Le courant empirique : l’écologie urbaine de l’École de Chicago Certes, les ten
Le courant empirique : l’écologie urbaine de l’École de Chicago Certes, les tenants de l’école de Chicago, n’ont pas retenu la méthode, formelle, de Simmel, mais ont comme lui mis l’accent sur les interactions sociales. Il faut, en effet, se garder d’établir une identification et même un rapprochement avec l’écologie au sens ou on l’entend aujourd’hui, on peut juste faire un rapprochement de l’ordre de la métaphore. C’est Park lui-même, co-auteur avec Burgess de The City, qui a cadré le domaine de la discipline qu’il a fondée en précisant que « ce qui nous intéresse, c’est la communauté plus que l’homme, les rapports entre les hommes plus que leur rapport au sol sur lequel ils vivent ». Mais, compte tenu de la diversité des positions qui s’expriment dans la mouvance de l’écologie urbaine, peut-on pour encore parler d’une école ? 1) L’écologie urbaine de l’Ecole de Chicago : la ville comme distribution – naturelle –des communautés humaines dans l’espace L’exploration de la ville à laquelle nous convie l’école de Chicago n’en repose pas moins sur des principes communs qui peuvent se décliner à travers les travaux de quatre de ses principaux chercheurs : Robert Ezra Park, pour qui « le problème social est fondamentalement un problème urbain […]», alors même que la ville est « non pas […] un pur artefact, mais, en un certain sens et jusqu’à un certain point, un organisme » ; Roderick D. McKenzie, pour qui elle relève, plus radicalement encore, de l’écologie humaine définie comme « comme l’étude des relations spatiales et temporelles des êtres humains en tant qu’affectées par des facteurs de sélection, de distribution et d’adaptation liés à l’environnement » ; Ernest W. Burgess, qui analysera la croissance urbaine comme une succession de phases de destruction et reconstruction par analogie avec le métabolisme des organismes vivants ; Louis wirth, enfin, qui, se plaçant, sur un plan plus culturel, sans renier pour autant la démarche d’écologie humaine de ses collègues, fermera en quelque sorte la boucle en étudiant le phénomène urbain comme mode de vie. Si Robert Ezra Park, le fondateur de l’école de Chicago, s’est inspiré de la sociologie théorique de Simmel c’est afin de faire de la ville – Chicago en l’espèce – un « laboratoire naturel de la science sociale » pour l’étude du changement. Alors que l’histoire fera de la ville exclusivement une construction sociale, Park la considérera aussi comme un donné naturel : ville-milieu. « En un mot, écrit-il, la ville donne à voir le bien et le mal dans la nature humaine, mais de manière excessive. » Journaliste de profession, il s’attache à naturaliser le phénomène urbain pour en faire une étude scientifique. Il ne rompt pas pour autant avec le journalisme, dont l’activité scientifique est un prolongement. En quoi le comportement des hommes en société se différencie-t-il de celui des êtres vivants dans la nature ? Bien avant la vogue de l’écologie, c’est dans les années 20 que les sociologues de l’école de Chicago se sont posé la question. D’où la référence ambiguë de nos jours à l’écologie urbaine. Ces chercheurs entendaient en fait, par cette expression, étudier comment les sociétés urbaines s’accommodaient de leur environnement. C’est dans cet esprit qu’ils se sont efforcés de rechercher des régularités, sinon des lois, pouvant expliquer la répartition territoriale des populations et les processus d’adaptation mis en œuvre. Qu’est-ce que la ville ? Parmi les chercheurs ayant pratiqué l’observation-participante à Chicago et qui se rattachent à l’école qui porte le nom de cette ville, Park donne la définition suivante dans un article de 1925 ayant pour titre La ville : propositions de recherche sur le comportement humain en milieu urbain : « La ville […] est quelque chose de plus qu’une agglomération d’individus et d’équipements collectifs […]. La ville est plutôt un état d’esprit, un ensemble de coutumes et de traditions, d’attitudes et de sentiments organisés, inhérents à ces coutumes et transmis avec ces traditions. […] Autrement-dit, la ville n’est pas simplement un mécanisme matériel et une construction artificielle. Elle est impliquée dans les processus vitaux des gens qui la composent : c’est un produit de la nature et, particulièrement, de la nature humaine. » Les définitions qu’il donne se recoupent toutes pour exprimer ce double caractère, naturel sur lequel vient se greffer le culturel, que la ville présente à ses yeux : « En somme, la ville est l’habitat naturel de l’homme civilisé et, par là même, c’est une aire culturelle caractérisée par son type culturel particulier. » En bref : « Les grandes villes ont toujours été des creusets de races et de cultures. » L’étude des communautés urbaines a la particularité d’être à un carrefour pluridisciplinaire, de sorte que « la ville n’est pas seulement une unité géographique et écologique : c’est en même temps une unité économique. L’organisation économique de la ville est fondée sur la division du travail. » Division qui ne fait que s’accentuer avec le développement du commerce et de l’industrie. L’existence urbaine est, ainsi, de plus en plus placée sous l’emprise de la rationalité et l’intérêt tend à se substituer aux sentiments. La spécialisation des fonctions des individus a pour corollaire une mobilité accrue, dont la dépersonnalisation est la conséquence : « Parallèlement à la croissance des villes, observe Park, les relations indirectes, secondaires, se sont substituées aux relations de face à face, primaires, dans les rapports entre individus au sein de la communauté. » C’est, donc, dans une optique naturaliste qu’il met en parallèle la différentiation des fonctions, la division du travail et la compétition par analogie avec la lutte pour la vie du monde animal. La distribution dans l’espace des populations se fait selon des logiques qui leur sont propres mais sont, en partie au moins, déterminées par les contraintes de leur environnement. L’expression de communauté écologique liée à un type d’habitat et à ses habitants découle de cette conception des relations de l’homme à son environnement. Le même Robert E. Park, dans son article intitulé La ville, phénomène naturel (1952), a dégagé deux principes d’organisation qui structurent les communautés urbaines par analogie avec l’écologie végétale et animale (références organiciste et évolutionniste) : – La concurrence, qui contribue à produire une distribution ordonnée de la population et à assurer une fonction de différenciation et d’individuation ; – La communication, qui joue un rôle d’intégration des fonctions au sein d’une entité organique. Sur cette base, il identifie trois types d’association : 1°) territoriale : les mouvements migratoires étant à l’origine de phénomènes de destruction-reconstruction ; 2°) économique : le marché constituant le lieu central de la concurrence, préalable à la coopération ; 3°) culturelle : la ville, comme toute formation sociale, n’est pas seulement un ordre économique, mais moral et politique fondé sur la communication qui permet le rapprochement des points de vue et sa constitution en communauté. Alors que chez Adam Smith la division technique du travail est à l’origine de la concurrence, chez Park, celle-ci expliquerait plutôt la différenciation des fonctions sociales, l’individu cherchant sous la pression de la compétition à se spécialiser. De même, la nécessité de s’adapter, la lutte pour la vie, pousse à la recherche d’une localisation privilégiée permettant de mieux se mesurer aux autres dans un rapport de force. Peut-on pour autant dire que les conceptions de l’école de Chicago anticipent sur les théories de l’économie spatiale ? D’une manière générale, l’écologie humaine en considérant que c’est le milieu urbain qui est à l’origine de l’individualisme se différencie du libéralisme économique pour qui le phénomène urbain serait la conséquence d’un processus d’individuation plus général de la société. Enfin, considérant les aspects politiques de la question, il faut noter que pour l’école de Chicago la structuration de la communauté urbaine est moins le fait des institutions locales et de leur fonction de régulation que des interactions directes et indirectes des individus les uns avec les autres. Dans son article de 1925 (op. cit.), Park constate que si les relations de voisinage constituent le type de relations le plus élémentaire de la vie urbaine, dans la grande ville, il perd de sa pertinence avec la complexification de l’organisation urbaine du fait de la constitution de « colonies d’immigrants » et d’« aires de ségrégation ». En effet, « outre les transports et les communications, c’est la ségrégation elle-même qui tend à faciliter la mobilité des individus. Les processus de ségrégation instaurent des distances morales qui font de la ville une mosaïque de petits mondes qui se touchent sans s’interpénétrer. » Il n’empêche que la diversité qui caractérise le milieu urbain, explique l’attraction que la ville peut exercer malgré ses inconvénients. En ce sens elle peut aussi être un facteur d’épanouissement de l’individu. « La force à l’œuvre dans la répartition et la ségrégation des populations urbaines fait que chaque quartier peut revêtir la forme d’une région morale. » Mais parler de région morale n’implique pour le sociologue aucun jugement de valeur : « Il n’est pas nécessaire d’entendre par région morale un lieu ou un milieu forcément uploads/Geographie/ fiche-2-articles-ecole-de-chicago.pdf
Documents similaires
-
23
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 18, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1228MB