Chapitre VU La fin d'Ugarit 1} Les« Peuples de la Mer ») Une situation de crise

Chapitre VU La fin d'Ugarit 1} Les« Peuples de la Mer ») Une situation de crise marquée par des disettes, des troubles intérieurs et les attaques de bandes incontrôléessorties des zones montagneusesdu nord de l'Anatolie (les Gasgas et les MuSki1), ou de ceDes du ijanigatbat (les SubriuIHoulTites), de la steppe syro-mésopotamienne (J~s AblamulAraméens) ou des « pays du nord et de la mer », explique sans doute J'effondrement brutalde l'empirehittite, la ruined'Ugarit et de bien d'autres cités et royaumes.Le seul texte expJicite,bienque bref:sur ces événements.ou plutôtsur leur aboutissement,est la grande inscription hiéroglyphiquedu templede Medinet Habu érigé par RamsèsllJ pour commémorerles victoires qu'il se vantait d'avoir remportées contre les envahisseurs en l'an VIll de son règne (1180 ou 1175 avJ.C.). Dans ce « communiquéde victoire» le pharaon faisait la liste des pays détruits par « (les hommes) des pays étrangersqui avaient comploté (ou: fait une alliance) dans leurs îles}>: Hatti, Qode (TarbuntaJa. Cilicie et Syrie du nord 1), Karkemi~,Arzawa (Yercth) et AlaSiya(Yeres), dont « aucun n'avait pu résisterà leursbras». Les « peuplesconfédérés» comprenaientles PeJeset(philistins), les Tjekker, les Sekeles(cettejuxtaposition rend difficile]' identificationdes deux termes qui est souvent admise)$les Sardanes,lesWe~~ ( 1) et les Denyen(Danaoî?). Ugaritne figurepas parmi les pays détruits mais les termes choisis par les scribes du pharaon avaient un caractère englobant Le royaume d'Ugarit était certainementinclusdans l'énigmatique « paysde Qodc» t. La tendancede l'archéologie contemporaineest, par réaction cÇ)ntre les excès commis en ce domaine depuis Maspéro,de limiter le plus possible le rôle des mouvementsde peuples et des invasionsdans l'explicationdes phénomènes observés sur les nombreux sites des pays égéens$de l'Anatolie et du Levantoù ont été mises à jour qes couches de destruction~souvent épaisses, datées de la fin de l'âge du Bronze,des dernièresannées du XlIIèmesiècle ou des premièresdécenniesdu XIIème siècle avant notreère. Drewsa développé avec vigueur des hypothèses radicales aUantdans ce sens. La.modification des annementset des méthodesde combatauraien~d'après lui,joué Je principalrôle dans lesphénomènes observés.Admettantque des assaillantsde diverses origines étaient mentionnéset représentés sur les mursde MedinetHahu , il chercheà réduire leur importanceen en faisantde simples bandesde pkates Îssuesde Sicile (Sekele.çet Tjekkerétant deux formes du même ethnonyme),d'Athènes (les DanunaIDanaoi)et de Canaan (les Philistins). Les femmes et les enfants représentés sur des chariots ne feraientpas partie d'un groupe de migrants mais seraient des fuyards capturés par les Egyptiens dans la populationsemi-nomadede la région(les Shasu),ce que le con~te rend peu crédible:!. Vandersleyenest allé plus loin en déniant à peu près toute valeur auxtèxtes de Medinet Habu et en ignorantles donnéesarchéologiques.Poursuivantses dénégationsconcernantKaptara et Altiiya (dont le nom, comme celui de l'Arzawa, serait absent dans l'inscription de l'an vrn de Ramsès Ill), cet auteur voit dans le ijatti, auquel le pharaon Merneptahenvoie du blé en l'an V et dans celui figurant parmilespaysayant succombéaux coupsdes envahisseursà MedinetHabu une peupladede Palestine. Les «iles » qui sont le point de départ des « ennemis du nord sortis de la mer ». seraient les îles du delta du Nil et un doute est émis sur la localisationde Karkenm, ville ou pays qui est cité dans le texte, qui pourrait être une autre localité que la cité de l'Euphrate,alors que «p3 y'm })qui apparaît dans ce mêmecontextene désigneraitpas la mer, etc.3. Les Ougaritologuesont en général adopté des positions plus nuancées et cberché à faire la part de la «causeextérieure»,l'invasionbrutal~jugée« àmonsens convaincante»par Liverani,et descauses internesà rechercherdans l'évolution d'une société qui aurait été en crise du fait mêmede.sa structure 1Edgenon,Wilson. 1936,YB.passim; Faulkner, 1975,241-244; Barnett,ibid., 371-378; Cifola, 1988.275-306; Grandcl, 1993,182-207;Noort. 1994.56-83; Lebmann,J995. 1-38; HeJck.~1995.224-234: 1J9958,110-123; Redford,inOren(éd..) 2000,1-19 j O'Connor, ibid..85-101;Osing.2003,315-320 1Drew$,J993.48-13etpassim;2000. 161-190 ) Vandersleyen.1995,599-604; sur la question de 'w30 w,' ( « le grand vert» ou la« grande bleuc)). d'où sortaientles envahisseurs. qui ne scraitjamais la mcr scIon Vandersleycn. 1999. passim; et: la réfularion de Kitchen. 2000. 124-138 économiqueet sociale.La populationvillageoiseaurait été écrasée par le poids excessif que faisaient peser sur elle les exigences d'une petite classe de privHégiésgravitant autour du palais et d'une minoritéurbainedépendant largementde celui-ci". Les dernières recherches archéologiques ont montré, semble-t-il, que 6anusa et Ugarit avaient été abandonnéesavant d'être partialementou totalementdétruitess. II paraît cependant difficile de croire. si des famineset des dissensions intestinesavaient été la cause de leur fuite que les habitants de ces cités ne soient pas revenus après ta fin des troubles et n'aient pas reconstruit teurs maisons et leurs temples.Les destructionsbrutaleset lestraces des vi.olentsincendiesqui ont été observées ont été plus probablement la fait d'envahisseurs que le résultat de guerres civiles. On sait que l'idée d'w1 «Staatsstreich» entrepris au cours du règne de TutbaJiyaIV par son cousin Kurunta, le roi vassal ie TarbuntaSsa, n'a puêtre prouvéeet est abandonnéepar les spéciatistes6.La difficultéest de reconnaître les nouveaux groupes humains qui se sont installés cn Anatolie centrale et en Syrie lors de c~s événements.La présencede tessons de vases appartenantà la céramique de PHelladique Récent IIIC1 à Ras Ibn Hani et à Ras Shamra' ainsi que l'installation des Philistins sur la côte de Canaan, pays auquelils léguerontleur noms,et celle d'autres groupes des « Peuples de la Mer)} sur divers pointsde la côte « phénicienne», foumissent des indications sur les changements survenus dans le caractère ethniquedes populationsde ces régions et sur la reprise du trafic, qui n'a pas tardé dans les ports au témoignagedes textes égyptiens. Le renouveau des activités maritimes et commerciales a été ~suré par lesancienset les nouveauxhabitantsdont la fusiona été apparemmentrapide9.On sait aussi qu'en Syrie intérieure«Hittites» et Araméens,souvent mêlés là aussi, ont formé la base du peuplementau débutde l'âgeduFeretquelespremiers finirontplusou moinsrapidement parêtreassimilésparles seconds 1°. En Asie mineure l'évolution a été moins nette. Les populations louvites ont continué à occuper une vastezone allant du sud-ouestau sud-estet à l'est de la péninsulealors que la région centraIedu ijatti restait en partie vide ou parcourue par des « barbares» semi-nomades qui ont laissé peu de traces. Elle ne serade nouveaudensémentpeuplée par les Phrygiensvenus de l'ouest que plusieurssièclesaprès ta chute de {JattuSa 11. Alorsque la documentationfournie par les textes de Bogamôy est déce,pantecn ce qui concerne les « Peuplesde )aMer » et les événementsqui ont précédé la chute de la capitalehittite et l'effondreme.:.t de la structurepolitiqueet administrativedu royaume, les textes d'Ugarit sont beaucoupplus riches et les seuls,avec les inscriptionset les papyrus égyptiens, à fournir des renseignementsconcrets sur les prodromeset le déroulementde la erise qui a emporté )acité et l'empire auquelelle était unie, le ijatti. Onacruquel'inscription duSüdburg. àijattüSa,avaitquelquechoseà nousapprendre encedomaine. Pourson éditeur7 Hawkins,elle aurait été gravéeafin de magnifierles exploitsguerriersdu roi Suppiluliyama(II), en particuJicrla.conquêtepar ce dernierdu.royaumevassal de TarbuntaSsadevenu hostHel2.A la su.ited'Hoffnerl3, Singer a suggéré que la campagne supposée menée au pays de Tarbuntassa n'était pas dirigéecontre le cousin du GrandRoi mais contre les avant-gardes des {(Peuplesde la Mer» et que le succès de Suppiluliyamasurie continent avait été parachevé par ses victoires sur les flottes ennemies et son débarquement à Alasiyal4. Il faut vraisembJablement abandonner cettereconstruction des faits et l'idée que Tarbun~~a ait été le premierobjectifdes envahisseurs. Melchert a en effet montré qu'aucun des tennes bien connus utilisés dans les 4Livcrani, 1995, 113-117 S Schaeffer, Ug.V, 1968, 607-168; Yon, 1992, 111-122: I.i\'crani, 1995a, I14-tl1(Ugarit): Neve. 1987. 38]-41/; Singer. 2000, 21-33; Secher, 2001. 623-634 ; IGengel, 2002, 107-109 (ijauusa) 6Neve,1987,401-404; Olten. 1988.3-6; cf. Bryce. 1998.3S4-3SS; Klcngcl,1999.296-297 7 Lagarcc,1988,137-169;Caubcl. 1992, 123-131; 2000.35-49; HofTner.1992,46-52; Von, 1992, 111-122: Monchambcrt, 1996,45-46 aDotban. T; Dothan M., 1992. pa.\"Sim;Singer, 2000, 21-33 9cr.I'Onom&1icon d'Amcncmopc. Gardincr.1947, 19055(nos 257-260) IDHawkins, 1982. CAI-IIIU1, 372-441 Il YaIœr. 1993.3-28 12l-1awkins,1995. passim. cn particulier pp.l-65 13HofTner, 1992, SO-Sl 1..Singer. 1996,70-71 : 2000, 21.33. pp.26-27 et 31 inscriptionshiéroglyphiquespour décrire une expédition guerrière DCse retrouvait au SüdburglSalors qu'ils étaient présents et prédominantssur celle de Yalburt qui faisait le récit de IJexpéditionmenée par TuttJaliya IV, le père de Suppiluliyama, dans\(e lointain pays de Lukk~ au sud-ouest de l'Anatoliel~. A Ugarit, au contraire, la mention de l'un des « peuples)}que connaissent aussi les textes égyptiens, celui de Sikila,permet de dater les débuts de la crise dans les régions situées au nord de l'Egypte. On sait que le GrandRoi hittite,dans une lettreadressée« gouverneur» de la cité avertissaitcelui-ci qu'il avait envoyé son /cartappu(commandantdes chars),Nergaili (=Nerikkaili), à Ugarit afin d'enquêter sur le cas d'un certain lbnadusu (peut-être un espion) que tes « Sikila qui vivent sur leurs navires)} avaientpris.Ce messagelT a été écritpendantla régencedu roiAmmurapiUet doitêtre à peuprès contemporainde l'assaut mené par les Libyens et leurs alliés, des hommes du nord, sortis de la mer, 'dont faisaient partie les Sekele~/Sikila, contre le pharaon Merneptah en l'an V de son règne (1209/1208.av,J.C.)18.Le fait que le souverain de l'Egypte ait expédié à la même époque une cargaisonde grainsau ijatti expliquesans doute en partie le développementde la crise à la finde l'âge du Bronze. Une péjoration climatique ou la succession accidentelle de mauvaises récoltes a probablement encouragé des élémentsguerriersdisposantde moyensnavalsà entreprendredes raids contre tes riches cités du Levant et contre l'Egypte. Or plusieurs des {(peuples» dont l'action était dénoncéepar le pharaon et, indirectement,par le roi hittite, puis plus tard par les rois d'AlélSiyaet d'Ugari~ étaient présents depuis longtemps dans le bassin oriental de la Méditerranée. Le cas des Shardanes,les Lukka mis à part, est le plusévident. Leurs raids contre le delta troublaient le repos des habitants de la Basse-Egypte au débutdu règnede RamsèsIl. Pharaonlesavaitvaincuset avaitfait d'une partie d'entre eux un corps d'élite de son armée, uploads/Geographie/ la-fin-d-x27-ugarit.pdf

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