Jean-Claude SENSEMAT Comment jyai sauvé LIP intreprendr Maquette de couverture

Jean-Claude SENSEMAT Comment jyai sauvé LIP intreprendr Maquette de couverture : Pierre Moutonnet Image de couverture : © Pixtal WE011438.U10017 © Entreprendre Robert Lafont 2005 Tous droits de reproduction, traduction, adaptation réservés pour tous pays. JEAN-CLAUDE SENSEMAT COMMENT J’AI SAUVÉ LIP A Fred LIP, qui a su résister au temps qui passe pour imposer sa marque au monde. LIP a apporté sa pierre à l'édifice du temps avec l'invention du quartz. 7 Du même auteur: LA PATRONADE Editions Olivier Orban 1988 UN MOMENT DE GASCOGNE Editions La Gascogne 1997 LE DELIT D’ENTREPRENDRE Editions de la Mezzanine 2004 Table des Matières Rencontre d’une légende 9 La découverte de Monsieur Fred Lip 19 La stratégie SENSEMAT-LIP 33 Les troubles syndicaux 51 L’histoire de l’entreprise LIP 59 Des acteurs de l’histoire LIP 85 LIP la période SENSEMAT 95 Les marques d’horlogers 101 Histoire de marques 109 Les principaux groupes horlogers en 2005 117 Fred Lip, ce poète 123 8 9 Rencontre d’une légende 10 Il est 19 heures, le 19 septembre 1990, sur France Inter: « Il est vrai que le monde change, Lip la prestigieuse marque horlogère française a été rachetée par un entrepreneur Gersois ». C’est ainsi que l’achat de la marque Lip a été annoncé aux Français. Les dépêches AFP ont crépité pour le faire savoir au monde entier. J’ai subi les assauts de tout ce qui comptait de radios, TV et presses écrites. Le téléphone sonnait en permanence, l’étonnement était général, et virait à la stupéfaction même pour certains. Je changeais de statut. Après avoir créé dans mon département natal, à la force du poignet, un groupe dans le secteur de l’outillage grand public, je me trouvais au-devant de la scène natio- nale avec l’achat de cette seule marque, mais quel- le marque! Je ne pouvais quand même pas m’empêcher d’é- prouver un sentiment d’injustice car l’effort pour créer mon groupe d’outillage et la reconnaissance médiatique conférée pour la simple acquisition d’une marque ne me semblait pas équitable. Je devenais célèbre, je rentrais dans le Quid et le Who’s Who. Dans les milieux professionnels de l’Horlogerie, le scepticisme frôlait la moquerie. « Comment ce marchand d’outillage va-t-il être capable de faire de l’horlogerie du fin fond de sa Gascogne? » Je décidais de créer une société qui fut baptisée « Lip France ». Le siège social, l’atelier et les dépôts furent construits à Lectoure (Gers). Dès l’annonce de cette acquisition, en bon poli- tique qui voulait coller à l’événement, Jean-Pierre Joseph, alors Conseiller Général de Lectoure, député et président du Conseil Général du dépar- tement du Gers m’avait téléphoné. Il voulait créer à Lectoure le Musée du « Temps Public ». Quelle belle idée et à deux pas de l’usine, dans un bâti- ment historique! 11 Je dépêchais un de mes cadres pour diriger cette nouvelle structure dénommée Lip France. Une équipe fut recrutée, d’abord pour vendre le stock acquis à la barre du Tribunal de Commerce de Besançon puis pour reconstituer une collection de montres Lip. La lutte pour acquérir la marque n’avait pas été facile. Quelques mois auparavant, j’avais reçu un appel téléphonique d’un Gersois qui m’exposait les problèmes rencontraient par l’un de ses amis qui travaillait dans une société horlogère. Il n’avait pas été payé et craignait le dépôt de bilan de l’en- treprise qui l’employait. Je ne comprenais pas ce que je pouvais faire avec une société horlogère dont la marque commerciale était Kiplé, alors que j’étais dans le secteur de l’outillage. Je pris poli- ment les coordonnées de la société en précisant que je regarderai le dossier. Finalement, cette société avait déposé le bilan et, en étudiant de plus près les informations de l’entreprise avec mes col- laborateurs, nous nous sommes aperçus que cette société était propriétaire de la marque LIP. Ce fut pour moi une révélation car je comprenais très bien ce que voulait dire une marque forte. Ce lien avec le consommateur final était énorme, surtout pour un produit aussi affectif qu’une montre, qui 12 est souvent le seul objet vraiment personnel qu’une personne détient. Et puis, quel coup médiatique pour l’ensemble de mes activités. Je téléphonais à Maître Leclerc – Administrateur Judiciaire à Besançon – pour l’informer de mon intérêt pour l’achat de la seule marque Lip. Il me répondit que c’était la totalité de la société Kiplé qui était à reprendre. Je renonçais: je ne pouvais pas me charger d’un tel fardeau. Reprendre une entreprise dans un métier aussi éloigné du mien principalement celui de l’outillage, et dans un sec- teur d’activités que je ne connaissais pas était inconcevable. Les mois passants, lors d’un de mes déplacements vers Paris, je feuilletais dans l’avion les « pages saumon » du Figaro. Par le plus grand des hasards, je lus une brève qui annonçait la liqui- dation judiciaire de Kiplé. Je téléphonais une fois de plus à Maître Leclerc et lui rappelais l’intérêt que j’avais pour la marque Lip, car la « vente par appartement » était désor- mais possible. En revanche, il y aurait une lutte ouverte entre tous les compétiteurs intéressés. J’ai envoyé à Besançon un collaborateur pour rencontrer les intervenants et étudier la faisabilité et les chances de remporter l’affaire. La veille des 13 enchères, nous vîmes arriver les représentants de Cartier qui pensaient que les compétiteurs étaient des nains face à ce mastodonte du luxe. Nous affi- chions un pessimisme qui était contraire à la réalité devant ces « hommes d’affaires ». Ils pensaient que nous nous contenterions de forcer sur l’achat du stock à bon prix et qu’ils nous laisseraient rempor- ter le marché. De notre côté, nous ferions la faveur de proposer un prix faible sur la marque. Mais la réalité fut autre. Notre offre, sous enveloppe cachetée, fut conforme au prix pour le stock mais plus élevé que celui proposé par Cartier pour la reprise de la marque Lip. Je dictais par téléphone, depuis mon bureau gersois, la marche à suivre à mon collaborateur, centralien de formation. Il était muni d’un des premiers téléphones portables « Radiocom 2000 » pour me joindre correctement. En toute discrétion, il était obligé de s’enfermer dans les toilettes du Tribunal. Nous étions fous de joie, ce fut un grand choc dans ma vie d’en- trepreneur. Mais acheter une marque n’est pas tout, même s’il s’agit de Lip. Pour moi, une marque au solide passé est immortelle. C’est comme la cerise sur le gâteau: elle est belle et scintillante, mais le gâteau, pour être délicieux et savoureux, doit vraiment 14 s’harmoniser avec cette superbe cerise. Il fallait apprendre à faire la pâte et la crème car nous n’é- tions pas des horlogers. Alors nous allions apprendre le métier. Les collaborateurs, à la tête de l’entreprise, ne l’avaient pas compris. Ils se croyaient investis d’un talent que l’on retrouve souvent chez ces salariés qui travaillent pour les sociétés de luxe. Ils s’iden- tifient à la marque, même parfois dans leur vie privée et perdent tout simplement le sens des réa- lités, de leur condition d’employés, de leurs salaires, même quand il est confortable. Il n’a rien à voir avec le budget investi pour faire scintiller la marque. Chez les clients, ils se prenaient pour les « patrons de Cartier » alors que si Lip était bien restée dans le cœur des Français, c’était avant tout parce qu’elle représentait pour ces derniers la « montre de la Première Communion ». Une marque, certes de qualité, mais toujours populaire. J’ai eu du mal à instaurer l’humilité dans la mai- son. Souvent, les dirigeants réalisaient des achats, comme cela se pratiquait à l’époque, dans d’autres secteurs d’activités et par grosses quantités pour obtenir un prix. Alors que la pratique dans l’horlo- gerie n’est pas du tout celle-ci. Les collections sont 15 18 16 créées, puis l’habillage des modèles est élaboré au fur et à mesure des commandes. Nous le vîmes très vite et il fallut se battre les premières années. 17 La découverte de Monsieur Fred LIP 18 Je ne pouvais pas concevoir d’être propriétaire d’une telle marque sans rencontrer un de ses acteurs les plus glorieux. J’ai appris par la suite que ma démarche avait été unique. Quelle aubaine de pouvoir rencontrer Monsieur Fred LIP, ce génial patron de l’horlogerie. Sous son égide, le monde de l’horlogerie avait fait des progrès dont l’humanité entière avait profité tels que notamment, l’invention des mouvements à quartz. Eh oui! C’est Fred LIP. Je téléphonais à son appartement dans le 17e à Paris, non loin de l’Arc de Triomphe. Une petite voix faible mais douce me répondit : « Mais pour- quoi voulez-vous me voir ? Je ne suis plus rien dans l’af- faire ! » Je lui répondis simplement que c’était lui qui m’intéressait et que cette approche me parais- sait être la moindre des politesses. « Bon, venez » me dit-il. J’étais très heureux et fier à l’idée de le rencon- trer. Mon plus proche collaborateur n’approuva pas ma démarche. Il pensait que cela ne servait à rien alors que pour moi, cette rencontre prit uploads/Geographie/ livre-lip.pdf

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