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HAL Id: halshs-01412002 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01412002 Submitted on 7 Dec 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. GEOGRAPHIE QUANTITATIVE ET ANALYSE SPATIALE : QUELLES FORMES DE SCIENTIFICITES? Lena Sanders To cite this version: Lena Sanders. GEOGRAPHIE QUANTITATIVE ET ANALYSE SPATIALE : QUELLES FORMES DE SCIENTIFICITES? . Thierry Martin. Les sciences humaines sont-elles des sciences?, Vuibert, 2011, 978-2-7117-2234-1. ￿halshs-01412002￿ GEOGRAPHIE QUANTITATIVE ET ANALYSE SPATIALE : QUELLES FORMES DE SCIENTIFICITES?1 Lena SANDERS2 La géographie recouvre un champ de recherche relativement large et varié et elle ne connaît pas les mêmes convergences méthodologiques que par exemple l’économie. Différentes approches et formes de scientificité se côtoient et les objets d’intérêt relèvent aussi bien des sciences de la nature (climatologie, biogéographie) que des sciences sociales (géographie urbaine, géographie sociale par exemple). Certaines questions chères aux géographes sont d’ailleurs à l’interface de ces champs, tel est le cas des problématiques relevant de l’environnement et du développement par exemple. Comme l’indique le titre, le choix a été fait dans cette contribution au débat, de concentrer la réflexion sur certains courants de la géographie, ceux qui ont été les plus concernés par ce qui a été qualifié de « scientifisation ». Il s’agit de montrer, à partir des pratiques des géographes en matière de quantification et de modélisation, quelles formes de scientificité se dessinent et de les comparer à d’autres pratiques de scientificité en sciences sociales, notamment en économie. La pratique de la modélisation est relativement courante dans la discipline depuis une cinquantaine d’années, mais sous des formes qui ont varié au cours du temps. Elle est en général le fruit du transfert de concepts et de méthodes développés dans d’autres champs disciplinaires, pour être adaptés aux problématiques géographiques. Ces transferts proviennent de la statistique d’abord, puis de la physique, et plus récemment du champ interdisciplinaire des sciences de la complexité. Les différents apports conceptuels et méthodologiques qui en sont issus se révèlent complémentaires et participent à l’évolution de plusieurs champs de recherche en géographie qui sont fortement structurés par l’approche systémique. 1. Quelques périodes clés dans la « scientifisation » de la géographie : de la géographie quantitative à l’analyse spatiale Il ne s’agit pas ici de faire un historique de la scientifisation de la géographie, il existe plusieurs travaux resituant ce processus dans l’évolution de la géographie, mais plutôt de pointer quelques périodes-clés avant de proposer une analyse plus précise de certains tournants et de leurs implications en matière de construction de la connaissance. Le grand tournant se situe dans les années 1950-60 aux Etats-Unis. On reprochait à la géographie d’être « non scientifique », de décrire sans proposer d’explication sur les processus et les phénomènes étudiés. Il y avait un fort désir de changer les pratiques de la discipline, d’introduire le « scientific thinking », de faire de la géographie une science. Il s’agissait de passer d’une approche idiographique, alors dominante, à une démarche plus nomothétique, avec l’ambition de mettre en évidence des régularités dans l’espace géographique, d’identifier des lois. La quantification est déjà largement développée, mais elle procède au travers de chiffres bruts, au service d’une démarche très descriptive. L’adoption des méthodes statistiques permettra une approche synthétique, répondant aux besoins des chercheurs peu outillés jusque là pour appréhender de grandes masses d’informations chiffrées. Enfin et surtout, est introduite la démarche hypothético-déductive dans la discipline. On passe d’une géographie des lieux (l’espace est appréhendé comme une collection de lieux) à une géographie de l’interaction spatiale (l’espace en tant que système) (Robic 1990). 1 Texte paru dans « Les sciences humaines sont-elles des sciences ? » sous la direction de Thierry Martin, Paris, Vuibert, 2011. 2 UMR Géographie-cités, Université Paris 1 – CNRS – Université Paris 7 Pourtant, des travaux à caractère théorique sur l’organisation de l’espace géographique avaient été réalisés bien avant. On peut citer Von Thünen, économiste, qui a modélisé dès 1826 la configuration spatiale des utilisations du sol autour de la ville en fonction de la rente foncière et du coût des transports, et Christaller, géographe, qui proposa environ un siècle plus tard, une théorie rendant compte des espacements des villes en fonction de leur niveau hiérarchique. Cependant, ces travaux précoces, considérés comme fondamentaux par la suite et qui ont inspiré à la fois géographes et économistes spatiaux, n’étaient pas connus des géographes avant ce tournant théorique et quantitatif des années 1960. Ce mouvement, qui a été qualifié de révolution quantitative et qui a donné lieu à « the New Geography », est parti des Etats-Unis, Grande Bretagne et Scandinavie, et s’est ensuite diffusé dans l’ensemble des autres pays. L’arrivée est tardive en France et se fait grâce à des passeurs comme H. Raymond, J-B. Racine, A. Bailly, B. Marchand. La diffusion en est en revanche rapide, et donne lieu à une géographie quantitative qui se présente d’emblée comme plus intégrative, moins mathématique, plus systémique que dans les pays anglo-saxons. Décrivant l’histoire de ce mouvement, D. Pumain et M-C. Robic (2002) soulignent qu’il n’a rien d’institutionnel, qu’il est porté par une communauté de chercheurs jeunes, pas encore professeurs, assez féminine, dans laquelle le rôle de la province est moteur (Groupe Dupont3), et qu’il s’est en grande partie auto-organisé. Une « géographie théorique et quantitative » se développe donc en France à partir des années 1970, mais si ce courant se renforce, l’expression elle-même ne fait pas consensus. « Le progrès de la science a permis de généraliser l’emploi raisonné et mesuré de la mesure et de la méthode hypothético-déductive, et dès lors de se débarrasser d’un adjectif erroné et inutile : la « géographie théorique et quantitative » des années 1960 à 1980 n’a plus de raison d’être : on n’imagine pas, en effet, une science qui ne s’efforcerait pas de mesurer du mieux possible ce qu’elle avance, et de s’appuyer sur de solides théories, que ses développements contribueront à transformer ». (Brunet et al., 1992) Pour d’autres cette terminologie est chargée d’une connotation négative, évoquant un néo-positivisme qui empêcherait d’intégrer d’autres tournants. Cette terminologie paraît plus assumée par la géographie anglo-saxonne dont des ouvrages récents comprennent l’expression « quantitative geography »4 dans leur titre (Fotheringham et al., 2000 par exemple), mais il y existe par ailleurs des barrières plus étanches qu’en France entre les différents courants traversant la discipline. C’est l’expression « analyse spatiale » qui va rapidement dominer pour désigner ce champ de recherche, qui est du coup partagé avec d’autres disciplines. Nombreuses sont en effet celles pour lesquelles la dimension spatiale du phénomène étudié fait sens. Il n’y a cependant toujours pas consensus sur le contenu que cette expression désigne comme l’illustrent les trois définitions suivantes : • « whole cluster of techniques and models which apply formal, usually quantitative, structures to systems in which the prime variables of interest vary significantly across space”5 (Longley, Batty, 1996) 3 Il s’agit d’un réseau de recherche qui a été à l’initiative des colloques Géopoint qui ont lieu à Avignon tous les deux ans depuis 1976, organisés autour de thématiques innovantes en géographie 4 Le décalage entre l’utilisation de l’expression dans les langues française et anglaise ressort d’autant plus si on la compare avec les champs de la sociologie et de l’histoire. Le nombre d’occurrences obtenues lors d’une recherche sur Google l’illustre bien : Géographie quantitative : 1 070 Quantitative geography : 15 400 Histoire quantitative : 8 260 Quantitative history : 16 100 Sociologie quantitative : 5 120 Quantitative sociology : 6 160 5 « tout un regroupement de techniques et de modèles qui appliquent des structures formelles, généralement quantitatives, à des systèmes dans lesquels les principales variables retenues évoluent de façon significative à travers l’espace » • « Rechercher, dans les caractères d’unités spatiales, ce qui relève de leur position géographique, en particulier relative, ce qui oblige à modéliser la structure spatiale. » (Charre, 1995) • « Analyse formalisée de la configuration et des propriétés de l’espace géographique, tel qu’il est produit et vécu par les sociétés humaines » (Pumain, Saint-Julien, 2001) La première adopte une entrée clairement méthodologique, avec l’idée d’une approche formelle, tout en insistant sur les notions de système et de différenciation spatiale. La seconde, particulièrement ciblée et synthétique, entre par les « unités spatiales » qui apparaissent ainsi comme les objets privilégiés de l’analyse spatiale, et les associe à une démarche qui se veut d’emblée explicative et modélisatrice. La troisième définition est plus générale en choisissant de faire référence à l’espace géographique en y associant une forte dimension thématique. L’analyse spatiale est tout cela et il est intéressant à ne pas la réduire à ses seuls aspects techniques même si les avancées des deux dernières uploads/Geographie/ scientificite-ls.pdf

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