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To print higher-resolution math symbols, click the Hi-Res Fonts for Printing button on the jsMath control panel. M Mélanges de cartes et mathématiques Le 17 mars 2009, par Bruno Belhoste Historien, Professeur à l'Université Paris I, Panthéon Sorbonne (page web) Un joueur doit savoir mélanger les cartes et le magicien, comme le tricheur, les battre sans les mélanger ! Les mélanges de cartes permettent en effet de monter des tours de prestidigitation surprenants. Ils ouvrent aussi sur des mathématiques profondes, en probabilités, en combinatoire, en théorie des groupes et en mathématiques discrètes. On verra dans cet article comment la façon de mélanger des cartes pour jouer et pour s’amuser a inspiré des recherches mathématiques depuis le XVIII siècle. ATHEMATIQUES et magie peuvent faire bon ménage [1] ! Le mathématicien Persi Diaconis (voir ici même) , spécialiste des probabilités, a commencé par gagner sa vie comme prestidigitateur. Mieux : la magie a été pour lui une véritable source d’inspiration mathématique. En prestidigitation, le grand art de Diaconis, comme celui de son maître en magie Dai Vernon, ce sont les tours de cartes. Les cartes à jouer offrent mille possibilités pour le prestidigitateur : celui-ci peut les manipuler, pour les faire disparaître et réapparaître à volonté ; il peut aussi combiner et calculer, pour produire des effets spectaculaires et inattendus. Les tours de cartes sont particulièrement appréciés en magie rapprochée, ou close-up, un type de prestidigitation qui s’est considérablement développé au XX siècle, en particulier aux Etats-Unis. Ils sont aussi, hélas, très prisés des tricheurs, qui ont su développer des techniques frauduleuses pour forcer le destin dans les jeux d’argent. Nous allons nous intéresser ici à l’histoire des relations entre tours de cartes et mathématiques en nous concentrant plus particulièrement sur la question des mélanges. Nous commencerons par la fin, avec l’œuvre de Diaconis, avant d’évoquer le rôle des mélanges de cartes dans les jeux de hasard qui font fureur sous l’Ancien régime. Dans une deuxième partie, nous verrons comment les mélanges de cartes utilisées dans les récréations mathématiques ont inspirés des mathématiciens comme Monge et Gergonne. e e 09/02/2011 Images des mathématiques - Mélange… …cnrs.fr/Melanges-de-cartes-et.html 1/9 Comment mélanger les cartes ? Mélanger est une opération préalable indispensable dans presque tous les jeux de cartes. L’objectif est bien sûr de rendre aléatoire la distribution des cartes pour que la partie soit équitable entre les joueurs. En magie, on mélange aussi les cartes avant un tour pour rassurer les spectateurs. En principe, donc, un paquet mélangé est un paquet non préparé. Évidemment, pour le magicien comme pour le tricheur, il n’en est rien : le mélange des cartes, qu’il soit régulier, simulé ou truqué est un élément essentiel du tour. C’est donc au mélange des cartes que Diaconis mathématicien s’est surtout intéressé. Il a considéré deux types de mélanges bien connus des joueurs et des magiciens, le mélange américain (riffle shuffle) et le mélange parfait (perfect shuffle ou faro shuffle). L’étude de ces deux mélanges conduit à deux types de problèmes très différents. Le mélange américain est-il aléatoire ? C’est Henri Poincaré qui a posé le premier le problème du mélange aléatoire des cartes, au début du XX siècle. Un mélange est aléatoire quand les cartes mélangées sont distribuées « au hasard », quel que soit l’ordre initial. On dit alors aussi que le jeu est bien mélangé. Plusieurs mathématiciens, dont Borel, Hadamard et Paul Lévy, ont étudié ce problème dans l’Entre-deux-guerres (voir Laurent Mazliak, Printemps ergodique). Le mélange américain, pratiqué communément au poker par exemple, est un mélange aléatoire. Il comporte deux opérations : une coupe aléatoire du paquet initial, donnant deux paquets de coupe inégaux (mais généralement de tailles comparables), et le mélange proprement dit, consistant à imbriquer les deux paquets de coupe par insertion des cartes de l’un dans l’autre pour former le paquet final. Le mélange peut se faire sans grande difficulté sur la table, d’un coup de main assez spectaculaire : Sous ce lien, on en trouvera un exemple vivant..… L’imbrication des cartes y obéit à une seule règle : l’ordre des cartes de chaque paquet de coupe doit subsister dans le paquet final. En revanche, plusieurs cartes successives du paquet initial peuvent très bien se suivre dans le paquet final, si l’imbrication est imparfaite. Après un seul mélange, le jeu est donc en général mal mélangé. On peut se demander combien de mélanges américains successifs sont nécessaires pour obtenir un mélange aléatoire des cartes. Avec quelques hypothèses simples sur les probabilités associées à la coupe aléatoire et au mélange des cartes, on peut construire un modèle mathématique du mélange américain, e 09/02/2011 Images des mathématiques - Mélange… …cnrs.fr/Melanges-de-cartes-et.html 2/9 aléatoire et au mélange des cartes, on peut construire un modèle mathématique du mélange américain, testable expérimentalement. Diaconis a pu ainsi démontrer et vérifier qu’un jeu de 52 cartes est bien mélangé, c’est-à-dire mélangé de façon parfaitement aléatoire, après 7 mélanges américains successifs (voir Diaconis, 1992). En revanche, après seulement 2 ou 3 mélanges, il reste généralement dans le paquet final quelques suites de cartes ayant appartenu au paquet initial, ce qui suffit à un magicien imaginatif pour monter un tour ou à un tricheur pour forcer une distribution de carte avec une très forte probabilité de succès ! Les mélanges parfaits Avant de s’intéresser aux mélanges américains, Diaconis a étudié les mélanges parfaits (ou mélanges faro), utilisés par les magiciens pour des tours spectaculaires. Un mélange parfait est un mélange américain parfaitement réussi, en ce sens que la coupe partage le paquet initial en deux paquets de coupe égaux (si le jeu a un nombre pair de cartes) ou quasi-égaux (une carte de plus dans un des deux paquets si le jeu à un nombre impair de cartes) et que le mélange des deux paquets de coupe est parfaitement alterné, une carte d’un paquet succédant à une carte de l’autre dans le paquet final. On peut donc dire tout aussi bien que c’est un mélange américain complètement raté, puisqu’il n’a rien d’aléatoire ! Réussir un mélange parfait est en tout cas un tour extrêmement difficile. Seuls quelques prestidigitateurs, dont Diaconis, y parviennent (presque) à chaque coup : Voici, sous ce lien, un aperçu de son exécution concrète..… En revanche, on le réalise très facilement en comptant les cartes et en les mélangeant une par une, ce qui a peu d’intérêt pour le magicien ou le tricheur mais suffit au mathématicien expérimentateur. Mélanges de cartes et théorie des groupes L’intérêt des mélanges parfaits tient à leurs propriétés mathématiques remarquables. Quelques notions préalables sont ici nécessaires. Généralisant la définition des mélanges parfaits, on admettra d’abord que le mélange résultant de deux mélanges parfaits successifs est encore un mélange parfait, ce qu’on écrira M M . Comme on peut toujours ramener un paquet à l’état initial en répétant un certain nombre de fois le même mélange, le mélange identique id, qui laisse toutes les cartes à la même place, est aussi un mélange parfait, ce qu’on écrira M d. Il s’ensuit qu’à tout mélange parfait M correspond le mélange 1 2 = M n = i 09/02/2011 Images des mathématiques - Mélange… …cnrs.fr/Melanges-de-cartes-et.html 3/9 mélange parfait, ce qu’on écrira M d. Il s’ensuit qu’à tout mélange parfait M correspond le mélange parfait inverse M , égal à M , tel que M M M d. On peut résumer toutes ces propriétés en disant que les mélanges parfaits de n cartes forment un groupe fini (lui-même sous-groupe du groupe S de toutes les permutations possibles des n cartes). En fait, comme il existe deux manières distinctes de réaliser un mélange parfait de n cartes, l’une extérieure, l’autre intérieure (out-shuffle noté O et in-shuffle, noté I), selon que la première carte du paquet final appartienne à l’un ou à l’autre des paquets de coupe, tout mélange parfait est une suite finie de O et de I. Donc, le groupe des mélanges parfaits est celui engendré par O et I, autrement dit le plus petit sous- groupe de S contenant O et I. On le notera O . Diaconis, associé à Graham et Kantor, est parvenu pour tout n pair à déterminer la structure de O , qui dépend essentiellement de la valeur de n 2 modulo 4. Pour un jeu de 52 cartes, par exemple, O , le sous-groupe a 26!2 éléments et est isomorphe au groupe de Weyl B ; pour un jeu de 24 cartes, cas très particulier, la structure du sous-groupe fait intervenir de façon surprenante un groupe bien connu des spécialistes, le groupe de Matthieu M . Tout ceci ne nous explique pas pourquoi les mélanges parfaits intéressent autant les magiciens. Pour un prestidigitateur, l’important est la manière dont les cartes se déplacent dans le jeu. L’objectif est de faire aller, par des mélanges successifs, une carte à une certaine position déterminée à l’avance, par exemple au sommet du paquet, pour la faire apparaître à volonté. Or, justement, le groupe O est tel qu’on peut toujours passer une carte par une suite de O et de I d’une uploads/Geographie/ melanges-de-cartes-et-mathematiques.pdf
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- Publié le Jul 19, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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