profond silence Agnès Geoffray Agnès Geoffray tient à remercier Marc Bauer, Sop
profond silence Agnès Geoffray Agnès Geoffray tient à remercier Marc Bauer, Sophie Brevers, Sophie Chartier-Kuntz, Agnès Chekroun, Philippe Debroe, Thierry Genicot, Dominique Ghesquière, Élizabeth Haines, Claire Lapeyre, Koen Leemans, Paul Minssieux, Florent Perrier, Jimmy Robert, Thibaut de Ruyter, Daniel Vander Gucht, Eva Wittocx. Publié avec le soutien de la Communauté française de Belgique - Service des Arts plastiques, de l’Ambassade de France en Belgique, des centres d’art De Garage à Malines et STUK à Louvain. Conception graphique : Sophie Brevers Traductions : Laura Austrums, Ine van Dongen, Élizabeth Haines, Karin Laporte et Jimmy Robert Couverture : Agnès Geoffray © Agnès Geoffray pour ses photographies et ses textes © Interview, Thierry Genicot et Agnès Geoffray, 2005 © Evie Haines pour son texte, 2009 © Interview, Eva Wittocx et Agnès Geoffray, 2009 © Thibaut de Ruyter pour son texte Rituels du regard, 2009 © 2009 La Lettre volée 109 avenue Molière, B –1190 Bruxelles Tél – fax : +32 2 512 02 88 Courriel : lettre.volee@skynet.be Site : www.lettrevolee.com Dépôt légal : Bibliothèque royale de Belgique 4e trimestre 2009 – D/2009/5636/14 ISBN 978-2-87317-351-7 Achevé d’imprimer en octobre 2009 sur les presses de l’imprimerie Snel Grafics (Vottem) pour le compte des éditions de La Lettre volée. Avec le soutien de l’Ambassade de France en Belgique Couverture : L’abject, crochet en métal, 12 x 12 cm, 2008 profond silence Agnès Geoffray Marie-Jeanne Marie-Jeanne la cruelle C’est ainsi que l’on m’appelle Tout juste sortie du berceau Je sus manier le couteau De mon père le boucher J’ai appris le métier À vouloir me déflorer Plusieurs y perdirent le nez Vous pouvez me condamner Mais je garde ma virginité Marie-Jeanne la pucelle Ainsi restera-t-elle Le collier À ma tendre fiancée Un beau jour j’ai acheté Un magnifique collier Elle ne pouvait s’en séparer Lentement je l’ai engraissée Elle en est morte étranglée Le bien-aimé Chaque nuit, c’est imparable Se passe le crime effroyable À peine ensommeillé Je n’arrête pas de griffer Le doux et le tendre ami Qui s’invite dans mon lit Le corps du bien-aimé Je transforme en écorché Hier on m’a arrêtée Je n’aurai plus d’invité Et je vais finir ma vie Sans personne dans mon lit Odeur Oui, j’ai commis ce crime infâme Et j’y ai perdu mon âme Ils dégageaient une telle odeur À vous retourner le cœur De cette senteur insoutenable M’est venu le crime effroyable Je les ai tous rassemblés Dans cette sinistre maisonnée J’y ai donné un grand dîner Après avoir bien festoyé Ils y finirent emmurés L’odeur me sortit du nez 8 | 7 Quelques centaines de doigts Quelques centaines de doigts Ont été trouvés chez moi J’en fais la collection Depuis que je suis nourrisson Ne me demandez pas pourquoi La réponse je ne la sais pas Je n’apprécie que les majeurs Mis au congélateur Bien rangés, bien empilés Ils restent mes seuls trophées Quant à leurs propriétaires Il leur reste l’annulaire Bouts On a retrouvé un bout Un deuxième puis un troisième J’ai la manie de découper Ceux qui me passent à côté Peu importe leur physique Je n’ai pas le sens critique Ce que j’aime c’est trancher Toute ma famille y est passée Le désagrégé De l’avoir trop caressé Il est mort désagrégé Est-ce ma faute à moi Si sa chair ne résista pas Sur son cœur longtemps léché Est apparue une trouée Ma douce main y a plongé Et je m’en suis emparé Il passa de vie à trépas J’entends le mien à grands pas Mon cœur n’est plus à prendre Et vous pouvez me pendre Jean Malver Quel crime plus effroyable Que de tuer son semblable J’ai tué mon homonyme Le pauvre avait la même mine Quel plus grand désarroi Que de croiser chaque jour mon moi De cette mine patibulaire J’en ai fait mon affaire Je l’ai vite refroidi Un matin dans son lit Souvenez-vous des Jean Malver Les deux ont fini en enfer Cette tête que j’adorais Parce que je l’ai trop aimé x 2 La tête va m’être tranchée Juste réponse à ce qu’on dit Pour ce qu’on trouva sous mon lit À trop regarder son visage x 2 J’ai voulu garder son image La tête de mon bien-aimé Hier soir, j’ai tailladé Chaque soir je la regardais x 2 Cette tête que j’adorais Et de la mienne vous ferez Ce que bon vous voudrez Mes trois sœurs Mes trois sœurs on a trouvé Les cheveux tout emmêlés Longtemps on m’a accusée D’ les avoir attachées Je me suis juste contentée Toute une nuit de les effrayer D’effroi elles se sont mêlées On a dû leurs cheveux couper Depuis lors, elles sont rasées Leurs cheveux n’ont jamais repoussé Quant à moi, on m’a enfermée Pour une telle cruauté 10 | 9 Les enchantés, dix chansons sur des airs de comptines, performance et installation, 2006 12 | 11 14 | 13 16 | 15 18 | 17 22 | 21 24 | 23 irregardable ordure si on me prend on me cache, si on me cache je deviens fou ne me regarde pas, ne regarde personne même le dos tourné je sens tout le temps le poids de ton regard tu es un monstre et jamais personne ne pourra te regarder en face tu n’existes pas, il suffit de ne pas te voir si mes yeux deviennent aveugles, c’est ta faute, rien à voir autour à part toi 28 | 27 Boxes, sept caissons lumineux, impression laser, taille variable, 2007 | Box 1, 33 x 4 cm, 2007 Paul Sant a été trouvé mort à son domicile, gisant sur le sol de son palier. Il a été victime d’une blessure par balle dans l’œil gauche. Le tueur a vraisemblablement tiré à travers le judas de la porte d’entrée. Tout porte à croire que Paul Sant a été confondu avec un homonyme. 30 | 29 Il me parlait et je ne voyais pas son visage. À la place une trouée grise. Une tache indélébile. Mon centre de vision est perdu à jamais. Mon regard n’existe que périphérique. Une périphérie que je devine plus que je ne vois. Plus de rouge écarlate et de bleu azur. Les couleurs apparaissent pâles et fades. Dégénérescence de la macula, ce petit point jaune au fond de l’œil, telle est la maladie dont souffrent mes yeux. L’optogramme ou image condamnatoire, relève d’une croyance scientifique apparue au dix-neuvième siècle. Après de curieuses expériences ophtalmologiques il est démontré que les objets extérieurs, qui impressionnent la rétine de l’œil, peuvent s’y conserver indéfiniment. L’organe de la vision contient une substance particulière, le pourpre rétinien, sur laquelle se fixent précisément ces images. On croit alors que la photographie de la rétine des personnes assassinées, afin de visualiser la dernière image enregistrée au fond de l’œil au moment de la mort, permettrait l’identification du criminel dans les cas d’homicides. Cette croyance perdure : aujourd‘hui encore les assassins détruisent les yeux de leurs victimes. 32 | 31 Judas, Optogramme, Macula, textes sablés sur miroirs, 24 x 18 cm, 2007 Toutes les nuits je suis enfermé dans un caisson. Il est rempli de tubes fluorescents bleus. J’ai passé la moitié de ma vie allongé dans cette boîte. La lumière court sur tout mon corps sans en oublier une seule parcelle. Tout doit être imprégné de bleu. C’est la condition de ma survie. Sans lumière bleue, je meurs. Je suis jaune. Une maladie rare. Au plus mal je suis, au plus jaune je deviens. Depuis ma naissance ma peau est jaune, complètement. Une peau translucide, lumineuse, et diaphane. Elle m’isole. Les autres en ont peur. Ils ne comprennent pas cette couleur sur mon visage, mon cou, mes mains... Mes journées comme mes nuits, je les passe seul. Aucune amante ne pourrait supporter la lumière bleutée de mes nuits. Une heure passée à côté de moi et leur peau en serait brûlée, à jamais. 34 | 33 Crigler-Najjar, caisson lumineux, impression laser, 44 x 50 cm, 2006 36 | 35 38 | 37 40 | 39 42 | 41 44 | 43 46 | 45 Paul Sant a été trouvé mort à son domicile, gisant sur le sol de son palier. Il a été victime d’une blessure par balle dans l’œil gauche. Le tueur a vraisemblablement tiré à travers le judas de la porte d’entrée. Tout porte à croire que Paul Sant a été confondu avec un homonyme. Elle s’est frottée, frottée, se retournant continuellement à la même place, à même le sol. Ce geste répété durant plusieurs années a entraîné la mort de Justine C. et par là même, a creusé son tombeau. Un homme a été interpellé ce samedi matin, il est accusé du meurtre de deux jeunes hommes. Les corps des victimes étaient placés sous son matelas. La mort remonterait à plusieurs semaines. Stupeur et effroi dans la petite ville de Monsurrat après la découverte de restes humains dans un chalet de montagne. Il s’agit de trois squelettes étrangement imbriqués par la cage thoracique. On ne peut encore expliquer et situer ce uploads/Geographie/ profond-silence-agnes-geoffray 1 .pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 09, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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