ONU : bilan et perspective Eric Toussaint Université d’ATTAC 2005 Liège - Serai

ONU : bilan et perspective Eric Toussaint Université d’ATTAC 2005 Liège - Seraing 25 septembre 2005 D’abord, quelques recommandations de lectures pour ceux et celles qui voudraient approfondir le sujet. Deux documents : une tribune publiée dans le quotidien Libération au début de ce mois de septembre, sur l’offensive des Etats-Unis à la veille de l’Assemblée générale des Nations unies ; et un document plus long intitulé « Quelle ONU voulons-nous ? ». Pour aller plus loin, je recommande ce livre collectif auquel j’ai participé « L’ONU, droits pour tous ou loi du plus fort ? », paru en mars 2005 à Genève, édité par le CETIM. D’autres lectures recommandées : « Le droit international, un instrument de lutte ? », publication du CADTM parue en décembre 2004 ; le dernier livre de Jean Ziegler « L’Empire de la honte », qui rassemble beaucoup d’informations sur l’ONU, la sous-commission des droits de l’homme de l’ONU et les débats autour du sujet. Lié à l’histoire coloniale de la Belgique et l’ONU dans l’assassinat de Lumumba et dans la sécession katangaise, je recommande le livre « L’assassinat de Lumumba » de Ludo De Witte, paru aux éditions Karthala il y a quelques années. Enfin, sur la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, mon livre « la Finance contre les peuples » qui est paru en 2004 et qui comprend une série de propositions alternatives. Celles et ceux qui sont venus à plusieurs reprises à l’Université d’Attac m’ont déjà entendu parler de la Banque mondiale et du FMI. Je vais cette fois-ci parler surtout des Nations unies en évoquant d’abord un retour à l’histoire, à la naissance des Nations unies ; puis, à la fin, une série de pistes alternatives pour un autre système institutionnel international. Ce sont des pistes soumises à la discussion, dans la mesure où la question de l’architecture mondiale au niveau institutionnel est un problème extrêmement complexe dont on ne débat pas assez. Il manque une élaboration collective achevée tant au niveau d’Attac que de toute une série d’associations qui participent au mouvement altermondialiste. A l’origine des Nations unies C’est en pleine deuxième guerre mondiale, dès 1942, que débutent les débats sur la nécessité de mettre en place, une fois cette guerre terminée, une nouvelle institution internationale remplaçant la défunte Société des Nations. Les débats se déroulent essentiellement entre trois puissances : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Union soviétique. Un des principes de base sur lesquels s’accordent ces trois puissances - élément fort important - est l’égalité souveraine entre des Etats souverains et donc le principe « Un Etat, une voix », lors des décisions à prendre par cette nouvelle institution. Mais, immédiatement, un deuxième accord intervient entre ces puissances : cette règle démocratique fondamentale doit être tempérée par la mise en place d’un directoire composé de quelques Etats, garants de la paix internationale et de l’ordre international. En fait, au cours des débats, se met en place un accord entre cinq pays ; s’ajoutent aux Etats-Unis, à la Grande Bretagne et à l’Union soviétique, la Chine, celle de Tchang Kaï-Chek, et plus tard, quasiment en dernière minute, la France. Ces Etats deviennent les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité. La motivation de l’existence de ce directoire, le Conseil de Sécurité, avec cinq membres permanents, nous est livrée dans une lettre datée du 7 juin 1945, signée par les gouvernements des Etats-Unis, de la Grande Bretagne, de l’Union soviétique et de la Chine ; elle tient en un argument, qui est de poids : « Etant données les responsabilités primordiales des membres permanents, on ne peut s’attendre, dans l’état actuel des conditions du monde, à ce qu’ils assument l’obligation d’agir, dans un domaine aussi grave que le maintien de la paix et de la sécurité, en exécution d’une décision à laquelle ils n’ont pas donné leur adhésion ». D’où l’idée qu’il faut un accord au sein du Conseil de sécurité, afin d’entreprendre une action. On ne définit pas en fait, dans la Charte de l’ONU, un droit de veto, mais la définition de la Charte implique qu’il faut absolument que les cinq membres permanents soient tous d’accord, ce qui, de fait, donne un droit de veto à chacun des cinq. On verra que cela a été soumis à diverses interprétations. Au départ, à la création en 1945, il y a donc soixante ans, les Nations unies sont constituées par 51 Etats membres. Il faut se rappeler évidemment que la majorité, l’écrasante majorité des pays de l’Afrique, que ce soit l’Afrique du Nord ou l’Afrique subsaharienne, et une très grande partie de l’Asie sont encore, à l’époque, constituées de colonies et donc représentées par des métropoles coloniales. Soixante ans plus tard, on est passé de 51 à 191 Etats membres, les deux adhésions les plus récentes étant la Suisse, en 2002, et un nouvel Etat, le Timor oriental. Sur les compétences, l’Assemblée générale des Nations unies peut débattre de tout, mais son pouvoir se limite à émettre des recommandations. L’Assemblée générale des Nations unies ne dispose d’aucun moyen de contrainte. Le lieu de pouvoir est donc ce directoire, le Conseil de Sécurité, notamment ses cinq membres permanents que j’ai cités tout à l’heure ; c’est lui seul qui peut décider d’interventions militaires ou de sanctions économiques. On peut encore relativiser le caractère démocratique de l’ONU en disant que le droit de recommandation de l’Assemblée générale est réduit comme peau de chagrin par l’article 12 de la Charte qui stipule : « Tant que le Conseil de Sécurité remplit, à l’égard d’un différend ou d’une situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées, l’A.G. ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à moins que le Conseil de Sécurité ne le lui demande ». Le Secrétaire général de l’ONU est simplement le plus haut fonctionnaire de l’organisation. Il a en fait un pouvoir extrêmement limité. On dit dans la Charte que sa fonction consiste à attirer l’attention du Conseil sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et la sécurité internationale. La Charte est adoptée au moment où se constituent les Nations unies. Cette Charte possède, elle, un aspect tout à fait révolutionnaire parce que c’est le premier texte instituant international qui commence par : « Nous, les peuples des Nations unies, avons décidé de fonder une institution ». Donc les Etats ou les gouvernements qui participent à la création des Nations unies disposent d’un mandat qui vient des peuples. Nous contestons bien évidemment, que les représentants des Etats représentent réellement les peuples. Cette radicalité démocratique émane du contexte historique : celui d’une lutte largement mondiale contre différents Etats dictatoriaux, en particulier l’Allemagne nazie et le Japon, celui de l’extraordinaire radicalité de la résistance à l’occupation nazie et fasciste, notamment en Europe, celui de la poussée des luttes des peuples pour leur émancipation. D’où la nécessité pour les chefs d’Etats d’adopter un langage qui rompt radicalement avec le langage du camp adverse et qui affirme que la démocratie, le droit des peuples, l’action même des peuples sont les éléments fondateurs de toute légitimité. Deuxième élément extrêmement important au début de l’existence des Nations unies, c’est l’adoption, trois ans plus tard, en 1948, de la Déclaration universelle des droits humains. Celle-ci a aussi un contenu révolutionnaire car c’est la première fois qu’une déclaration est véritablement internationale : il y avait eu, bien sûr, la Déclaration de la Révolution française, la Déclaration de la Révolution américaine - on pourrait même parler ici à Liège de la Déclaration du Congrès de Polleur en 1789 qui radicalise la Déclaration française, mais ce n’est pas mon sujet1. Toutes ces déclarations sont adoptées par des Etats, ou des révolutionnaires, ou des Etats révolutionnaires, alors que la Déclaration qui est adoptée par les Nations unies est universelle et traite des droits 1 J’ai abordé ce sujet dans « La révolution liégeoise de 1789 », in Permanences de la révolution. Pour Un autre bicentenaire, La Brèche, 1989, 307 pages, pp 129 à 141. humains. Jusque là, il n’y avait eu aucune déclaration internationale signée par différents Etats reconnaissant que les droits humains sont une matière qui fait partie du droit international. Il y a donc là une avancée révolutionnaire qui est aussi la conséquence de l’énorme poussée, après la libération, des exigences démocratiques qui s’expriment de 1945 à 1948, et qui amène les rédacteurs, dont le Français René Cassin, à y introduire des choses tout à fait intéressantes. Dès le préambule, on envisage une extension des droits ; les droits définis dans la Déclaration de 1948 sont donc considérés comme évolutifs dans le sens d’une amélioration. Chacun sait bien sûr que l’application, la réalisation de cette Déclaration reste encore, par bien des aspects et pour l’écrasante majorité de la population mondiale, un rêve, un objectif à atteindre. Néanmoins, cet objectif est défini dans un texte qui a été adopté par le concert des nations même s’il faut relever que, dans le contexte de la guerre froide uploads/Histoire/ 06-onu-toussaint.pdf

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  • Publié le Mar 07, 2022
  • Catégorie History / Histoire
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