Marc Alain DESCAMPS PELERIN DE L’ABSOLU 1. Dans la lumière de l’été Une jeune m
Marc Alain DESCAMPS PELERIN DE L’ABSOLU 1. Dans la lumière de l’été Une jeune maman promène son fils de trois ans sur une petite poussette métallique bleu. De ses extraordinaires yeux noisette clair, elle lui sourit. Avec ses grands cheveux noirs jamais coupés qu'elle porte en chignon sur la nuque elle est très belle et tout le monde la regarde. Il fait déjà chaud pour un début d’après-midi, avec un beau ciel bleu profond parsemé de gros nuages blancs. Arrivée au jardin de “La plateforme”, elle s’assoie sur un banc de bois sous les énormes platanes centenaires et commence à tricoter. L’air est embaumé de l’odeur des chèvrefeuilles. Son fils reste toujours attaché dans sa poussette, pour qu'il n'aille pas courir partout. Tête renversée en arrière, bouche ouverte, en riant, il contemple au ciel les feuilles de platanes, qui dansent dans le vent comme des mains vivantes. Soudain à travers la frondaison sort d’un nuage, le soleil de juin. Il entre dans ses yeux et l'éblouit. Le rayon de lumière est si aveuglant qu’il envahit son coeur et que tout s'arrête. Il se sent saisi, immobile, parti, ravi, ailleurs. Il ressent une boule chaude qui se diffuse par pulsations dans tout l’espace. La lumière envahit tout dans un ruissellement immobile. Un océan de lumière, où tout se trouve transposé dans une structure immatérielle. L'aveuglement par la lumière physique du soleil éblouissant le fait entrer directement dans la perception d'une Lumière non physique, qui fait battre son coeur d'émotion, d'attente et de joie. Il s'abandonne et retrouve le souvenir nostalgique de cette Lumière palpitante d'amour, qui est la source de la vie et qu'il avait tenté de rejoindre à sa naissance trois ans auparavant. Et, plein de joie, il est ravi et rit aux anges, longtemps, longtemps. Dans sa simplicité, l'enfant est de plein pied avec l'infini. Tout à son tricot, la mère ne s’aperçoit de rien. Le choc est tellement grand que par la suite il demandera toujours qu'on le ramène au même endroit, sans jamais dire pourquoi, mais en espérant que cela va recommencer. Le souvenir est gravé là, inoubliable. Mais cette expérience ne s'est jamais reproduite en ce lieu, même quand il y reviendra en pèlerinage des dizaines d'années après. Il s'est souvenu longtemps de ce moment inoubliable et innommable dont il a toujours gardé la nostalgie, malgré ses déceptions successives. Pourtant il ne savait pas ce qui était arrivé et ne pouvait lui donner aucun nom, tout en se posant obscurément la question. Pourquoi le monde ne se révéle plus tel qu’il est réellement dans sa nature lumineuse et divine ? Et ceci n’était que la première de ses mésaventures. Quatre ans après l’incompréhensible va se reproduire à nouveau. L'été de ses sept ans ses parents lui disent qu’il vont l’amener voir l’océan. Et il demande ce que c’est l’océan, “ qu'es aco ? c’est plus grand que la Garonne en crue, l’océan ?”. A quatorze mois il a déjà été à Royan, mais il ne s’en souvient plus. Et un beau dimanche d’août ils partent en voiture avec lui et sa soeur Hélène pour Mimizan Plage. L'automobile roule toute la matinée dans la pénombre de la forêt landaise que l'on traverse d'Est en Ouest. Enfin on descend de voiture et aussitôt il est ébloui par l'intense lumière de midi. Il suit la rue principale perpendiculaire à la plage, sans lunettes de soleil ni chapeau, et grimpe pour atteindre le sommet de la dune de sable. Et là il voit l'océan pour la première fois de sa vie. Le choc est tel qu'il se statufie et reste là sur place, immobile pendant plus d'une demi-heure. Il est terrassé par la présence de l'Infini. Il n'est plus lui. Son moi s'est dissous. Par son amour, il s'est uni à l'infini et en fait l'expérience intérieure. Avec la mer allée vers le soleil, il a retrouvé l'éternité. Il est revenu dans sa patrie éternelle. Le lent balancement des vagues l’étonne et le subjugue : il le sent de l’intérieur, toujours plus proche et plus vivant. Les énormes vagues, qui déferlent l'une après l'autre et se renouvellent sans cesse, tout en n'étant pas autres que l'océan, le mettent en face du mystère de l'Un et du multiple, de l'apparence et de la Réalité. Leur pulsation résonne en lui et l’assourdit : il n’entend plus rien. Le lointain et le proche se sont unis, le dehors et le dedans se confondent, l’individu et son milieu se rejoignent. L’univers est entré dans son âme et son âme s’est dissoute dans le monde. Quelle beauté, quelle merveille, quelle Joie ! Et il reste éperdu et muet d'admiration, sourd aux supplications de ses parents qui reviennent le chercher et lui demandent ce qu'il fait là, planté en plein soleil, au lieu de venir se baigner avec eux et jouer avec sa soeur. Quel besoin a-t-il d'aller se tremper dans l'océan ? Il est l'océan. Il ne fait qu'un avec cet immense univers mouvant, à la fois mobile et immobile et d'une force colossale. Il y pressent confusément le jeu sans cesse recommencé des formes qui surgissent du vide pour s'y dissoudre à nouveau et pouvoir en renaître dans un renouvellement sans fin. Tout cela, sous l'immense ciel bleu et l'éclatante Lumière de l'éternité, le met en présence de l'Infini. Et une fois de plus il en reste éberlué. Notre petite existence baigne dans l’océan de l’Infini. Bleue verte, ondule la mer mouvante, jamais semblable à elle-même et pourtant toujours la même. Que nous sommes différents de nous-même ! “Je” est un autre et pourtant “Je” demeure. Comme la vague, je me soulève dans un élan d’espoir et retombe écrasé par ma propre faiblesse. Et l’océan recommence sans cesse, sans jamais se fatiguer de cet illusoire et dérisoire effort. En fait Marc-Alain ne le sait pas encore, mais l’océan vit à l’intérieur de lui-même depuis qu’il s’est dissous en lui. Tout cela à son âge il le sent et le vit, mais ne le pense pas. Il ressent simplement l’Unité sous-jacente à toutes ces manifestations. Décidément les adultes ne comprennent pas le monde comme lui : d’ailleurs perdus dans leurs pensées, ils ne le sentent même pas. Mais vivent-ils dans le même monde ? Pourquoi alors perdre son temps dans des babioles et des jeux stupides, au lieu de rester là immobile dans la participation palpitante de l’Infini ? Il va lui en rester l'ahurissement d'être dans ce monde et de se demander ce qu'il fait ici-bas sur cette terre. Et il garde la conviction de ne jamais être comme les autres enfants, partagé qu'il est entre deux mondes, toujours ahuri, la bouche ouverte, comme le montre une de ses premières photos. Un enfant égaré, abasourdi d'être dans ce monde, alors que la vraie vie est ailleurs et que, soudain dans un éclair, elle transparaît à travers ce qui apparaît. Que le passage de la vision prosaïque ordinaire à la fulgurance de l'Ultime Réalité est déroutant ! Et Marc-Alain se sent toujours si différent des autres, incompris à jamais, sans pouvoir rien dire. (On peut comprendre cette situation quand on sait que Giuseppe de Copertino, après une première extase à l'âge de huit ans, resta ainsi la bouche ouverte, au point qu'il fut surnommé bocca aperta). Aussi s'est-il reconnu toute sa vie dans ces vers de Verlaine : "Je suis venu, calme orphelin Riche de mes seuls yeux tranquilles Vers les hommes des grandes villes : Ils ne m'ont pas trouvé malin. Suis-je né trop tôt ou trop tard ? Qu'est-ce que je fais en ce monde ?" (Sagesse, Gaspar Hauser chante) Oui, qu'est-ce qu'il fait en ce monde ? Qu'est-ce qu'il a à y faire ? Mais qui est-il donc ce nouveau venu sur terre ? Et pourquoi ici ? Pourquoi n’est-il pas comme les autres ? 2. LE MONDE DE L'ENFANCE Les racines. Marc-Alain est né à Agen, une ville de marché rural, au riche passé historique, qui se blottit le long de la Garonne à mi-chemin entre Toulouse et Bordeaux, au pied d'un coteau. A son sommet se trouvent les vestiges d'un oppidum gaulois et dans les falaises rocheuses ont été creusées des cellules d'ermites, visibles de toute la ville. Il a toujours contemplé ces cellules avec fascination, comme pour une prière. Après Teutomata, le dernier roi Nitiobrige d'Agen, qui lutta contre César, la région fût marquée par la romanisation, comme en témoignent les vestiges de villas, les routes romaines ainsi que la statue de la Vénus du Mas d'Agenais. Le royaume Wisigoth, avec Toulouse comme capitale pendant plus d'un siècle, laissa les franchises populaires (comitalie ou fueros). Puis vinrent les guerres avec Clovis en 506, les Normands en 946, les Anglais, les troubadours et les cours d'amour ainsi que le catharisme. Agen devint un des quatre évêchés de l'église cathare (avec Albi, Carcassonne et Toulouse). En 1169 Agen est donné à Richard Coeur de Lion, qui y fit construire le premier pont en 1189. Avant il y avait un gué sur uploads/Geographie/ pelerin-de-l-x27-absolu.pdf
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- Publié le Oct 02, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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