Sommaire du premier tome de l'Encyclopédie des Nuisances: Fascicule 1 Fascicule
Sommaire du premier tome de l'Encyclopédie des Nuisances: Fascicule 1 Fascicule II Fascicule III Fascicule IV Fascicule V Fascicule VI Fascicule VII Fascicule VIII Fascicule IX Fascicule X Fascicule XI Fascicule XII Fascicule XIII Discours préliminaire. Histoire de dix ans. Ab absurdo - Abadie - Abaissement. Abandon - Abaque - À bas ! Abasourdir - Abat-faim - Abatage. Abâtardissement - Abattage - Abbé - Abdelkader - Abderrahman - Abdication - Abécédaire. Abeille - Abélard - Aberration - Abêtissement. Abîme. Ab irato - Abjection - Abjuration - Ablation. Ablette - Ablution - Abnégation - Aboiement - Abois. Abolir - Abolition - Abolitionniste - Abomination - Abondance. Abonnir - Aborder. Aborigène - Aborner - Abortif - Abou Simbel - Aboulie - Aboutissants - Aboutissement. ENCYCLOPÉDIE DES NUISANCES TOME l FASCICULE 13 Directeur de la publication: Jaime Semprun Adresse: Boîte postale 188, 75665 Paris Cedex 14 Prix du numéro: 30 francs Trimestriel. Abonnement annuel (4 numéros) : 100 francs c.c.r. : 19 624 51 E Paris Photocomposition: Cicero, 12, rue Saint-Gilles, 75003 Paris Imprimé en France par Primavera, 6, rue Bouret, 75019 Paris. Dépôt légal: juillet 1988 N° ISSN : 0765-6424 à gérer tant bien que malles résultats de cet Înachèvemen t. Attraction pour touristes quand ils sont assez présentables, les aborigènes d' Austra- lie ont dû attendre la célébration du bicen- tenaire de leur soumission pour accéder à ce statut; plus souvent gibier de prison ou der- niers sujets d'étude pour ethnologues fati- gués, ces immigrés de l'intérieur partagent généralement le sort de tous les déracinés. Ainsi, les États-Unis peuvent-ils se targuer d'avoir, à un siècle de distance, réduit à la même déchéance leurs Indiens vaincus et leurs Noirs rebelles. La France quant à elle, qui s'apprête à fêter le bicentenaire de la révo- lution de 1789, se contente de légitimer le racisme envers ses immigrés et d'entrepren- dre simultanément sa dernière campagne coloniale en Nouvelle-Calédonie. ABORIGÈNE Du vocable qui désignait en latin les premiers occupants d'un territoire, ceux qui étaient là depuis l'origine, l'acception moderne retient plutôt l'idée d'humanité primitive et désigne ainsi les survivants de peuplades éparses refu- sant encore de se soumettre à la logique universelle des rapports économi- ques. Rien ne peut mieux éclairer ce qui est encore leur sort que cette défini- tion qu'Ambrose Bierce donnait du mot aborigène dans son Dictionnaire du Diable: « Créatures méPrisables qui encombrent le sol d'un pays récemment découvert. Elles cessent bientôt de l'encombrer pour le fertiliser. » Bien qu'il n'y ait pas si longtemps que l'Europe ait abandonné l'idée de l'extermi- nation totale d'un peuple, il faut reconnaî- tre que cette manière expéditive d'obtenir sa docilité se voit aujourd'hui plutôt réservée à ces nouveaux pays en« développement », qui font l'admiration des économistes en ce qu'ils superposent la barbarie moderne à l'antique aliénation. Ainsi l'Inde, le Brésil ou bien l'Indonésie, manifestant encore cette franche brutalité et cette absence totale de faux- semblants qui étaient la marque de la phase ascendante du capitalisme, poursuivent réso- lument sur leurs diverses peuplades aborigè- nes l' œuvre pl uriséculaire inachevée. Quant aux anciens héros européens de ce combat qui visait à refouler ou à détruire tout le maté- riel humain non utilisable par une forme quelconque d'exploitation, ils en sont réduits 309 Paradoxalement, c'est au moment où cette France-là tombe au plus bas dans la veulerie et la lâcheté générales que« des sauvages, des terroristes » selon l'expression d'un Premier ministre en déroute, refusant obstinément de vivre sous les lois de l'État français, lui rap- pellent que défendre sa liberté les armes à la main fut longtemps le message que le peu- ple français lançait au monde. Il y a une quarantaine d'années, l'armée française pouvait pacifier Madagascar au prix de 80 000 morts, petite guerre passée inaper- çue à côté de celles d'Indochine et d' Algé- rie. Et au cours de celle-ci on pouvait enten- dre cette boutade: «Il n'y a que neuf Algériens pour un Français, il suffirait de donner à chaque Français un fusil et neuf bal- les. » Aujourd'hui à Nouméa, la même racaille exprime ses regrets: « On aurait dû tous les tuer.» Certes, mais au moment où « on » le pouvait, ces Canaques étaient con- sidérés comme une quantité négligeable vouée à l'extinction progressive ou à la neu- tralisation démographique par une politique d'immigration délibérée. La suite a prouvé que ce bel optimisme était pour le moins irréaliste ; toutefois, l'État français, en entre- tenant soigneusement les raisons de l'affron- tement entre les diverses populations, a créé les conditions favorables à son maintien. Ce qui peut étonner, plus que la technique elle- même qui est en quelque sorte inhérente à toute forme de domination coloniale, ce sont les raisons d'une telle politique. En effet, aucune de celles qui sont avancées ne résiste un instant à l'examen. Les intérêts économi- ques locaux, la protection de la population de souche française, les prétendus intérêts stratégiques, auraient pu parfaitement être assurés à moindres frais dans le cadre d'une décolonisation que l'État français a presque toujours, de son propre point de vue, réussi en pareil cas. Le monopole français sur le pétrole du Gabon ou l'uranium du Niger, les quelques dizaines de milliers de Français prospérant en Côte d'Ivoire ou la présence militaire massive à Djibouti constituent autant de précédents édifiants. Il faut donc qu'il y ait une raison essentielle qui soit ina- vouable, bien qu'elle soit parfaitement connue: c'est l'existence en Polynésie du Centre d'Expérimentation du Pacifique (CEP), clé de voûte du complexe nucléaire militaro-industriel. Voilà ce qui décide en dernier recours de la politique de l'État fran- çais à l'égard de ses possessions d'outre-mer, comme cela avait décidé explicitement du recours au terrorisme d'État dans l'affaire Greenpeace. La Polynésie devant rester sous le contrôle direct du CEP, il n'est pas possi- ble de s'y accommoder d'une quelconque indépendance, et aucun mauvais exemple, que ce soit en Nouvelle-Calédonie ou en Guadeloupe, ne doit encourager la remise en question de ce statut. Tous les moyens sont donc mis en œuvre pour le maintenir, quel- les qu'en soient les conséquences. Tahiti en a d'ailleurs eu un avant-goût quand, à la suite de l'émeute des dockers d'octobre 1987, la légion étrangère occupant le port de Papeete, le couvre-feu et les lourdes peines de prison ont clairement signifié aux Polynésiens à quelles places ils étaient tolérés sur ce fief de la vérole militaire et du cancer nucléariste : comme classiques filles à soldats, modernes larbins à touristes, voire manutentionnaires irradiés du CEP, tous dignes d' habiter dans ces bidonvilles dont on apprit incidemment l'existence parce qu'ils avaient abondamment alimenté l'émeute. La fiction d'une citoyenneté française accordée à ces populations, citoyenneté dont on sait ce qu'elle vaut en métropole même, ne suffisant pas à masquer leur réelle dépos- session, l'État ne peut que tenter, entre deux répressions, d'acheter leur consentement à cette fiction. Le rapport colonial classique d'exploitation d'un peuple par un autre s'est ainsi renversé, à cette petite échelle, en une assistance économique systématique. La métropole n'a en effet que faire de cette force de travail supplémentaire mais veut garder 310 dans ces régions lointaines la possibilité d'y utiliser en tout arbitraire l'espace nécessaire à ce qu'elle ne peut faire sur son territoire ; au CEP s'est ajouté en Guyane le centre de lancement spatial de Kourou, et qui sait si à l'avenir l'atoll de Mururoa ne se révélera pas, puisqu'il est déjà irradié pour des mil- lénaires, le lieu de stockage idéal pour ces déchets radioactifs que la population française rechigne à héberger? Tous les départements et territoires d'outre-mer vivent ainsi d'une manière ou d'une autre des subsides de l'État français qui tend à y créer artificiellement les conditions modernes d'une abondance mar- chande où l'on espère que toute revendica- tion fondamentale se perdra. Ce sordide cal- cul réussit partiellement et d'abord en ce qu'il achève de détruire les économies tradition- nelles et les communautés dont elles étaient la base, augmentant ainsi leur dépendance envers la métropole. Il crée ensuite une importante couche privilégiée - petite bour- geoisie traditionnelle, modernes employés de services et fonction publique pléthorique sur- payée - jalouse de ses avantages et de ses pri- vilèges. Cette couche de population où fleu- rit la caricature du sinistre consommateur moderne, constitue le soutien naturel de la présence française, soutien fanatique dans le cas des Blancs du Pacifique, passif et mêlé de mauvaise conscience dans les départements d'ou tre- mer, où elle est d'origine essen riel- lernent locale. Mais cette réussite partielle suscite dans le même mouvement deux formes de résistance. D'abord, cette pseudo-abondance qui porte toujours en elle sa propre insatisfaction n'atteint que superficiellement et toujours inégalitairement le niveau de celle de la métropole, et un double sentiment d'inac- cessibilité et d'injustice s'empare inévitable- ment des couches prolétarisées, sans travail et sans protection sociale, massivement pro- duites par un système ressenti comme exo- gène. Ensuite, là où les modes anciens de communauté et de propriété collective de la terre existent encore (Nouvelle-Calédonie et Polynésie), l'arbitraire administratif au ser- vice de l'État uploads/Geographie/ encyclopedie-des-nuisances-fascicule-13-juillet-1988-pdf.pdf
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- Publié le Apv 20, 2022
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