Cybergeo : European Journal of Geography Espace, Société, Territoire 2017 828 U
Cybergeo : European Journal of Geography Espace, Société, Territoire 2017 828 Un patrimoine pour la marche. Les sentiers vignerons de Nancy A heritage for pedestrians. The vineyards footpaths in Nancy, France XAVIER ROCHEL, ANNE HECKER ET ALEXANDRE VERDIER Résumés Français English Les anciens sentiers vignerons de Nancy constituent un réseau autrefois utile à l’exploitation des vignobles sur les coteaux de la côte de Moselle. Des anciennes vignes, il ne reste que quelques carrés d’importance toute symbolique. Mais les sentiers sont restés en place et forment un patrimoine apprécié des Nancéiens. Dans le cadre d’un SIG historique, le réseau en question a été cartographié dans son étendue actuelle, et dans son étendue du XIXe siècle à l’époque du cadastre dit napoléonien, réalisé ici entre 1809 et 1833. Des 92 km de sentiers identifiables sur les plans anciens, ne restent que 49 km actuellement. La disparition de la vigne n’est pas directement en cause, car son remplacement par des jardins familiaux, ainsi que la pratique de la marche occasionnelle ont maintenu la fréquentation des sentiers. Mais les coteaux idéalement exposés au-dessus de l’agglomération nancéienne constituent des espaces convoités pour l’urbanisation. En outre, ils sont les seuls espaces disponibles pour la réalisation de voies de contournement entre les zones bâties et les espaces naturels protégés du pourtour de l’agglomération. Le réseau de sentiers, déjà fortement entamé par les équipements réalisés à partir des années 1970, est donc sous la menace constante d’une dislocation progressive. The ancient footpaths around Nancy used to be frequented for the exploitation of vineyards. Nowadays, wine growing has utterly stopped but the footpaths have remained. They are a much-appreciated heritage for local inhabitants. Using a historical GIS, we mapped the network of footpaths as it is now and as it used to be at the beginning of the 19th Century, using the Napoleonian cadastre which was elaborated between 1809 and 1833. The original network amounted to a linear total of 92 km of footpaths, of which only 49 km remain. This dwindling process has nothing to do with the disappearance of Un patrimoine pour la marche. Les sentiers vignerons de Nancy http://cybergeo.revues.org/28517?utm_source=alert 1 sur 18 21/08/2017 à 09:02 vineyards, since they were replaced by family gardens, and the practice of an occasional pleasure walk has maintained the pedestrian traffic. But the urban and peri urban slopes where these footpaths are set are much coveted for urbanization, and they are the only available spaces for bypass routes between the densely-built city and the surrounding, protected natural spaces. The network of footpaths thus appears to be under a constant risk of dislocation. Entrées d’index Mots-clés : géographie historique, géohistoire, mobilité, réseau, paysage, patrimoine Keywords : historical geography, mobility, network, landscape, heritage Géographique : Europe, Europe de l'ouest, France, Lorraine, Nancy Texte intégral Introduction Des réseaux piétonniers, un impératif S’il existe une « urbanité durable », elle se définit en grande partie par l’importance des mobilités douces ; la marche, les réseaux piétonniers doivent y trouver leur place, la « marchabilité » doit être assurée (Pagnac-Baudry, 2015 ; Cervero et Kockelman, 1997 ; Gardner et al., 1996). Outre la création souhaitable de nouvelles connexités, il importe de tirer bénéfice des réseaux existants, qui peuvent constituer un véritable patrimoine piétonnier, comme dans le cas des traboules de Lyon. 1 Les anciens sentiers vignerons de Nancy constituent un réseau autrefois utile à l’exploitation des vignobles sur les coteaux de la côte de Moselle. Des anciennes vignes, il ne reste que quelques carrés d’importance toute symbolique. Mais les sentiers sont restés en place et forment un patrimoine apprécié des Nancéiens. Le réseau permet la desserte de centaines de jardins familiaux, mais aussi la promenade au sein d’une mosaïque de vergers, friches et bois, à quelques pas de la ville ou en son sein même. 2 Ce patrimoine se prête naturellement à une approche géohistorique destinée à en éclairer la genèse et les évolutions. Le réseau en question a été cartographié dans le cadre d’un SIG historique. L’état ancien du réseau a été établi à partir du cadastre napoléonien, réalisé ici entre 1809 et 1833. Le réseau actuel fait l’objet d’une double cartographie, à partir des sources cadastrales d’une part, pour permettre une comparaison cohérente avec les documents du XIXe siècle, et à partir de prospections pédestres d’autre part. Il apparaît que le réseau de sentiers identifiable sur les plans anciens s’est très nettement rétracté en deux siècles. La disparition de la vigne n’est pas directement en cause, car son remplacement par des jardins familiaux, ainsi que la pratique de la marche occasionnelle ont maintenu la fréquentation des sentiers. Mais les coteaux idéalement exposés au- dessus de l’agglomération nancéienne constituent des espaces convoités pour l’urbanisation. En outre, ils sont les seuls espaces disponibles pour la réalisation de voies routières de contournement entre les zones bâties et les espaces naturels protégés du pourtour de l’agglomération. Le réseau de sentiers, déjà fortement entamé par les équipements réalisés à partir des années 1970, est donc sous la menace constante d’une dislocation progressive. 3 Un patrimoine pour la marche. Les sentiers vignerons de Nancy http://cybergeo.revues.org/28517?utm_source=alert 2 sur 18 21/08/2017 à 09:02 pour la ville durable L’espace urbain s’est longtemps composé à l’échelle du piéton et de la pratique dominante de la marche, jusqu’à ce que l’évolution des moyens de déplacement en restreigne l’importance, et avec elle la place accordée aux espaces qui lui étaient associés. La ville médiévale compacte, aux rues étroites et aux métriques piétonnes, s’est ainsi progressivement desserrée, mais c’est la deuxième moitié du XIXème siècle qui enclenche une mutation profonde. Bien que piétons et marche aient été encore placés au cœur du dispositif urbain haussmannien (Ghorra- Gobin, 2010), les innovations techniques de la révolution industrielle conduisent à l’éclatement spatial de la ville. Elles amorcent la réduction du recours aux mobilités piétonnes au profit de transports collectifs, puis des modes individuels, plus efficaces et adaptés à une ville de moins en moins compacte. 4 La prise en compte du piéton dans l’aménagement urbain se transforme radicalement dans la seconde moitié du XXème siècle, sous l’action conjuguée de la généralisation de la motorisation individuelle et de l’émergence de l’urbanisme fonctionnaliste. Au nom de la protection du piéton, la Charte d’Athènes puis le rapport Buchanan (Buchanan, 1964) l’isolent des autres usagers et des usages de la rue, au prix parfois d’un sentiment d’inconfort et de vulnérabilité (Pagnac- Baudry, 2015), et de la mort annoncée de la rue. L’urbanisme des réseaux, la rationalisation urbaine et la vitesse font disparaître l’idée même de « marche » au profit de « trajets » finaux, reliant la voiture au bâtiment. Les déplacements à pied font figure de mobilité résiduelle, « la figure du piéton s’efface au profit de la suprématie des réseaux » (Ghorra-Gobin, 2010). 5 Ce n’est qu’à la fin du siècle que la marche revient au cœur de la ville au moment où émerge l’ambition de produire une ville « durable ». La nécessité de remettre le piéton au cœur des projets d’aménagement de villes denses, et surtout intenses, transparaît dans le Nouvel Urbanisme, notamment popularisé par Peter Calthorpe (Calthorpe, 1993) et formalisé dans la charte d‘Aalborg (1994). Cette dernière s’inscrit néanmoins dans une logique de réduction des mobilités contraintes et de report modal vers des modes de transport respectueux, au nombre desquels la marche se trouve associée au vélo et aux transports collectifs. La volonté de promouvoir réellement les mobilités piétonnes ne transparaît également que faiblement dans les injonctions législatives qui s’inspirent de la « durabilité » (Loi SRU 2000, notamment) et dans les documents d’urbanisme qui en découlent, particulièrement axés sur la pratique cycliste et le retour de transports collectifs qualitatifs. 6 Le retour d’une mobilité piétonne utile, au-delà d’un simple élément de trajet intermodal, a toutefois été favorisé par la montée en puissance de l’argument « santé ». Lisible dans l’évolution sémantique qui place en avant davantage l’idée d’activité que celle de douceur (Reigner et al., 2013), il invoque des mobilités actives, économes et efficaces pour contrer la pollution engendrée par les modes motorisés et les conséquences néfastes de la sédentarité (Lavadinho et Pini, 2005). Néanmoins, l’argument santé et l'image de citadins responsables, délaissant la voiture pour choisir un mode doux, ne doit pas faire oublier que la marche est également un indispensable moyen de déplacement, parfois non-choisi par des catégories de citadins fragilisés par leur âge ou le niveau de leurs revenus (Reigner et al., 2013). 7 Le retour de la marche en ville est également associé à l’idée de bien-être (Bailly, 2014), et à un changement d’image de la ville. Sécurisée, apaisée, moins polluée, embellie, elle s’ouvre d’autant plus favorablement aux mobilités piétonnes, et alimente en retour un marketing territorial axé autour de l’aménité, du « confort du cadre de vie » ou d’une meilleure « qualité de vie en ville » 8 Un patrimoine pour la marche. Les sentiers vignerons de Nancy http://cybergeo.revues.org/28517?utm_source=alert 3 sur 18 21/08/2017 à 09:02 Les sentiers des coteaux nancéiens, un réseau patrimonial (Terrin, 2011). Si certains chercheurs voient dans cette recherche uploads/Geographie/ un-patrimoine-pour-la-marche-les-sentiers-vignerons-de-nancy.pdf
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- Publié le Apv 22, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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