Georges BORDONOVE Conférence prononcée à Paris, le 16 décembre 1992 à la Fondat
Georges BORDONOVE Conférence prononcée à Paris, le 16 décembre 1992 à la Fondation Dosne-Thiers, Place Saint-Georges (Paris IX°) Sous le patronage de la Société Française pour la défense de la Tradition Famille et Propriété - TFP Conférence prononcée par Georges Bordonove à Paris, le 16 décembre 1992. (Présentation succincte du conférencier) Mesdames, Messieurs, je n’ai plus qu’à essayer de me rendre digne des paroles élogieuses que vous venez d’entendre. Car, il n’est pas si facile que cela de rendre présent dans Louis IX, à la fois le roi et le saint. Mais enfin, je vais essayer de le faire. * La question qui se pose, fondamentalement, est celle-ci : - qui était en réalité Louis IX, ce roi qui fut capable de devenir un saint, sans cesser d’être un roi, et j’entends par là un roi à part entière, et non un fantôme ou un semblant de roi, qui fut capable de dissocier constamment sa vie personnelle, sa vie intérieure, mystique, de sa vie publique ? Le reste en dehors de cette question, est «événements». Et les événements, je les rappellerai en gros, je vous renverrai à différentes études, à différents manuels sur la vie de Saint Louis, pour souligner ou essayer de souligner le cheminement intérieur de ce roi à travers sa vie publique. Dans ses études historiques, Chateaubriand - on a beaucoup oublié les études historiques de Chateaubriand, et c’est dommage ! - Chateaubriand écrivait : «Chaque époque historique a un homme qui la représente. Saint Louis est l’homme modèle du Moyen-Age. C’est un législateur, un héros et un saint. Le temps où, il a vécu rehausse encore sa gloire par le contraste de la naïveté et de la simplicité de ce temps. Soit que Saint Louis combatte sur le front de la Mansour [Chateaubriand voulait dire «Mansourah»], soit que, dans une bibliothèque, il rende compte de la matière d’un livre à ceux qui viennent lui demander, soit qu’il donne des audiences publiques, ou juge des différends au pas de la porte ou sous le chêne de Vincennes, sans huissiers et sans gardes, soit qu’il résiste aux entreprises du Pape, soit que les princes étrangers le choisissent pour arbitre, soit qu’il meure sur les ruines de Carthage, on ne sait lequel le plus admirer, du chevalier, du clerc, du patriarche, du roi ou de l’homme.» Et Michelet [je le cite rarement, vous devez vous douter pourquoi...], Michelet lui-même reconnaît qu’avec Saint Louis, le Moyen-Age avait donné son idéal, sa fleur et son fruit, et que, je cite, »ce vrai roi, juste et pieux, équitable juge du peuple, avait singulièrement accru le prestige de la dynastie capétienne». Il est quasi évident, quand on connaît la vie de Saint Louis que, s’il avait pu suivre sa pente, il eût certainement préféré vivre dans l’abstinence et la méditation. Car, il avait très réellement la vocation monastique, mais il ne pouvait se soustraire à sa fonction, car il aimait trop son peuple pour lui manquer. Il vivait donc un contrepoint quasi permanent, entre ses aspirations et ses actions, entre sa pensée la plus secrète et ses obligations, entre l’état de prince et l’état qu’il a peu à peu gagné dans sa vie, l’état de saint. Il savait paraître en grand équipage, il savait accueillir fastueusement, il donnait des fêtes et des festins quand cela était nécessaire. Il tenait son rang de roi, mais dans le privé, il ignorait le luxe, il coupait largement son vin, il mouillait les sauces qu’on lui servait pour leur enlever du goût. Quand il se rendait aux processions, il portait des chaussures sans semelles afin de ménager, d’un côté l’opinion, tout en marchant pieds nus, c’est-à-dire dans la boue ou sur des graviers, car les rues de Paris n’étaient pas toutes pavées, il s’en fallait de beaucoup. C’était un soldat intrépide, habile à conduire une charge, payant de sa personne, alors que son heaume doré surmontait celui de tous ses barons et le désignait beaucoup. Cependant, il avait en même temps horreur du sang versé et, après la bataille, il s’employait à soigner les blessés et à sauver les prisonniers. Ses pratiques religieuses étaient telles qu’elles inquiétaient ses chapelains eux-mêmes qui craignaient pour sa santé. Il sortait de ses méditations ou de ses extases comme égaré, pour ainsi dire épuisé, au bord de l’évanouissement. Mais, l’occasion s’offrant, le même homme savait être le mieux-disant, le plus courtois, le plus gai. Il riait parfois de bon coeur, aux éclats, sans toutefois que cette gaieté s’exerçât aux dépens d’autrui, sans que jamais il ne se permît ou il ne permît une grossierté ou un juron. »Roi très chrétien», il le fut, plus que n’importe lequel de ses devanciers et que ses successeurs. Mais pour autant, il savait tenir tête au pape et aux évêques, avec une inflexible rigueur, s’il estimait être dans son droit. Je rappelle pour mémoire, qu’il naquit à Poissy. Il se titrait lui-même, assez joliment, «Louis de Poissy». On a des chartes qui sont signées «Louis de Poissy». Il naquit en 1214, grande date : c’est l’année de Bouvines. Son grand-père paternel était Philippe-Auguste, lequel mourut en 1223. Le futur Saint Louis, - et cela a une certaine importance - retint diverses paroles du vieux roi. Il reçut de lui des principes de gouvernement que l’on retrouvera au cours de son règne. Il hérita surtout de lui le sens tout capétien de l’autorité. Bouvines, vous le savez, est l’une des plus grandes dates de l’histoire de France, et peut-être, à certains égards, de l’Europe. Philippe-Auguste y écrasa une coalition extrêmement redoutable anglo-allemande et par surcroît, appuyée par les Flamands. Le royaume qu’il laissait, la puissance qui était la sienne, étaient sans comparaison, en 1223 à sa mort, avec le royaume et la puissance que détenaient ses devanciers les plus immédiats, c’est-à-dire ces pauvres roitelets qui portaient le titre prestigieux de «roi de France», mais qui n’étaient en fait que roitelets de l’Ile de France et de l’Orléannais, et que les riches Plantagenet toléraient à peine, du bout des lèvres, avec une espèce de mépris, parce que les Plantagenet étaient rois d’Angleterre, mais possédaient à peu près tout l’Ouest du royaume de France, ce qui veut dire qu’ils régnaient de Londres à Bayonne... (en stylisant au maximum). Le père de Saint Louis était Louis VIII surnommé »le Lion», et sa mère l’illustre Blanche de Castille. Louis VIII mourut prématurément, en 1226, au retour d’une bataille contre les Albigeois. Louis IX fut donc couronné roi à douze ans. Inutile de dire que sa minorité fut trvaresée de difficultés, d’obstacles nombreux, car les féodaux avaient assez mal supporté l’extension du pouvoir royal qui ruinait peu à peu leur autonomie à eux, grands seigneurs. Par bonheur, les conseillers royaux, une équipe de tout petits nobles et de roturiers, enfin de bourgeois, qu’avait recrutés Philippe-Auguste et conservés Louis VIII restèrent en place. Ils manoeuvrèrent supérieurement, car ils avaient discerné dans Blanche de Castille l’étoffe d’un véritable chef d’état. Ils la firent donc proclamer régente. Louis IX n’accéda au pouvoir réel qu’en 1234. UN CADRE GENERAL: Je donne un cadre général : en 1248 il conduisit la croisade d’Egypte, puis s’installa dans ce qui restait du royaume de Jérusalem, dont il ne partit qu’en 1254. En 1270 il reprit la croix, la croix des croisés. Il s’en fut mourir à Carthage, c’est-à-dire près de Tunis. D’autre part, son oeuvre de législateur, d’arbitre international est connue. Reste toujours la même question: mais qui était donc l’homme réel qu’on appelle Saint Louis, qui a d’abord été Louis IX ? Comment a été possible cette alliance en tous points singulière, entre un mysticisme dévorant, et le pragmatisme bien connu des Capétiens ? * * * Il y a quelques années, - j’ouvre une petite parenthèse - afin de parachever la vie de Charles VII, nous étions, ma femme et moi, dans la vallée de la Meuse, où nous vagabondions quelque peu, entre Vaucouleurs et Donrémy. Cette petite ville, ce village où Jeanne d’Arc a laissé des souvenirs ineffaçables, des traces à la fois visibles et invisibles - invisibles, elles sont plus fortes, car elles restent gravées dans les coeurs... - relevait de la baronnie de Joinville. Lorsque Jeanne d’Arc se rendit à Chinon, elle passa par l’abbaye Saint Urbain qu’avaient fondée les aïeux du chroniqueur Jean de Joinville. Ces bois, ces collines, cette Meuse dont les méandres traversent une vaste plaine, furent le premier environnement, à la fois de Jeanne et de Joinville. Et cette lumière si vive, si tendre aussi, fut le premier lait qui nourrit leurs âmes. Et cela est important, car il y a des points communs entre Jeanne d’Arc et Joinville, à savoir la piété, le bon sens, le réalisme, le don de risposte, l’humour, l’esprit tout de finesse, la verve piquante, la fermeté... en sorte qu’il n’est pas exagéré de dire que, si Jeanne, la pauvre, la grande, la sublime Jeanne avait eu le loisir, elle aussi, de laisser des mémoires, elles auraient la limpidité, la saveur, les traits d’humour uploads/Geographie/ saint-louis-ix-bordonove.pdf
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- Publié le Oct 09, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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