Les Chinois hors de Chine Les termes du sujet nous invitent à poser, en considé

Les Chinois hors de Chine Les termes du sujet nous invitent à poser, en considérations liminaires, une réflexion rapide sur les termes utilisés en général pour évoquer ces Chinois hors de Chine. Et à relier cette analyse à des thématiques centrales du programme : territoire, pouvoir, identité(s), migrations, acteurs (émigrés/Etat), relations extérieures, oppositions politiques, dynamiques réformatrices, etc. On a pu parler de ces expatriés en employant différents vocables qui, que ce soit en chinois, en anglais ou en français, ont tous prêté à controverse. L'utilisation du terme de diaspora - dispersion en grec - pour désigner les communautés chinoises émigrées par exemple, a pendant longtemps choqué certains esprits pour lesquels le terme ne devait désigner que les populations arménienne, grecque et surtout juive, implantées hors de leurs terres d'origine. Certes, désormais, l'expression de "diaspora chinoise" est plus fréquemment rencontrée et acceptée. Certains spécialistes estiment que la diaspora chinoise n'est pas simplement la somme des communautés chinoises émigrées de par le monde. Elle peut être distinguée à partir de quelques critères : • La diaspora est ainsi caractérisée par sa mise en réseau, ses flux et ses interactions, sa mondialisation ou transnationalisation, et sa déterritorialisation. • La diaspora est une communauté émigrée dispersée qui a une conscience propre et entretient celle-ci par le biais des réseaux qui la lient à son origine géographique et culturelle. NB : Les liens émotionnels revêtent ici une importance particulière puisque la diaspora est un produit historique et présente une forte historicité : l'identification à une forme de victimisation est très forte et détermine l'attribution du label de diaspora comme la mise en mémoire d'une origine historique, géographique et culturelle. • La diaspora peut également être définie par sa construction contre et par l'Etat-nation : en Chine, les réseaux des diasporas ont très souvent été subversifs vis-à-vis de l'Etat et de ses restrictions à la mobilité. Formées contre l'Etat, les diasporas l'étaient donc aussi par celui-ci. Comme la culture et la tradition donc, la diaspora est caractérisée par un dynamisme et un mouvement historique qui transforment des systèmes d'institution et permettent d'identifier les tendances modificatrices des structures et des organisations On parle également Chinois d'outre-mer ou, selon le terme chinois, huaqiao . Huaqiao est un mot composé, hua pouvant signifier pays, et qiao exprimant l'idée de séjour, le fait de "rester loin de chez soi de façon temporaire". Même s'il est généralement entendu que le huaqiao séjourne hors de Chine, ce "loin de chez soi" peut tout aussi bien se trouver en Chine. Un autre terme chinois, nanyang , littéralement "Océan du Sud", désigne l'Asie du Sud-Est continentale et insulaire. Mais l'acception chinoise actuelle du terme tend à ne plus désigner que les Chinois de Malaysia, Singapour, les Philippines et l'Indonésie, c'est-à-dire tous les lieux qui, hors de la Chine continentale, devaient être rejoints par voie maritime. De la même façon, les Chinois d'outre-mer ne devraient être que ces Chinois qui se trouvent outre-mer et non ceux qui résident en Asie du Sud-Est continentale. Mais la majeure partie de ces expatriés ayant migré par voie maritime, via Hong Kong au XIXème siècle, le terme reste néanmoins pertinent, même s'il n'implique pas les caractéristiques dynamiques qui sont propres aux diasporas. Aussi, le sujet nous invite à penser la récurrence des modalités, des enjeux et des conséquences qui rythme et définit les rapports entre un Etat et sa population établie au-delà de ses frontières matérielles. Les raisons profondes ayant mené à de telles migrations des Chinois hors de leur terre d'origine relèvent de la succession de multiples facteurs. Si nombre de ces facteurs peuvent être qualifiés d'endogènes (puisqu'ils sont propres à la culture chinoise et à son évolution), toutes les migrations impliquent également des facteurs d'attraction qui, eux, sont externes. I. La diaspora : temporalités, flux, modalités et territoires Mise en perspective historique : les implantations de commerçants du Nanyang en Asie du Sud-Est • Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les migrations chinoises sont le fait d’une élite marchande du Nanyang commerçant en Asie du Sud-Est. Les commerçants s’installent dans le Nord de l’Indochine dès le IIIe siècle av. J.C sous la dynastie des Huan. • Au XVe siècle, les expéditions commerciales de Zheng He, sous la dynastie des Ming, participent au développement de réseaux marchands au Nanyuang occidental et à l’implantation de communautés chinoise dans les ports de la péninsule indochinoise, de la péninsule malaise, de Sumatra, des Philippines. • Par la suite, une nouvelle poussée migratoire est provoquée par l’arrivée des Européens et par le renversement en 1644 de la dynastie des Ming par les Mandchous. Mais cette migration marchande, d’environ 2 millions de Chinois, demeure circonscrite à la « Méditerranée asiatique ». Si la Chine encourage les expéditions marchandes, elle se préoccupe peu des émigrés chinois, même lorsqu’ils sont victimes de pogroms comme en 1733 au Siam. L’empereur Qianlong (1736-1796) déclare ainsi « ces personnes ont déserté l’Empire Céleste, elles ont déserté la tombe de leurs ancêtres et n’ont cherché outre-mer que le profit, et la Cour s’en désintéresse ». Les migrations chinoises, notamment vers l'Asie, sont très anciennes, mais elles ne deviennent massives qu'au XIXème siècle. Le phénomène migratoire prend une dimension et une nature nouvelles entre la seconde ½ du XIXe et 1949 : planétaire et prolétaire. Pour X. Paulès, il s’agit d’un déplacement de population qui « change la face du monde ». Ainsi entre le milieu du XIXème et la grande crise de 1930, 15 millions d’Asiatiques quittent leur pays pour émigrer vers les possessions européennes des zones tropicales. Les causes sont à la fois internes (pression démographique, misère paysanne, agressions étrangères, perturbations de l’économie des provinces méridionales) et externes du fait du besoin de main-d'œuvre des colonies européennes, provoqué par l'expansion coloniale, mise en valeur des « Pays neufs » et l'abolition progressive de la traite (entre 1807 et 1815) et celle de l'esclavage (entre 1833 côté anglais et 1848 côté français). Ce processus est, par ailleurs, favorisé par la généralisation de la navigation à vapeur et l’ouverture du canal de Suez en 1869. Il faut néanmoins nuancer cette lecture : certaines migrations étaient destinées à des régions (en Asie du SE) qui n’avaient pas été concernées par l’esclavage africain. Et à Cuba, par ex, l’abolition est tardive : 1886. Ce qui signifie que parfois se côtoient esclaves et coolies. La mise en place du coolie trade alimente les colonies européennes d'Asie, les îles sucrières de l'Océan indien, et les plantations et mines d'Amérique latine durant toute la première moitié du XXe siècle. 1949 marque une rupture : après les départs importants vers Hong-Kong, Macao et Taïwan, territoires non contrôlés par les communistes, l'émigration ralentit fortement entre 1950 et 1980, le pouvoir communiste fermant les frontières. Quelles sont – dans les grandes lignes – les étapes et les modalités de ce phénomène migratoire en Chine ? Comment, au cœur de ce mouvement, évolue la politique migratoire du gouvernement chinois comme la gestion de ces flux par les pays concernés par l’arrivée des migrants ? A. De l’initiale méfiance à la reconnaissance d’une activité lucrative L’hostilité du pouvoir chinois à l’égard de l’émigration se manifeste dès le XVème siècle. La dynastie Ming (1368- 1644) dresse un portait particulièrement négatif des émigrés. Ce portrait est repris et accentué par les Mandchous de la dynastie Qing (1644-1911) et l’émigration reste officiellement interdite jusqu’au XIXe siècle (Edit impérial de l’empereur Kangxi de 1648 qui demeure en vigueur jusqu’en 1893). L’origine de la défiance des nouveaux maîtres du pays à l’égard des émigrés est d’abord militaire. Les provinces méridionales, foyer traditionnel de l’écrasante majorité des émigrés, sont celles qui résistent le plus fermement au pouvoir des envahisseurs mandchous. De plus, la résistance aux Qing trouve ses principaux soutiens et appuis parmi les membres des communautés chinoises d’outre- mer. Ex : Coxinga (Zheng Chenggong), lui même originaire du Fujian, bénéficia de l’aide des émigrés installés au Viêt Nam, au Siam et au Cambodge dans sa lutte pour la restauration des Ming. Après l’écrasement des foyers de rébellion, le gouvernement impérial continua de redouter les colonies chinoises d’Asie du Sud-Est, perçues comme des refuges de loyalistes. Selon la tradition confucéenne, lorsque des citoyens quittent le pays, ils sapent le prestige de l’empereur et remettent ainsi en cause l’équilibre du monde. L’émigrant est condamné au regard des conséquences que son geste fait subir à l’ensemble de la société. Il est aussi rejeté pour les raisons qui le poussent à partir. Aux yeux du gouvernement impérial, l’émigrant est guidé par l’appât du gain. Il fait du commerce avec l’étranger et s’enrichit. Or, la société chinoise place le commerçant tout en bas de l’échelle sociale, loin derrière les lettrés, les paysans et les artisans. A l’issue de la première guerre de l’Opium, l’émigré a également incarné le rôle du traître, accusé de transmettre des informations aux étrangers quand il ne se bat pas à leurs côtés. Mais avec l’ouverture « forcée » de la Chine par les puissances occidentales, le commerce des émigrants devient l’une des activités les plus uploads/Geographie/ les-chinois-hors-de-chine.pdf

  • 32
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager