UNIVERSITE DES SCIENCES HUMAINES DE STRASBOURG INSTITUT DE SOCIOLOGIE Le partic

UNIVERSITE DES SCIENCES HUMAINES DE STRASBOURG INSTITUT DE SOCIOLOGIE Le particularisme des Juifs de Grèce durant la déportation L’image de ce groupe auprès des autres déportés Mémoire de maîtrise de sociologie Présenté par Erika Perahia Zemour Dirigé par Prof. Freddy Raphaël Deuxième lecteur : Mme Geneviève Herberich-Marx Année universitaire 1997/98 2 Remerciements Je voudrais remercier ici tous ceux qui ont permis la réalisation de ce travail. Plus particulièrement, je voudrais remercier Le Prof. Freddy Raphaël et Mme Herberich-Marx pour leurs encouragements et leurs observations. M. Thanassekos, directeur de la « Fondation Auschwitz » de Bruxelles, ainsi que tous ses collaborateurs pour leur aide précieuse. Toutes les personnes qui ont accepté d’être interviewées, pour leur confiance, leur accueil chaleureux, leur gentillesse et le temps qu'ils m’ont accordé. La famille Estela-Mourgiannis et Mlle Cryssanthakopoulou, mes amis de Bruxelles, qui m’ont accueillie chez eux durant mes multiples séjours dans leur ville. Sarah Benveniste et Jochen Reitnauer qui ont bien voulu discuter, critiquer et m’aider dans les différentes étapes de mon travail. Mais aussi, et surtout, mon compagnon Sami Taboh pour son aide morale et concrète, mes enfants que j’ai un peu négligés et mes parents qui, de loin ont suivi mon travail et m’ont aidée. 3 Sommaire Première partie 1.1. Introduction 1.2. Le contexte 1.2.1. Les travaux précédents 1.3. Construction d’une problématique 1.3.1. Historique 1.3.1.1. La position des Juifs de Grèce durant la montée du fascisme 1.3.1.2. L’attitude envers les Juifs dans les pays de l’Europe occupée 1.3.1.3. Typologie par rapport à l’identité nationale 1.3.2. Le « paradoxe » grec 1.4. Concepts et théories 1.4.1. Les hypothèses 1.4.2. Élaboration du guide d’entretien 1.5. Approche méthodologique 1.5.1. Une approche qualitative 1.5.2 Les sources 1.5.3. Chronologie de la recherche 1.5.4. Constatations sur le terrain 1.5.5. Transcription et analyse des entretiens Deuxième partie 2.1. La représentation des Grecs dans le discours des « autres » 2.1.1. Les Grecs vus par les Allemands 2.2. Les Grecs vus par les autres déportés Présentation de la population Les circonstances dans lesquelles les témoins ont connus ou entendus parler des Juifs Grecs 2.3. Les thèmes abordés 2.3.1. Comment les témoins situent les Juifs de Grèce 4 2.3.2. Comment les Grecs sont perçus par le témoin et/ou par son groupe a) la différence entre Séfarades et Ashkénazes b) la « débrouillardise » des Juifs grecs 2.3.3. Commentaires et appréciations sur les Juifs grecs au camp 2.4. Analyse thématique transversale 2.4.1. La représentation de soi et de l’autre 2.4.2 L’imaginaire social 2.4.3 La langue, facteur de différenciation 2.4.4. L’image des Grecs au camp 2.5. Analyse partielle du discours 2.5.1. La différence entre hommes et femmes 2.5.2. Le discours des Juifs résistants 2.5.3. Appartenance nationale 2.5.4. Les Juifs vus comme entité nationale solidaire 2.6. Limites 2.7. Conclusion 5 Première partie 1.1. Introduction Ce travail représente pour moi la suite logique de mon mémoire de licence en sociologie. Ce qui m’a incité à entreprendre toute cette recherche, fut le livre que mon père Léon Perahia a écrit sur ses souvenirs d’Auschwitz. En lisant son livre, j’ai trouvé qu’il avait une image très « héroïque » de sa communauté, et un très fort sentiment d’appartenance à la Grèce. Or, l’assimilation des Séfarades de Salonique à la Grèce était beaucoup trop récente. La culture judéo-espagnole de cette communauté était encore - juste avant la déportation des Juifs - prédominante dans cette ville. La langue maternelle du temps de mes parents - et même de mon temps - était le judéo- espagnol, et la génération de mon père fut la première génération de Séfarades à apprendre le grec à l’école. L’idée, donc, que ces déportés se revendiquaient de la Grèce de manière ostentatoire et obstinée1 m’a paru absurde et incroyable. Je me suis mise alors en quête d’autres témoignages pour essayer de voir ce que les autres rescapés des camps disaient des Grecs, étant persuadée que mon père exagérait. Mais dans le livre de Primo Levi Si c’est un homme, j’ai retrouvé exactement la même image des Grecs et étant donné que Primo Levi n’était pas mon père, ni même un Grec, j’ai décidé qu’il y avait là matière à recherche. Par conséquent, quand j’ai commencé mon mémoire de licence je voulais donc comprendre ce qui a fait que Primo Levi dit des Grecs qu’ils constituaient au Lager le groupe national le plus cohérent et de ce point de vue le plus évolué.2 J’ai voulu tenter de dégager l’image que cette communauté avait d’elle même, en analysant cinq variables3 et en me basant sur des témoignages écrits émanant de Juifs de Grèce. A la fin de ce premier travail, il m’a semblé que j’avais peut-être réussi à montrer qu’au moins les hommes grecs au camp avaient une même représentation de leur groupe, mais je n’avais toujours pas réussi à comprendre les raisons de ce fort sentiment d’appartenance à la nation grecque, et je savais que j’étais loin d’avoir fini avec le sujet. J’ai donc décidé de continuer la recherche, en m’efforçant cette fois de dégager l’image que les autres se sont fait des Grecs et, éventuellement, par ce biais, réussir à mettre en évidence des différences significatives de comportement, d’attitude, mais aussi à explorer le sentiment d’appartenance à un pays, chez les déportés venant de Grèce, et les autres. J’ai essayé de trouver des témoignages sur le comportement des Juifs de Grèce, émanant cette fois de ceux qui les ont connus durant leur déportation, ceux qui auraient pu avoir quelque représentation des déportés juifs Grecs. 1 Ana Novac dans son livre J’avais 14 ans à Auschwitz, p. 174 écrit sur l’arrivée des Séfarades de l’île de Rhodes - qui par ailleurs avait une culture fondamentalement italienne - : Un transport d’Italiennes vient de débarquer. « Nous sommes des Grecques de Rhodes », nous expliquent-elles jusqu’à l’exaspération, mais qu’est-ce que cela change ? Italiennes ou Grecques ! 2 Levi P., Si c’est un homme, p. 103 3 Mémoire de licence en sociologie, année 1995/96. Les 5 variables sont : 1) L’accueil au camp, 2) la résistance morale et physique, 3) la primauté du moral sur le physique, 4) la solidarité, 5) l’appartenance nationale. 6 Dans ce travail de maîtrise qui est donc la suite du mémoire de licence, je me propose d’utiliser les sources existantes en les complétant par des entretiens avec des survivants des camps Auschwitz-Birkenau, pour trouver des éléments qui m’aideraient à dégager l’image que les Juifs de Grèce ont projetée sur leurs codétenus. J’essaierai d’abord de définir les motivations pour ce travail, en suivant mon évolution personnelle et en me positionnant dans le contexte actuel en ce qui concerne la Shoah. Si ma problématique est toujours le particularisme grec, je traiterai ici la question sous un autre angle et sous la lumière de la théorie des représentations. Un bref historique de la position des Juifs de Grèce sous la dictature fasciste de Metaxas au moment de la montée du nazisme en Europe, me permettra de faire ressortir ce que j’appelle le « paradoxe » grec. Un récapitulatif de l’histoire de la déportation des Juifs des autres pays occupés aidera à la compréhension de l’état d’esprit des déportés arrivant au camp. Les représentations étant véhiculées par le discours, c’est une recherche basée sur la méthode qualitative qui permettra de les déceler. Ainsi je privilégie les témoignages - écrits et oraux - comme source de données. Dans le chapitre « approche méthodologique » je décrirai pas-à-pas ma démarche et les difficultés rencontrées sur le terrain. Enfin, dans la partie de l’analyse des données je tenterai d’interpréter les données et j’essaierai de confronter l’image que les autres se font des Grecs à l’image que les Grecs ont d’eux mêmes. 1.2. Le contexte En me posant la question « pourquoi est-il si important pour moi de prouver que les Grecs étaient différents », ma réflexion m’a conduit au récit de mon père et à sa vision de son groupe d’appartenance, vision apparemment partagée par les autres Juifs de Grèce. J’en déduit que l’enjeu est ma propre appartenance, la recherche de mes racines et ma propre définition par rapport à ma Grèce natale. Yerushalmi dans Zakhor, parle des « Juifs perdus » et dit : L’effort contemporain de reconstruction du passé juif commence à une époque qui est témoin d’une brutale rupture dans la continuité de la vie juive, et qui voit donc également s’accélérer chez les Juifs la perte de la mémoire du groupe. En ce sens - quand ce ne serait qu’à ce titre - l’histoire devient ce que jamais auparavant elle n’avait été - la foi des Juifs perdus.4 Je pense que je fais partie de ces « Juifs perdus » parce qu’effectivement je n’ai de religion que l’histoire du peuple juif. À cela s’ajoute l’effritement, voire l’agonie du judéo-espagnol, langue qu’a véhiculé depuis des siècles la culture séfarade et qui s’éteint avec la génération de mes parents. Il s’agit 4 Yerushalmi Zakhor, p. 103 7 de la mort annoncée de ma langue maternelle, ma culture. C’est exactement ce que dit, très poétiquement, Marcel Cohen : No uploads/Geographie/ le-particularisme-des-juifs-de-grece.pdf

  • 32
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager