Les confessions d’un loup solitaire Ou mémoires d’outre-rampe 2 Introduction L’

Les confessions d’un loup solitaire Ou mémoires d’outre-rampe 2 Introduction L’injustice est révoltante : parachuté au milieu de nulle part, rien que parce que l’on eut l’audace de remettre en question les conneries véhiculées par quelques quidams qui se prenaient pour les détenteurs d’une baraka irréprochable, d’un savoir incontestable, alors qu’ils n’étaient que de parfaits plagiaires, des marionnettes dont une silhouette tire les ficelles dans l’ombre, des fanatiques amassant des bouts de papier, nommés diplômes, se pétant les bretelles devant un public voulu docile, ignorant jusqu’à la manière avec laquelle leur ramassis fut chopé ; jeté dans la gueule du loup, l’on ne dépassât guère son gosier : cette chair se veut trop dure même pour un canidé affamé ; plaidant innocent, je ne savais pas que les jurys étaient complices, les magistrats comparses et les spectateurs charognards. Ce n’est pas l’histoire d’un détenu, allongé sur sa paillasse, maudissant son sort, ni les paroles d’un adorateur fou de la théorie du complot. Pour un esprit libre, quand ça dérange, ça démange : viennent ensuite les mots exorcisant les maux, non pas seulement les siens, mais de tout opprimé. Ce sont des souvenirs incrustés à jamais dans ma mémoire, des scènes inédites qui ne vous laisseraient pas le temps de bâiller ! Amine ELGHIAT Les confessions d’un loup solitaire Ou mémoires d’outre-rampe 3 I Je regarde dans le rétro : ma vie, à la manière d’un bolide faisant du drift sur un terrain périlleux, est jonchée de virages ; le changement en fut synonyme, une mutation constante vers le mieux, le meilleur de moi-même, non que je cherchasse à plaire au monde, loin s’en faut ! mais en mon for intérieur je réalisais qu’il manque encore quelque chose à l’homme que je suis, en matière de Vertu, de convictions inébranlables, d’attitude implacable. L’avis des gens, la vie des gens, je m’en fous carrément : Droit au But, ma conduite l’indiquait au même titre que le t-shirt de l’OM (Olympique de Marseille) que je portais déjà à l’âge de trois ans ; un signe du Ciel ? peut-être. La plupart du temps, cette probité se trouvait mal interprétée, surtout, du jour au lendemain, quand j’enfilai mes babouches, habillé d’un qamis, embaumant les ruelles de la médina de musc et de rumeurs, détournant le regard de toute provocation féminine, je répondais paisiblement à l’appel du muezzin : des ingrédients pareils, aux yeux des services de renseignement, des mouchards à plein-temps, des voisins insomniaques, d’une société paranoïaque semblent vachement former le kit salafiste, généralement le profil du loup solitaire : personne susceptible de commettre des actes violents au nom d’un groupe quelconque, sans qu’il n’obéisse à qui que ce soit (commandant, prêcheur, cheikh, etc.) L’indifférence totale que mon visage affichait, conformément à ce qu’en pensaient les faux-culs et les condés, n’était que la partie émergée de l’iceberg, mais, n’en déplaise à leur pauvre imagination riche ! loin de passer pour une âme torturée dont passion et humour furent éradiqués, la mienne, regorgeant de paix, montait les marches, cassant le code et la démarche, violant chaque fausse représentation qui peuplait des crânes tellement vides, tellement sordides, tellement haineux qu’en s’y penchant, l’on se crût aux tonneaux des Danaïdes ! Par contre, dans ma tête, tous les jours, c’est samedi soir : je bois de la coupe de la sagesse, entouré de mes livres sexy en deux pièces (tomes), ambiance cabaret. Les confessions d’un loup solitaire Ou mémoires d’outre-rampe 4 Mes aïeux, originaires de la tribu Tsoul si fameuse par sa persévérance que l’on ne reconnaît le tsouli que par la métaphore de la graine qui, plantée dans le bitume, arrive à croître malgré le milieu stérile ; ils m’avaient transmis l’obstination, la patience et l’air calme nécessaires afin de fleurir au milieu du désert, là-bas où je viens de clore le premier épisode de ma carrière professionnelle. À Tendit, province de Boulemane où il fait un froid de loup, j’enseignais la tolérance, l’acceptation inconditionnelle, l’empathie… avant la langue de Molière, une langue dont (partout) on dit beaucoup de mal, alors qu’elle ne requiert qu’une paire de couilles solides chez celui qui veuille l’atteindre, ce qui manque apparemment aux armées angloconnes (pardon ! je voudrais dire anglophones) de ses détracteurs. C’est la plus grande commune au Maroc, à la fois la plus surpeuplée et la plus dépeuplée : à quatre-vingt-dix kilomètres de Guercif, sur la route de Missour, s’érige un recoin oublié au pied du mont Bounasser, tiraillé entre deux clans dont les hostilités mutuelles étouffent dans l’œuf tout développement potentiel ; conservateurs, ayant leur propre vision du monde, ces gens-là ne trouvaient jamais paradoxal le fait qu’ils casernaient les harems dont ils prirent possession et qu’ils allaient se dégourdir les yeux, la langue et d’autres organes dans des cafés puant la rut ainsi que le cannabis. Jeune, célibataire, sans colocataire : une menace a été détectée ; attention rivée sur le nouveau professeur de français : il vient de Taza, murmure-t-on de bouche à l’oreille. Accueil digne d’un extraterrestre débarquant de je ne sais quelle planète à des années-lumière d’eux. La première rencontre avec mes futurs colle/lègues (parce qu’ils collent au bureau plus qu’ils ne le lèguent) était vraiment hilarante : dévisagé par quelques dizaines de gens tous genres confondus (masculin, féminin, fesculin 1) : un examen plus méticuleux que l’IRM2 qui déboucha plus tard sur une certaine forme de bizutage que j’eus l’honneur de refuser fermement contrairement aux autres nouveaux venus, déboussolés, s’ingéniant à côtoyer une ancienne lignée imbibée de soi, de complexes et de défaitisme plongeur, rongeur, ravageur… 1 J’ai préféré ce néologisme au mot déjà existant (hermaphrodite) : à la différence de ce dernier, fesculin fait référence à un genre plus particulier qui ne possède pas forcément les membres des deux sexes. 2 Imagerie par Résonance Magnétique : technique permettant l’analyse fine du corps humain par l’action d’un champ magnétique et d’ondes radio. Les confessions d’un loup solitaire Ou mémoires d’outre-rampe 5 Certes la situation actuelle de l’école publique laisse à désirer. Mais à quoi bon pleurnicher à cause du niveau dégradé des élèves, rester les bras croisés, maintenir le statu quo qui ne profite à personne, quand on peut ensemble contrer ce courant dont tout le monde sait la source ! Aux antipodes des enseignants dits chevronnés dont le linge fut susmentionné, je connus les adeptes d’une doctrine totalement radicale : des jeunes novices s’appropriant les erreurs d’autrui, tantôt d’une administration corrompue, tantôt d’un devancier incompétent, tantôt d’une audience qui, d’une façon ou d’une autre, finira par décrocher un bac ne valant rien, sans assister à leurs cours, ni réussir leurs contrôles ; des bougies qui brûlent pour montrer le chemin à des aveugles. Ce n’est pas de cette façon que l’on donne à boire aux chameaux3 ! Chers collègues ! nous ne sommes pas responsables du zèle des uns, encore moins que de la nonchalance des autres. Notre seul devoir est de faire de notre mieux pour éveiller des consciences longtemps cuvées dans les bras de Morphée : des parents rancuniers envers nos tabliers car dans leur optique bornée l’on touche la paie du mois froidement au sens où nous ne faisons rien ; des élèves que la fraude séduit plus que la sueur du front ; de quelques prédécesseurs liant savoir-faire au nombre des décennies que l’on eût passées derrière des bureaux sentant le moisi ; d’un employeur malicieux qui veut le beurre et l’argent du beurre, nous prenant pour des boucs émissaires, abusant d’une autorité infondée. La modération : mot-clé. Vous seriez étonnés de l’effet de votre sourire, de votre compréhension, si seulement vous vous mettiez dans la peau d’un adolescent : du matin au soir, les oreilles bourdonnant de musique moderne, le corps en ébullition, le cœur en partitions, ce jeune être se fiche pas mal d’un français châtié, suranné, déterré par des apprentis sorciers. Redorer le blason d’une langue aussi charmante que le français ne passe pas par des récits à dormir debout, des livres poussiéreux ; il est temps d’épousseter les cervelles tenant les rênes du pouvoir. 3 L’origine de l’expression remonte à l’an 400 : Malek Ibn Zaïd, sur le point de voyager, avait confié à son frère Saad, poète et cavalier, la tâche de prendre soin du bétail ; de retour, il vit qu’il y eut échoué et dit ce célèbre adage qui, par la suite, va devenir un rappel pour toute personne empruntant un mauvais chemin. Les confessions d’un loup solitaire Ou mémoires d’outre-rampe 6 II Comme un lierre tenace, par curiosité je grimpais le mur mitoyen séparant la vertu du vice : j’ai connu le mal, non par amour, mais de crainte que j’en sois tenté après. Le quartier qui m’a vu naître n’était pas un vivier béni d’où jaillissent les bienfaiteurs ; y végétaient trafic de drogues, proxénètes, beauté sans pareille, figures minables, querelles interminables et personne ne dormira cette nuit : répétée par des gens complètement saouls, dont la voix vibrante semble entamer quelque chant exquis. Mes amis d’enfance, uploads/Geographie/ les-confessions-d-x27-un-loup-solitaire.pdf

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