Les merlons pare-blocs : de l’expérimentation à la simulation numérique Chaque

Les merlons pare-blocs : de l’expérimentation à la simulation numérique Chaque année en montagne, des routes sont bloquées, des bâtiments détruits, voire des vies humaines perdues à cause de chutes de pierres ou de rochers. Afin d’optimiser les ouvrages de protection, il est nécessaire de développer des techniques nouvelles de conception et de dimensionnement. Ici, il est question d’une nouvelle génération d’ouvrages : les merlons pare-blocs modulaires construits à partir de géo-cellules. Les auteurs nous présentent la démarche de recherche suivie, et les méthodes expérimentales et numériques mises en œuvre pour l’élaboration de ce nouvel outil. Les merlons pare-blocs : quelques repères Les falaises ou escarpements rocheux sont à l’origine de chu- tes de pierres et de blocs, phénomènes brutaux impliquant des volumes de roche de quelques dm3 à quelques m3. Ces phénomènes surviennent lorsque la roche présente une certaine prédisposition liée, par exemple, à sa stratigra- phie*, son hétérogénéité ou à son altération et qu’elle est exposée à l’action d’un ou de plusieurs facteurs aggra- vants tels que les précipitations, les cycles gel/dégel ou encore les séismes. Ces événements sont les aléas* naturels les plus fréquents en zones montagneuses, mais concernent également les zones d’altitude plus modestes présentant des falaises. Chaque année, et principalement en hiver, ils sont à l’origine d’interruptions de circula- tion, de destructions d’infrastructures, voire d’atteintes mortelles aux personnes, même lors d’événements de faible énergie. Les parades structurelles mises en œuvre pour protéger les enjeux contre cet aléa peuvent être de nature active, et placées dans la zone de départ, ou de nature passive, par une action sur le phénomène une fois développé. Dans le premier cas, il s’agit d’empêcher le départ des blocs, par exemple par des filets plaqués sur la falaise. Dans le second, qui nous intéresse ici, l’objectif est d’agir sur la trajectoire du volume de roche en mouvement, soit pour le dévier, soit pour l’immobiliser. Différents types de structures passives peuvent être mises en œuvre, dont les écrans de filets*, les galeries* et les merlons*. Les premiers sont des structures composées d’une nappe de grillage ou de filets, supportée par des haubans, fixes ou mobiles. Les galeries sont des ouvrages en béton armé couvrant les voies de circulation routières et ferroviaires. Les merlons sont des ouvrages en rem- blais auxquels on associe une fosse de réception, du côté du versant à l’origine de l’aléa. Ces différents types de parade ont leurs propres contextes d’application. Ainsi, les merlons ne peuvent être implantés sur des versants à très forte pente ou en pied de falaise, contrairement aux galeries. Ils ont également leur propre domaine d’effi- cacité en termes d’énergie cinétique* et de hauteur de passage du bloc à intercepter, à l’emplacement prévu pour l’ouvrage. Ces deux paramètres sont issus de l’étude trajectographique et sont des données d’entrée essentiel- les au dimensionnement de ces ouvrages. Dans leur conception classique, les merlons sont consti- tués des matériaux issus de l’excavation de la fosse de réception. Ce remblai est renforcé par des inclusions de type géosynthétique*, permettant notamment de raidir le parement exposé à l’impact, dans le but de réduire le risque de franchissement par le bloc. Une particularité française consiste à utiliser des pneus soit en renforce- ment de remblai, soit uniquement en parement à l’amont (photo 1 ). Les merlons sont utilisés de plus en plus fréquemment depuis la fin des années quatre-vingt ; leur nombre actuel en France dépasse les deux cents unités. Ces ouvrages ont une longueur allant de quelques dizaines de mètres à 800 mètres pour une hauteur allant de 3 à 10 mètres, voire plus. Parce qu’ils nécessitent un terrassement important et mobilisent des grands volumes de maté- riaux, ces ouvrages sont relativement coûteux, avec un coût moyen rapporté au mètre carré de parement d’en- viron 150 euros, études et travaux compris. Un dimensionnement souvent perfectible Malgré le rôle important qu’ils assurent en termes de protection, la conception et le dimensionnement de ces ouvrages demeurent très simplifiés. Ainsi, l’efficacité des merlons est réputée liée à leur masse : l’ouvrage doit être suffisamment pesant pour arrêter le bloc. En conséquence ::::::::::::: Sciences & Territoires n°02 198 Chutes de blocs : ouvrages de protection et prévention des risques de cette simplicité de principe fonctionnel, les merlons sont d’emprise au sol et de volume très importants. Pour ce qui concerne le dimensionnement courant, les merlons sont principalement calculés au regard de cri- tères statiques, les sollicitations dynamiques étant rare- ment prises en compte. La première étape consiste à vérifier la stabilité locale de l’ouvrage, compte tenu de son enveloppe géométrique, au sens conventionnel de la géotechnique*, c’est à dire vis-à-vis du renversement, du poinçonnement et du glissement. Puis, on vérifie la stabilité externe, c’est-à-dire la stabilité globale du talus en considérant la surcharge apportée par le merlon. Pour ce qui concerne plus spécifiquement le comportement de l’ouvrage lors de l’impact, plusieurs approches, de niveau de complexité croissant, peuvent ensuite être retenues : • • niveau 0 : consiste à supposer que l’ouvrage, par sa masse, est capable d’arrêter le bloc rocheux ; • • niveau 1 : consiste à évaluer la stabilité de l’ouvrage en considérant un équivalent pseudo-statique à la force dynamique appliquée par le bloc (considérant une valeur moyenne). On associe à ces calculs des coefficients de sécurité élevés, traduisant la réserve sur l’hypothèse faite en retenant un équivalent statique ; • • niveau 2 : consiste à appréhender les principaux mécanismes survenant au sein de l’ouvrage lors de l’im- pact (compactage, frottement) et à comparer, par une approche analytique, l’énergie cinétique du bloc avant impact avec l’énergie dissipée par ces mécanismes ; • • niveau 3 : consiste à recourir aux outils numéri- ques pour simuler l’impact et évaluer la déformation de l’ouvrage. Cependant, aucune des méthodes visant à prendre en compte les sollicitations dynamiques n’est pleinement satisfaisante, parce que les phénomènes mis en jeu sont complexes et que les déformations engendrées peuvent être très importantes, mais aussi parce que les données issues de cas réels et permettant leur validation sont peu nombreuses. De fait, le dimensionnement se limite le plus souvent au niveau 0, voire 1, c’est-à-dire sans réel dimensionne- ment dynamique. Et lorsque c’est le cas, les méthodes employées sont propres aux quelques bureaux d’études qui les ont développées et souffrent d’un manque de validation. Dans ce contexte, il existe un fort besoin d’optimisation technico-économique des ouvrages de protection de type merlon, qui soit appuyé sur une meilleure compré- hension de leur réponse à l’impact et portant à la fois sur leur principe fonctionnel et sur leur dimensionnement. Des structures cellulaires pour mieux amortir l’impact Le principe du merlon pare-bloc cellulaire consiste à construire tout ou partie de l’ouvrage à partir de géo- cellules*. Les géo-cellules sont des structures tridimen- sionnelles associant une enveloppe manufacturée à un matériau de remplissage granulaire. Dans ce cas d’étude, ces cellules sont des gabions*. L’intérêt de recourir à de telles cellules est de pouvoir adapter les caractéristiques du matériau de remplissage en fonction de l’emplace- ment occupé par la cellule au sein de l’ouvrage. On peut ainsi construire un ouvrage « sandwich » dont les cou- ches successives sont constituées de cellules remplies de différents matériaux. L’objectif est alors de favoriser la dissipation et la diffusion de l’énergie transmise par le bloc lors de l’impact, avec déformation voire dégra- dation de l’ouvrage dans des zones prévues à cet effet, à l’instar de nombreux dispositifs de protection utilisés dans d’autres domaines. ::::::::::::: Sciences Eaux & Territoires n°02 199 Les merlons pare-blocs : de l’expérimentation à la simulation numérique © Service RTM – Restauration des terrains en montagne. 1 Merlon pare-blocs, suivant le procédé Pneutex®, en cours de construction. La figure 1 illustre ce principe avec des cellules de pare- ment remplies de matériaux grossiers et des cellules de noyau remplies de matériaux fins. Les déformations sont concentrées sur ces cellules, réduisant les sollicitations sur le remblai. Ce remblai est alors un massif d’appui qui peut être renforcé pour assurer sa stabilité propre et augmenter ses pentes à l’amont et à l’aval. En cas d’événement important, une partie de l’ouvrage est alors endommagée. La possibilité de réparation est prise en compte dès la conception, répondant aux atten- tes des opérationnels. Cette réparation est rendue plus facile par l’utilisation des géo-cellules, contrairement aux ouvrages monolithiques renforcés par des nappes de géosynthétiques ; les travaux ne concernent que la zone endommagée et ne mobilisent pas de moyens lourds. Par rapport à la démarche globale d’étude du compor- tement de ces structures (encadré 1 ), on présente par la suite des résultats relatifs aux échelles de la cellule et de l’ouvrage. Les cellules considérées ici sont remplies de matériaux grossiers, sachant que des matériaux fins ont également été considérés (sable, mélanges de sable et de déchets de pneus) pour des cellules de différentes dimensions. Caractéristiques des matériaux constitutifs de l’ouvrage La cellule Les géo-cellules sont constituées d’une enveloppe grilla- gée dite « double torsion » dont la maille élémentaire est de forme hexagonale avec pour dimensions 80 et uploads/Geographie/ set-02-article-18.pdf

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