Éthique et économique/Ethics and Economics, 8 (2), 2011 http://ethique-economiq

Éthique et économique/Ethics and Economics, 8 (2), 2011 http://ethique-economique.net/ Commerce équitable et Développement durable : Paradigme, Praxis et Enjeux pour les Organisations By/Par Dimbi Ramonjy _ Professeur Assistant –Groupe Sup de Co La Rochelle ABSTRACT Since its emergence, now more than twenty years, the social project of Sustainable development is becoming institutionalized in France, especially in the context of prioritization of the environment. Fair trade, institutionally defined as contributing to Sustainable development, while renewing its paradigm and seems to be at turning point in its social building, that of a "sustainable trade". The integration of this new framework would offer fair trade organizations such opportunities in terms of environmental strategies and practices. However, this evolution also displays them in surrounding ecological skepticism and clearly questions the effectiveness of their original anthropocentric logic, that of having as focus the marginalized producers in the South. Keywords: Fair Trade, Sustainable Development, Organization, Management RÉSUMÉ Depuis son émergence, il y a maintenant plus de vingt ans, le projet sociétal du Développement durable s’institutionnalise en France, notamment dans un contexte de priorisation de l’environnement. Le commerce équitable, défini institutionnellement comme contribuant au Développement durable, renouvelle alors son paradigme et semble se trouver à moment charnière de sa construction sociale, celui d’un « commerce durable ». L’intégration de ce nouveau cadre offrirait alors aux organisations du commerce équitable des opportunités notamment en termes de stratégies et pratiques environnementales. Cependant, cette évolution les expose aussi à un « écoloscepticisme » ambiant et pose clairement l’effectivité de leur logique originelle, anthropocentrique, celle d’avoir comme essence les producteurs défavorisés au Sud. Mots-clés : Commerce équitable, Développement durable, Organisation, Management JEL Classification: M14, O19, Q01 Développement durable Éthique et économique/Ethics and Economics, 8 (2), 2011 http://ethique-economique.net/ 93 INTRODUCTION Le développement durable est devenu un concept notoirement connu dans notre société contemporaine et tous les acteurs socio-économiques disent y être sensibilisés et sensibles1 depuis au moins une dizaine d’années maintenant. Bien que la notion pourrait être galvaudée, saturée de discours et d’interprétations (Aggeri, Godard, 2006) du fait des acteurs concernés par ce projet sociétal et des contextes divers de son déploiement allant d’un pays à une entreprise par exemples (Allemand, 2007), la définition issue du rapport Brundtland de 1987 fait office de cadre officiel. Le Commerce équitable est aussi concerné par cette vague du Développement durable dès 2001 avec le consensus FINE2. Celui-ci définit le Commerce équitable comme « un partenariat commercial, fondé sur le dialogue, la transparence et le respect dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial » et qui contribue « au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète ». En France, c’est la loi PME de 2005, dans son article 60 qui relie le Commerce équitable au Développement durable en inscrivant le premier dans la Stratégie Nationale de Développement durable plus précisément, dans les défis en matière de production et de consommation durables. Dans la même logique, l’accord AFNOR de 2006 revient sur le Commerce équitable comme outil au service du Développement durable. S’il est nécessaire d’étudier effectivement les apports du Commerce équitable dans la mise en œuvre du Développement durable (Diaz Pedregal, 2006 ; Vandame, Touzard, Lombard, Martinet, 2008), il est tout aussi indispensable d’étudier dans quelle mesure le Commerce équitable intègre le Développement durable en retour. C’est l’objectif de notre article qui approfondit comment le Développement durable a bouleversé le paradigme des organisations du commerce équitable vers un commerce durable (1), incitant ainsi l’adoption de nouvelles pratiques mais aussi l’émergence de nouveaux enjeux de responsabilité sociétale qui impactent la logique originelle du commerce équitable (2). 1 Selon l’étude Nations Unies Global Compact – Accenture de 2010, 93% dirigeants d’entreprises pensent que la prise en compte de la composante développement durable dans leur stratégie va devenir indispensable pour le futur succès de leur entreprise. Source accessible en octobre 2010 sur https://microsite.accenture.com/sustainability/Documents/Accenture_UNGC_Study_2010.pdf. Selon l’étude LH2 de 2009, 89% des Français ont entendu parler du Développement durable alors qu’ils n’étaient que 55% en 2004. Source accessible en octobre 2010 sur http://www.lh2.fr/_upload/ressources/sondages/societe/lh2comite21desirvsvolonte1avril09.pdf. 2 FINE, fait référence aux premières lettres de quatre organisations internationales du Commerce équitable - FLO, IFAT (devenue depuis WFTO), NEWS et EFTA - qui ont adopté cette position commune en 2001. Développement durable Éthique et économique/Ethics and Economics, 8 (2), 2011 http://ethique-economique.net/ 94 1. LE DÉVELOPPEMENT DURABLE, NOUVEAU PARADIGME POUR LES ORGANISATIONS DU COMMERCE ÉQUITABLE Depuis son émergence, il y a maintenant plus de vingt ans, le projet sociétal du Développement durable s’institutionnalise en France notamment dans un contexte de priorisation de l’environnement (1.1) et renouvelle le paradigme du commerce équitable (1.2) qui semble se trouver à moment charnière de son développement, celui d’un « commerce durable » (1.3). Aux sources d’un projet mondial de société, le Développement durable Pour définir le Développement durable, remontons à sa source officielle qui est le rapport en 1987 de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement [CMED, par la suite], dit de Brundtland, du nom de sa présidente. Ce rapport fait suite au sommet sur « l’Homme et l’Environnement » de l’O.N.U. en 1972 à Stockholm qui poussait alors un cri d’alarme sur l’état d’épuisement rapide et inéluctable des ressources naturelles selon les modes industriels de production et de consommation. Selon ce rapport, le Développement durable est défini comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : – le concept de « besoins » et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité ; – et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale imposent sur la « capacité » de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. » (CMED, 1988 : 51). Consacré par la communauté internationale en 1992 au sommet de la Terre à Rio, le Développement durable a ainsi gagné en notoriété et en actes ces dernières années mais avec des interprétations diverses et contextualisées selon les pays, les acteurs et leurs motivations et pratiques (Allemand, 2007). Cependant, ce foisonnement de traductions ne doit pas nous empêcher de revenir à son essence : cet autre développement est d’abord un projet de société et une vision politique du futur de notre Monde. « Contrairement à une idée reçue qui tend à considérer le développement durable comme un concept flou permettant tous les compromis, l’origine de l’expression est ainsi dénuée d’ambiguïté dans le contexte politique dans lequel elle a été formée. » (Aggeri, Godard, 2006 :10). Développement durable Éthique et économique/Ethics and Economics, 8 (2), 2011 http://ethique-economique.net/ 95 Au niveau de la France, ce projet sociétal est intégré dans la politique étatique française depuis 2003 à travers la rédaction d’une Stratégie Nationale de Développement Durable et de ce fait, institutionnalise tous les acteurs socio- économiques de l’Hexagone. Cet engagement s’est concrétisé aussi par l’inscription, en 2005, de la Charte de l’Environnement dans la constitution française. Enfin, en 2007, après une campagne électorale marquée par un lobbying puissant des associations écologistes et des ONG3, un grand ministère d’Etat de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables est mis en place sous l’égide de Jean- Louis Borloo. Son premier acte a été la mise en place d’un Grenelle de l’Environnement réunissant pour la première fois autour de la même table, l’Etat, et les représentants des entreprises, de la société civile et des collectivités locales afin de définir une feuille de route sur les questions diverses comme la lutte contre le changement climatique, la biodiversité, l’agriculture biologique, les OGM, le nucléaire, etc. Ce grenelle a été salué pour sa démocratie participative permettant un consensus large sur ces questions. Pour autant si cette union se retrouvait autour de la loi dite Grenelle 1 en 2009 (dictant les principes), celle de Grenelle 2 en 2010 (devant préciser leurs applications) a laissé sur leur faim les associations écologistes et en suspens de nombreuses questions (pesticides, éolien, aides financières aux particuliers, etc.)4. Plus concrètement, plusieurs signes montrent le frein, voire le recul, par rapport aux ambitions de départ du Grenelle. Ainsi, les acteurs de l’agriculture biologique dénoncent5 la réduction, dans le projet de loi de finances 2011, de 4 000 à 2 000 €, du montant du crédit d’impôt sur le revenu dont bénéficient les agriculteurs convertis à l’agriculture biologique. Ce crédit est censé soutenir le plan « Agriculture biologique: horizon 2012 » visant à tripler les surfaces cultivées en bio pour les porter à 6 % de la surface agricole française en 2012. Un objectif loin d’être atteint puisque ces surfaces plafonnent fin 2009 à 2,6%. Dans la même logique, les acteurs des énergies renouvelables soupçonnent le gouvernement actuel de mettre en danger ces filières en compliquant toujours plus leur développement par des procédures d’autorisation interminables et en dénigrant leur image auprès du grand public6. En tous les cas, tous ces avancées, uploads/Geographie/ supports-de-formation-sur-le-commerce-equitable-et-developpement-durable-paradigme-et-enjeux.pdf

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