin été rendus dans l’orthographe qu’ils ont dans le français commun (ismaé- lisme, chiisme, etc.). Sigles et abréviations a arabe EI2 Encyclopédie de l’islam, 2e édition g gujarâtî IGI Imperial Gazetteer of India, édition électronique IIS Institute of Ismaili Studies IOL India Office Library ITREB Ismaili Tariqa Religious and Education Board k kutchî ka kâthîâwârî kh khojkî KSIAJ Khojah Shia Ithna Ashari Jamat NGOSP Non Government Organizations Support Project NWFP North West Frontier Province, la Province frontière du Nord- Ouest au Pakistan o ourdou p persan RNTD Register of non-testamentary documents s sindhî sa sanscrit Carte 1 Le sous-continent indien en 1947 Carte 2 : Le Sindh Introduction Ce travail propose une étude historique des âghâ khân1 et des Khojah sur une période qui s’étend de 1843 à 1954. Il se focalise sur la province du Sindh, aujourd’hui située au Pakistan, où se produisit la rencontre – puis la confrontation – entre ces guides religieux venus de Perse et un ensemble de castes du nord-ouest du sous-continent indien. Les âghâ khân sont des personnalités connues en Europe depuis près d’un siècle. Sans qu’on sache forcément qui ils sont vraiment, on les voit comme de richissimes personnalités passionnées de turf, qui apparaissent régulière- ment dans les magazines consacrés aux familles royales d’Europe. Les Khojah sont moins connus en dehors du sous-continent indien. En Inde et au Pakistan, ils sont assimilés de nos jours à une communauté musulmane de commerçants prospères et très organisés. Cette histoire coïncide avec l’apogée de la colonisation britannique. Même s’ils restent au second plan, le rôle joué par les Britanniques sera ponctuellement crucial. Cette triple rencontre se situe par conséquent à l’intersection de plusieurs histoires. Au niveau local, les Khojah ont été 1. Âghâ khân, ou aga khans sous la forme européanisée, est un titre honorifique octroyé par le souverain de Perse Fath ‘Alî Shâh à Hasan ‘Alî Shâh, le quarante- sixième imâm des chiites ismaéliens en 1818. Bien qu’à l’origine il n’ait rien de religieux, il sera peu à peu employé comme équivalent d’imâm, avant de devenir un nom patronymique. Rappelons également que le terme imâm est ici employé dans sa signification chiite. L’imâm est un « guide divin » qui est le successeur direct du premier imâm ‘Alî, cousin et gendre du prophète Muhammad. Pour les chiites, l’imâm est doté de pouvoirs surnaturels et il a succédé au Prophète comme chef spirituel de la communauté musulmane. Les chiites se divisent en plusieurs branches. Les chiites ithnâ ‘asharî ou duodécimains ne reconnaissent que les douze premiers imâm et ils attendent la parousie du douzième qui est en occultation. Les ismaéliens sont les seuls chiites à reconnaître un imâm vivant. Pour plus de détails, voir Michel Boivin, Les Ismaéliens d’Asie du Sud. Des communautés musulmanes entre islamisation et indianisation, Türnhout (Belgique), Brepols, 1998. L’ÂGHÂ KHÂN ET LES KHOJAH 14 des acteurs de premier plan dans le développement fulgurant de Karachi comme centre économique. Au niveau du sous-continent indien, l’histoire des Khojah s’inscrit dans les trois phases de la colonisation, du nationa- lisme et de la partition. Au niveau mondial enfin, les Khojah illustrent la dynamique de la voie intégrative de l’islam. Pourquoi choisir comme sujet les âghâ khân et les Khojah ? Et pourquoi se concentrer sur le Sindh ? L’origine de ce travail se situe dans le prolongement d’une thèse qui a été consacrée à la rénovation du chiisme ismaélien d’après les discours et les écrits de Sultân Muhammad Shâh Âghâ Khân (1877-1957)2. Le troisième âghâ khân a été imâm de 1885 à 1957, soit sur une longue durée et pendant une période cruciale de l’histoire du sous-continent indien. Il avait lui-même contribué à l’émer- gence du nationalisme musulman, et avait connu les dix premières années du Pakistan. Sultân Muhammad Shâh fut un réformateur dans le sillage de Sayyid Ahmad Khân3 et de l’école d’Aligarh. Il se démarqua cependant de ses pairs en tant que guide divin d’une communauté, les Khojah4. On pouvait donc penser que la communauté de ses disciples avait pu consti- tuer un laboratoire pour la mise en œuvre de sa politique réformatrice. Comment avaient réagi les uploads/Geographie/ l-x27-agha-khan-et-les-khojah-coll-terres-et-gens-d-x27-islam.pdf
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- Publié le Sep 23, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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