1 Le texte suivant est tiré de Perspectives : revue trimestrielle d’éducation c
1 Le texte suivant est tiré de Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée (Paris, UNESCO : Bureau international d’éducation), vol. XXIII, n o 1-2, mars-juin 1993 p. 407-423. ©UNESCO : Bureau international d’éducation, 2000 Ce document peut être reproduit librement, à condition d’en mentionner la source. CELESTIN FREINET* (1896-1966) Louis Legrand Une vie exceptionnelle Célestin Freinet est né le 15 octobre 1896 à Gars, petite commune montagnarde des Alpes Maritimes françaises. Sa jeunesse se passe comme celle des petits paysans d’alors, au milieu des travailleurs des champs, dans une région pauvre, au climat rude, malgré la proximité de la Méditerranée. Garder des troupeaux n’a pas de secret pour lui : comme devait l’écrire son épouse Elise, "l’expérience pastorale sera pour Freinet le leitmotiv de son expérience éducative" (Elise Freinet, 1977). Après avoir étudié au Cours complémentaire de Grasse, il entre à l’école normale d’instituteurs de Nice. La guerre de 1914 éclate. Freinet est mobilisé. En 1915, à 19 ans, il est grièvement blessé au "Chemin des Dames". Il reçoit la Croix de guerre et la Légion d’honneur. D’hôpital en hôpital, il traîne quatre ans durant une longue convalescence. Atteint au poumon, il ne se remettra jamais complètement de ses blessures et en gardera toute sa vie un souffle court auquel il attribuera lui-même, pour partie, la nature de ses innovations pédagogiques qui donnent à l’activité propre des élèves la place ordinairement laissée à la parole du maître. En 1920, il est nommé instituteur adjoint à l’école à deux classes de Bar sur Loup, commune de 1.000 habitants dans les Alpes Maritimes, non loin de Grasse et de Vence, dans cette région d’arrière pays pittoresque et souvent sauvage, vallonnée, dominée par des montagnes sèches, creusée de gorges, plantée d’oliviers. Cette région, devenue par la suite éminemment touristique, sera le cadre de son activité pédagogique et militante. C’est de cet établissement de village que cet instituteur débutant va à la fois fonder l’imprimerie à l’école, amorcer un mouvement national par ses articles dans la presse professionnelle et politique, participer aux congrès internationaux de l’"Education nouvelle", rencontrer les maîtres d’alors, Ferrière, Claparède, Bovet, Cousinet, lire les classiques de la pédagogie contemporaine tout en préparant l’Inspection primaire qu’il ne passera pas, avant de prendre définitivement ses distances par rapport non seulement à la pédagogie traditionnelle, mais aussi à la pédagogie nouvelle, malgré la révélation que lui apporte Ferrière (Elise Freinet, 1968). débutant va à la fois fonder l’imprimerie à l’école, amorcer un mouvement national par ses articles dans la presse professionnelle et politique, participer aux congrès internationaux de l’"Education nouvelle", rencontrer les maîtres d’alors, Ferrière, Claparède, Bovet, Cousinet, lire les classiques de la pédagogie contemporaine tout en préparant l’Inspection primaire qu’il ne passera pas, avant de prendre définitivement ses distances par rapport non seulement à la pédagogie traditionnelle, mais aussi à la pédagogie nouvelle, malgré la révélation que lui apporte Ferrière (Elise Freinet, 1968). ___________________________________________________________________________ *Titre originel de l’auteur : "Célestin Freinet : un créateur engagé au service de l’école populaire". 2 Il trouve également le temps de s’intéresser au développement de son village natal où il fonde une coopérative de travailleurs pour l’électrification de sa commune. Il est membre actif du syndicat et du parti communistes. En 1925 il se rend en U.R.S.S. avec une délégation syndicale. Il y rencontre Kroupskaïa, femme de Lénine et Ministre de l’Education. Cette activité syndicale et politique aura une profonde influence sur la conception de la pédagogie populaire qui mûrit en lui. Nous y reviendrons. Lorsqu’en 1928 Freinet quitte Bar sur Loup pour Saint Paul de Vence où il a été muté avec sa femme Elise, l’essentiel de son œuvre est amorcé : l’imprimerie, la correspondance interscolaire, la coopérative scolaire et, à l’échelle nationale, la Coopérative de l’enseignement laïque. Freinet est déjà bien connu tant sur le plan national qu’international à la faveur des congrès auxquels il participe ou qu’il organise. De 1929 à 1933, le couple Freinet va approfondir et développer le mouvement lancé. Mais Saint Paul de Vence n’est pas Bar sur Loup. La petite ville est déjà un centre touristique réputé, et l’installation d’un couple d’instituteurs communistes est d’autant moins tolérée que son action nationale et internationale se poursuit et s’amplifie. De sombres et sordides histoires de toilettes bouchées et non nettoyées sont le prétexte, pour la municipalité de droite, de demander et d’obtenir la mutation d’office de ces instituteurs encombrants : pensez-donc, les textes rédigés en toute spontanéité par les enfants mettent en cause des notables ! L’année 1933 verra la montée en France, comme en Allemagne, en Italie et en Espagne des mouvements d’extrême droite. Les Freinet, réaffectés à Bar sur Loup, n’acceptent pas le poste malgré l’accueil que leur font parents et enfants. Ils démissionnent et consacrent dès lors leur temps au développement du mouvement et de la Coopérative de l’enseignement laïque qui est devenue une véritable entreprise de production de matériel et d’édition de documents pédagogiques. C’est ainsi qu’est née l’idée d’une école libre expérimentale. En 1934 et 1935 Freinet réussit, avec l’appui du mouvement, d’amis politiques et de la presse de gauche, à bâtir son école à Vence. Il met lui-même la main à la pâte. Le site est relativement isolé. Le terrain est situé sur une colline et domine une petite vallée. On y accède par un chemin pierreux. Les bâtiments, construits de façon artisanale, sont simples : pas d’étage, de type pavillonnaire. Un bassin au milieu de la cour ombragée où s’ébattent les enfants. Les salles de classes sont spacieuses. Le vert et le blanc y dominent. Les enfants sont pour la plupart internes et appartiennent aux couches sociales défavorisées ou à des familles en difficulté. "Une majorité de fils d’ouvriers parisiens, de cas sociaux venant de l’Assistance sociale, des fils d’instituteurs pour la plupart venus chez nous pour raison de santé, et ça et là quatre ou cinq enfants de familles aisées arrivant parmi nous en toute confiance" (Elise Freinet, 1968). Le soleil est là et l’air de la campagne méridionale avec son odeur si caractéristique de l’arrière-pays niçois. 1939-1940. La seconde guerre mondiale s’annonce et éclate. Freinet, communiste connu, est jugé dangereux pour les éventuelles menées de son organisation. L’U.R.S.S. s’est alliée aux Nazis. Freinet est arrêté et placé en camp de concentration, puis en liberté surveillée. Pendant la guerre, il rejoint puis dirige le maquis du Briançonnais. A la Libération, il préside le Comité de Libération des Hautes-Alpes et reprend son activité à Vence. En 1948, la Coopérative de l’enseignement laïque se transforme en "Institut de l’école moderne", s’implante à Cannes et devient un centre important de fabrication et de diffusion de matériel pédagogique. En 1950, Freinet est exclu du Parti communiste avec lequel il n’est plus d’accord. Il s’ensuit des remous dans son mouvement qui avait gagné de l’importance sur le plan national et international. Ses Congrès tournent en vives confrontations pédagogiques. Freinet meurt à Vence en 1966. Le mouvement continue après sa mort et Elise Freinet entretient la mémoire de son mari. 3 On peut tenter de mieux comprendre cette personnalité exceptionnelle en rappelant quelques-uns de ses traits fondamentaux : sa jeunesse vécue parmi les paysans de Haute- Provence et qui avait profondément marqué sa façon très intuitive et très concrète de penser l’éducation ou, plus généralement, cette Haute-Provence qu’il n’avait jamais quittée, avec le sens profond de la vie et de la douceur de vivre qu’on peut encore y respirer malgré les développements urbains et industriels de la côte ; son dévouement à la cause du peuple et son sens de la justice sociale qui l’avaient amené à concevoir son action pédagogique comme d’une libération intellectuelle de la classe ouvrière et l’avaient conduit à adhérer au Parti communiste et, plus tard, à rompre avec lui ; son sens de l’organisation et sa ténacité tranquille, au milieu des pires difficultés physiques, psychologiques et souvent pécuniaires ; sa culture et sa curiosité toujours en éveil pour tout ce qu’apportaient les innovations techniques et conceptuelles ; enfin, son amour des hommes et sa cordialité qui frappaient tous ses visiteurs dont je m’honore d’avoir été. Les innovations pédagogiques dont il va être question ne prennent leur pleine signification que rapportées à cette personnalité. Sa pédagogie a été pensée comme une activité concrète, vécue comme des "techniques de vie" selon ses propres termes, au service de la libération des hommes. L’originalité des "techniques Freinet" Elise Freinet a bien montré comment l’expérience de Bar sur Loup avait conduit Freinet à intérioriser puis à dépasser les conceptions régnantes, après la guerre de 14-l8, dans le mouvement d’éducation nouvelle qu’il conduisait (1968). C’est d’abord le besoin impérieux, vécu physiquement et psychologiquement, de quitter la salle de classe pour aller chercher la vie dans le riche milieu de la campagne toute proche et de l’artisanat qui s’y pratique encore. La première innovation sera donc celle de la classe-promenade où l’on va observer le milieu naturel et humain, et dont on rapporte à l’école les échos oraux, puis écrits. Les textes ainsi produits seront corrigés, enrichis et constitueront le socle des uploads/Geographie/freinet.pdf
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- Publié le Mar 03, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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