1 Technologies des systèmes de stockage de l’énergie électrique Hélène HORSIN M

1 Technologies des systèmes de stockage de l’énergie électrique Hélène HORSIN MOLINARO – Bernard MULTON Edité le 30/04/2019 Bernard Multon est Professeur des Universités au département de Mécatronique de l’ENS Rennes [1] et chercheur dans le groupe SETE du pôle CSEE du laboratoire SATIE [2]. Cette ressource pédagogique est principalement basée sur le module d’enseignement dispensé par Bernard Multon au département Mécatronique de l’ENS Rennes « Energétique électrique » [3] dispensé en 2017-2018 en Master 2 Ingénierie des Systèmes Complexes parcours Enseignement. La part de l’énergie électrique croissante à l’échelle mondiale [4] ainsi que l’émergence de sa production par des ressources renouvelables et variables, donnent au stockage d’énergie électrique un rôle plus important que jamais. L’énergie électricité permet une conversion [5] de toutes les ressources primaires fossiles et renouvelables, et l’accès à tous les services, en premier lieu les plus indispensables, c’est la raison pour laquelle son taux de pénétration progresse et que l’on évoque de plus en plus fréquemment une généralisation de l’électrification à l’ensemble du secteur énergétique. La nécessité de baisse des émissions de gaz à effet de serre, et donc de diminution de la consommation de ressources fossiles, requiert une augmentation drastique de l’utilisation des ressources primaires renouvelables, comme le photovoltaïque ou l’éolien, sources variables et incertaines, mais de très loin les plus disponibles. Dans ce contexte, le stockage de l’énergie électrique apparait donc indispensable pour obtenir une alimentation en électricité plus sûre et plus robuste. L’énergie électrique se stocke rarement directement [6], mais se convertit aisément en d’autres formes (potentielle gravitaire, cinétique, chimique...) elles-mêmes parfaitement stockables. Les excellents rendements de conversion dans les deux sens de transformation, aussi bien lors de la charge que de la décharge, permettent de la restituer, dans la plupart des cas, sans limite thermodynamique majeure. En effet si les transformations ne sont pas trop rapides ni excessivement lentes, les pertes énergétiques peuvent être suffisamment faibles pour considérer un stockage à haut niveau de réversibilité. Cette ressource pédagogique expose les différentes technologies de stockage de l’énergie électrique et leurs caractéristiques quelles que soient les formes intermédiaires d’énergies exploitées (potentielle, cinétique, électromagnétique, électrochimique…). Les caractéristiques des systèmes de stockage électrique ont été préalablement présentées dans une logique d’unification et leur comparaison décrite dans la ressource pédagogique « Introduction au stockage de l’énergie électrique » [7] qu’il est souhaitable d’avoir lue préalablement. 2 1 – Stockage hydraulique gravitaire (STEP1) Les Stations de Transfert d’Energie par Pompage [8] sont des installations constituées de réservoirs d’eau positionnés à des altitudes différentes et d’un dispositif de pompage réversible permettant le transfert de masses d’eau entre ces réservoirs, et ainsi d’exploiter de façon réversible leur énergie potentielle (figure 1). L’énergie stockée s’exprime par : E = MgH Figure 1 : Schéma du principe d’une STEP en cycle fermé, source B. Multon d’après [9] Le schéma figure 1 correspond à une STEP en cycle fermé, or dans de nombreux cas des apports naturels d’eau entraînent des architectures en cycle semi-ouverts (apports dans un des réservoirs) ou en cycle ouvert (apports dans les deux réservoirs). Il s’agit de la technologie de stockage de masse de l’énergie électrique, de très loin, la plus répandue dans le monde (plus de 150 GW de puissance installée). Son coût d’investissement, ramené à la capacité, est parmi les plus bas et sa durée de vie très longue. Cependant, les contraintes environnementales et sociales entravent souvent les nouvelles constructions, ce qui limite leur développement. Mais il reste envisageable de transformer des usines hydroélectriques existantes, équipées de barrage (réservoir haut) et auxquelles il resterait à adjoindre un réservoir de plus faible capacité au niveau inférieur (on disposerait alors d’une puissance élevée et la seule restriction serait une asymétrie de capacité énergétique lors de la recharge). Compte tenu de cette possibilité d’aménagement de barrages existants, le potentiel technique européen, de la capacité de stockage permise par les STEP, a été évalué à plus de 80 TWh [10]. Les STEP demandent, de préférence, des dénivelés naturels suffisants, la mise à profit de cavités souterraines (mines désaffectées par exemple) a été également envisagée pour offrir des possibilités dans des régions sans relief suffisant. Les reliefs de bord de mer sont d’ores-et-déjà exploités dans quelques cas (installation d’Okinawa, au Japon, 30 MW et 180 MWh [11]), le réservoir inférieur est alors constitué par la mer et le réservoir supérieur doit garantir une parfaite étanchéité pour éviter toute pollution des sols. L’usine marémotrice de la Rance, qui fonctionne à l’eau de mer, peut également être utilisée en pompage et réaliser ainsi une fonction de stockage. Enfin, on peut envisager des atolls artificiels en mer [11] qui offriraient un très grand potentiel, bien moins contraint qu’à terre, notamment en association avec des fermes éoliennes offshore. 1 Station de Transfert d’Energie par Pompage (STEP en français) ou PHES pour Pumped Hydro Energy Storage Mode Pompage Mode turbinage Flux de puissance mécanique et électrique Flux d’eau  Réseau électrique  Réservoir supérieur Réservoir inférieur Moteur/Générateur Pompe/Turbine Conduites 3 Selon la technologie et le choix de dimensionnement, les rendements sur cycle rencontrés sont compris entre 65 et 85% pour des puissances allant de quelques dizaines de MW à quelques GW, les valeurs pratiques du rendement résultant alors de choix technico-économiques. La capacité de stockage peut atteindre quelques centaines de GWh et des constantes de temps (voir définition paragraphe 3.3 de la ressource pédagogique « Introduction au stockage de l’énergie électrique » [7]) comprises entre quelques heures et quelques dizaines d’heures. La montée à pleine puissance prend de 10 à 15 min (inertie des groupes tournants, limites de variations de pression dans les installations hydrauliques), ce qui est relativement court dans les grands réseaux mais cela peut ne pas être suffisant, il faut alors faire appel à d’autres solutions technologiques complémentaires. Le réglage de la puissance est souvent discret grâce à plusieurs groupes en parallèle, mais depuis les années 1990, se développent des installations à vitesse variable (généralement avec des machines asynchrones à double alimentation) qui permettent un réglage plus fin mais aussi un meilleur rendement sur cycle. En France actuellement, 4,2 GW sont opérationnels avec des constantes de temps de 3 à 40 h [12]. Figure 2 : La STEP de Revin dans les Ardennes, réservoirs de 7 millions de m3, dénivelé 230 m (puissance jusqu’à 800 MWh), source [13] Centrales Pays Hauteur chute d’eau [m] Puissance de pompage [MW] Puissance de turbinage [MW] Année de mise en service Ludington États-Unis 113 1 872 1973 Vianden Luxembourg 266 à 291 850 1 096 1976 Dinorwig Royaume-Uni ? 1 650 1 728 1984 Grand Maison France 822 à 955 1 160 1 790 1987 Guangzhou Chine ? à 535 ? 2 400 2000 Goldisthal Allemagne 302  1 000 1 060 2003 Bath County États-Unis 353 à 403 2 876 3 000 2004 Figure 3 : Quelques exemples de STEP de plus de 1 000 MW en turbinage, source [8] Parmi les STEP modernes en cours de construction, on peut citer celle de Nant de Drance [14] en Suisse (conçue et réalisée par Alstom, devenu GE entre temps) qui devrait être mise très prochainement en service. Elle comporte 6 pompes-turbines de type Francis de 150 MW à vitesse variable (machines asynchrones à double alimentation avec une plage de +/- 7% autour de la vitesse de synchronisme) et totalise donc une puissance symétrique en pompage et turbinage de 900 MW pour un rendement sur cycle attendu de plus de 80%. 4 Centrales Pays Hauteur chute d’eau [m] Puissance [MW] Achèvement prévu Houanggou Chine 434 1 800 2019 Upper Cisokan Indonésie 276 1 040 2019 Fengning Chine 3 600 2019-2021 Dniester Ukraine 135 2 268 2019-? Kaniv Ukraine 1 000 2020 Tehri Inde 1 000 2020 Figure 4 : Quelques exemples de STEP en cours de construction, source [15] 2 – Stockage hydropneumatique Le stockage hydropneumatique consiste à mettre sous pression un gaz (air ou azote) dans un réservoir par l’intermédiaire d’un compresseur électrique [16], mais si de nombreuses réalisations, proches de la maturité industrielle, ont été testées, force est de constater que cette famille technologique n’a pas encore émergé. La compression d’un gaz (ici, durant la charge) a tendance à produire beaucoup de chaleur, et sa détente (en phase de décharge) du froid. Pour obtenir un rendement élevé, un fluide intermédiaire (huile ou eau) est préférable (système hydro-pneumatique), les phases de compression et détente peuvent être alors quasi isothermes. Les accumulateurs à haute pression et les motopompes sont des technologies matures dans les utilisations directes de l’énergie hydraulique. Leur transposition à des applications électriques est plus récente. Une solution pour obtenir un bon rendement sur toute la plage de pression de fonctionnement est étudiée et consiste à hybrider ces systèmes avec des super-condensateurs ou un volant d’inertie pour assurer les variations rapides de puissance (ces dernières technologies sont décrites aux paragraphes 8 et 9). Pour les systèmes à cycle fermé, la masse d’air est constante, et l’énergie volumique relativement faible, environ 300 kWh/m3 avec des réservoirs sous 300 bars. Les rendements sur cycle peuvent atteindre 75%, les puissances uploads/Geographie/ technologies-des-systemes-de-stockage-de-lenergie-electrique-ensps.pdf

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