1 N° 422 – Décembre 2021 La Lettre du La Lettre du Moins d’avions, c’est moins
1 N° 422 – Décembre 2021 La Lettre du La Lettre du Moins d’avions, c’est moins de commerce Diego Botero Garcia, Ariell Reshef & Camilo Umana-Dajud* Avec la pandémie de Covid-19 le trafic aérien international s’est effondré. Or, pour certains pays européens, c'est le principal mode de transport de leurs exportations. Pour les produits dont la valeur relativement à leur poids est forte, comme les pierres précieuses, les composants électroniques, ou les produits pharmaceutiques, l’avion est aussi, en dépit de son coût plus élevé, un mode de transport largement utilisé. Il en est de même pour les produits intermédiaires au cœur des chaînes de valeurs mondiales. Or, plus les pays ont de liaisons aériennes entre eux, plus ils commercent : la part des échanges commerciaux entre deux pays, qui ont plus de 103 liaisons aériennes entre eux, est 9 % plus élevée que celle des pays qui n’en ont pas, et pour les échanges par voie aérienne uniquement, ce chiffre monte à 15 %. Pour les biens qui ne sont pas expédiés par avion, l’effet est également significatif (de l’ordre de 8 %) car les voyages d’affaires soutiennent le commerce. Aussi, si les restrictions de voyages venaient à durer, ou si le secteur du transport aérien était intégré dans les engagements internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il pourrait rester perturbé et, avec lui, le commerce international. La pandémie de COVID-19 a perturbé le transport aérien de manière sévère et soudaine. Les restrictions de voyages liées à la crise sanitaire, mais aussi la réticence générale à voyager ont fait chuter le nombre de vols internationaux de 60 % entre janvier 2020 et août 2021 1. Étant donné l’évolution de la pandémie et son cortège de variants, il est peu probable que le transport aérien retrouve rapidement une activité normale2. En outre, les engagements pris pour répondre à l’urgence climatique, même s’ils ne concernent pas le secteur des transports internationaux, le flygskam (la honte de voler), l’apparition de nouvelles pandémies ou l’augmentation des prix du pétrole risquent de peser sur l’activité du secteur au-delà des effets de la pandémie elle-même. Comme plus de 35 % du commerce mondial de marchandises en valeur est acheminé par avion, pour plus de la moitié3 dans les soutes des avions de passagers, le reste par avion-cargo, la réduction du nombre de vols a toutes les chances de se répercuter sur le commerce international. Aux États-Unis, par exemple, les vols de passagers ont chuté de 60 % en 2020, ce qui s’est traduit par une baisse de 63 % du poids de marchandises transporté dans les soutes des avions de passagers. Dans le même temps, le nombre de vols cargo n’a diminué que de 11 %, et le fret qu’ils transportent que de 9 %. Les soutes des avions de passagers, * Diego Botero Garcia est étudiant en master à l’université Paris Dauphine. Ariell Reshef est conseiller scientifique au CEPII, directeur de recherche au Centre d'économie de la Sorbonne, et membre associé à l'École d'économie de Paris. Camilo Umana-Dajud est économiste au CEPII. 1. Les vols intérieurs ont connu une réduction plus faible, quoique significative, de 20 %. 2. Voir The Economist du 14 août 2021, « Travel chaos will last well beyond summer » et The Financial Times du 13 décembre 2021, « Air freight costs soar to record high ». 3. Selon l’Association du transport aérien international, mais aussi plusieurs sociétés de logistique et bureaux d’études. 4. Source : Département américain des transports. La même statistique pour le Royaume-Uni est de 60 % (Source : Steer Group, un cabinet de conseil en logistique). 5. Source : Xeneta et TAC Freight, spécialistes de l’information logistique. qui représentaient 50 % des marchandises transportées par voie aérienne en 20194, ne comptaient ainsi plus que pour 29 % du total en 2020. Ce choc a également affecté les prix du transport aérien qui ont doublé depuis février 2020 pour les liaisons entre l’Europe et l’Amérique du Nord et même quadruplé pour les liaisons avec l’Extrême-Orient5. Cela a un effet disproportionné sur les marchandises qui sont ex ante susceptibles d’être expédiées par avion et vers des destinations relativement lointaines. La baisse des déplacements professionnels constitue un autre facteur, plus indirect, par lequel la diminution des vols pourrait affecter le commerce international, parce que des commerciaux ou des entrepreneurs qui se rendaient à l’étranger pour nouer ou renforcer des liens commerciaux, ou encore des ingénieurs et techniciens qui se déplaçaient pour résoudre des problèmes n’ont pas pu le faire. En érodant les liens personnels et les possibilités d’interaction directe, cette réduction des voyages d’affaires risque d’avoir des conséquences croissantes avec le temps. Néanmoins, l’importance de ce canal pourrait être limitée parce que ces voyageurs ont une motivation forte même lorsque peu de vols sont disponibles, mais aussi parce qu’à l’avenir les interactions en ligne pourraient bien, sinon remplacer, au moins rendre moins nécessaires un certain nombre de déplacements professionnels. 2 Eurostat fournit des données pour les pays européens qui permettent d’apprécier l’importance du trafic aérien pour le commerce, d’identifier les pays et les produits les plus concernés, d’évaluer comment les connexions aériennes affectent les échanges et dans quelle mesure la réduction du trafic aérien est susceptible de perturber les chaînes de valeur mondiale. De quoi envisager les répercussions qu’une limitation du transport aérien pourrait avoir sur le commerce international si les mesures sanitaires venaient à durer ou si des engagements internationaux de limitation des émissions de gaz à effet de serre étaient pris pour ce secteur. Les pays spécialisés dans les biens, dont la valeur relativement à leur poids est élevée, utilisent davantage le transport aérien pour leurs exportations Alors que le transport aérien permettait d’acheminer autour de 25 % en moyenne des exportations de l’Union européenne jusqu’au début des années 2010, cette part a atteint 31 % en 2019, avant de revenir à 26 % en 2020 avec la crise sanitaire (graphique 1). La plupart des pays ont connu une évolution similaire. La France, par exemple, a ainsi vu la part de ses exportations par voie aérienne augmenter de 27 % en 2001 à 35 % en 2019, puis retomber à 31 % en 2020. En revanche, l’importance que revêt ce mode de transport varie fortement entre pays de l’Union, avec d’un côté l’Irlande et le Royaume-Uni, où plus de 50 % des exportations de biens sont acheminées par avion (70 % pour l’Irlande) et de l’autre l’Espagne, pour laquelle à peine 15 % le sont. Bien que le transport aérien soit plus coûteux que le transport par voie maritime ou terrestre, pour certains produits ce surcoût peut être absorbé dans la mesure où les expéditions par voie aérienne sont bien plus rapides. En général, plus le rapport de la valeur des marchandises à leur poids est élevé, plus le transport aérien est utilisé : les pierres et métaux précieux sont ainsi pour plus de 80 % expédiés par avion, comme plus de 60 % des produits pharmaceutiques, tandis que l’avion est rarement utilisé pour transporter les véhicules ou les produits céramiques, dont le rapport de la valeur au poids est bien plus faible, sans parler du ciment (graphique 2). Cette spécificité du transport international par voie aérienne de marchandises explique que certains pays vont l’utiliser davantage que d’autres selon leur spécialisation sectorielle. C’est une des raisons pour lesquelles l’Espagne est peu dépendante du transport aérien pour acheminer ses exportations : sa spécialisation sectorielle, marquée par l’importance de produits pondéreux relativement à leur valeur, comme les produits agricoles et alimentaires ou l’automobile, explique à elle seule 60 % de l’écart avec la France dans l’utilisation du transport aérien. Au contraire, la spécialisation dans des produits dont la valeur rapportée au poids est relativement élevée explique 40 % de l’écart à la France pour le Royaume- Uni et 80 % pour l’Irlande, les produits électroniques et pharmaceutiques jouant un rôle particulièrement important dans ce dernier cas. Plus les pays ont de liaisons aériennes entre eux, plus ils échangent L’importance du transport aérien pour certains pays laisse penser que leur commerce pâtit de la raréfaction du nombre de vols. Mais quelle est l’importance en moyenne du nombre de liaisons aériennes sur le commerce bilatéral ? Et est-ce seulement le commerce par voie aérienne qui est affecté ? Pour le savoir, on peut examiner comment la part d’un partenaire dans les importations d’un pays varie au cours du temps avec le nombre de vols reliant les deux pays, une fois pris en compte les tendances naturelles des pays à commercer entre eux (du fait de leur taille, leur proximité géographique, leur écart de niveau de vie…) et les tendances macroéconomiques. On constate alors que les échanges entre partenaires liés par au moins une liaison aérienne sont supérieurs de 3 % à ceux entre lesquels aucune liaison directe n’existe (comme c’est le cas dans 60 % des cas en moyenne) (graphique 3). Par rapport à ces derniers, l’écart atteint 4 % pour les partenaires comptant 2 à 7 uploads/Geographie/ mois-d-x27-avions-moins-de-commerce.pdf
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- Publié le Fev 01, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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