LES RELATIONS ENTRE LES ROUMAINS ET LES RUSSES KIÉVIENS AUX IXÈME ET XÈME SIÈCL
LES RELATIONS ENTRE LES ROUMAINS ET LES RUSSES KIÉVIENS AUX IXÈME ET XÈME SIÈCLES∗ Vlad Ghimpu♦ Parmi les plus anciens documents liés aux Roumains dans les sources médiévales on compte la première chronique russe Povest’ vremennych let1, où ils apparaissent sous le nom de volohi. Il est question d’un ouvrage assez renommé dans la littérature historique, mais au fil du temps ces mentions ont suscité plusieurs appréciations, voire contradictoires, on n’était pas sûr s’il s’agissait vraiment des Roumains ou d’un autre peuple. Sans nous poser le but d’aborder toute l’historiographie de ce sujet, il est à mentionner que certains chercheurs, surtout les étrangers, ont nié l’attestation des Roumains dans cette source, parce que, dans leur opinion, la chronique faisait référence aux Francs. L’un des plus fameux historiens médiévaux russes V. D. Koroliuk a fait une étude minutieuse des passages respectifs de la chronique russe attribuée au moine Nestor et, de cette façon, a contribué à cela d’une manière positive et objective, appréciation qui pourrait être faite par un historien étranger2. Premièrement, il s’est fait remarqué par la constatation d’avoir nommé les Francs dans la chronique russe par le terme de корлязи (korljazi, ou allemands- korljazi), ce qui exclut les opinions de plusieurs chercheurs qui ont eu en vue les Francs. Une autre conclusion capitale visait le contenu du terme волошская земля par lequel il se référait à l’Italie, ensuite, pour faire une liaison entre l’histoire des Slaves et celle de Rome antique, l’auteur slave de la chronique a inventé un conflit entre les Volohi (c’est-à-dire les Romains) et les Slaves du milieu du Danube de VI-ème siècle. L’essentiel est que cela a été réalisé grâce au fait qu’une population romanisée habitait depuis longtemps parmi les Slaves. Ainsi, selon l’auteur, l’existence de cette population aurait renforcé l’idée de la conquête romane de l’ancienne patrie des Slaves, en spécifiant que cet article introductif de la chronique russe aurait pu être repris d’un ouvrage morave ou tchèque, où l’on niait que les Volohi était appelés Francs, étant donné que ces Slaves d’Ouest étaient entrés en conflit très tôt, ce qui aurait rendu impossible qu’ils soit confondus avec les Volohi en tant que dénomination pour les peuples romans3. ∗ Traducerea în limba franceză de Ghenadie Râbacov. ♦ Dr. Vlad Ghimpu, cercetător ştiinţific la Muzeul Naţional de Arheologie şi Istorie a Moldovei din Chişinău. 1 Povest’ vremennych let, I-ère partie, texte et traduction, Moscou-Leningpad, 1950, p. 206-207, 210, 217-218. 2 V. D. Koroliuk, Volochi i slavjane russkoj letopisi, Chişinău, 1971. 3 Ibidem, p. 5-11. VLAD GHIMPU 4 Au sens de l’historien russe, l’article suivant axé sur les Slaves et les Volohi et daté chronologiquement de l’année 898 dans Povest’ vremennych let coïncide quasiment mot à mot à l’article introductif présenté ci-dessus, mais à cause de la datation fausse, son origine dérive d’une tradition orale qui ne pouvait pas appartenir au milieu russe et probablement provenait du milieu hongrois aussi bien que des Slaves de l’Europe Centrale4. Pour soutenir cette assertion l’auteur invoquait également l’information du Notaire anonyme de la chronique hongroise Gesta Hungarorum, basée sur un ouvrage écrit plus ancien sur les faits des Hongrois, d’après une analyse de l’historien V. P. Shusharin, datée des années 1091-1092, voire du milieu du XI-ième siècle5. La véridicité des nouvelles sur les Slaves et les Volohi de Pannonie, avant sa conquête, selon les gestes magyars, est confirmée par la chronique russe Povest’ vremennych let, selon le sens exact par le prisme duquel il faut comprendre une longue période de cohabitation des Slaves et des Volohi sur un même territoire6. La description de l’Anonyme hongrois visant la migration des Hongrois en Pannonie, ses données sur les circonstances dans lesquelles les Hongrois nomades ont appris des informations sur ce territoire et sa population renforcent une fois de plus les traditions orales sur lesquelles repose l’Anonyme. Elles sont entrées dans la chronique par voie orale ciblée sur le déplacement des Hongrois vers l’Ouest et via la Russie. Dans de telles circonstances on peut admettre avec certitude que dans la chronique russe, de même que dans l’Anonyme, les données sur les Volohi de Pannonie ont apparu non seulement suite à la reprise d’une tradition écrite, mais en premier lieu, d’une tradition orale, comme relate V. D. Koroliuk en fin d’ouvrage7. La confirmation des données écrites par l’historien russe est bien complétée par une province en Grande Moravie ayant à sa tête le roumain Căţel (lat. Cattelus), mentionné dans d’autres articles8, mais la présence roumaine aux frontières des Slaves de l’Est suscite aussi un intérêt particulier et a connu jusqu’aujourd’hui certaines appréciations qui sont plutôt intuitives. Si, d’après l’historien russe susnommé, la mise en lumière d’une tradition orale dans la chronique russe de Nestor et de l’Anonyme hongrois peut être généralement acceptée, dans notre vision, celle articulée sur les Volohi de Pannonie avant la conquête hongroise, sans aucune contestation, semble être quant même exagérée, faisant partie de ses préoccupations plus larges pour découvrir certains éléments de tradition orale inclus dans la plus ancienne chronique russe. En même temps, ensemble avec la mise en relief de ses conclusions justes visant l’existence des 4 Ibidem, p. 15. 5 Ibidem, p. 18. 6 Ibidem, p. 19. 7 Ibidem, p. 20. 8 V. Ghimpu, Românii de la Nistru şi Dunăre în secolele VIII-XII, dans Tyragetia, XV, Anuarul Muzeului Naţional de Istorie a Moldovei, Chişinău, 2006, p. 77-88. LES RELATIONS ENTRE LES ROUMAINS ET LES RUSSES KIÉVIENS AUX IXÈME ET XÈME SIÈCLES 5 Roumains en Pannonie à l’arrivée des tribus magyars, nous sommes d’avis que dans la Chronique de Nestor aussi bien que dans Gesta Hungarorum, par l’emploi du terme découlé des sources écrites, du latin, livresque dans la plupart des cas – volohi dans Povest’ vremennych let et blachi dans Gesta Hungarorum dénote justement le fait que les deux ouvrages ont repris l’information d’une source écrite commune dont l’origine appartient aux Slaves d’Ouest, probablement de la Grande Moravie. Plus tard pour la Hongrie on a utilisé avec prépondérance le mot olah9, mais pour les Slaves de l’Est et en Russie kiévienne les Roumains étaient également très bien connus mais sous un autre nom. Cet aspect des rapports entre les Roumains et les Slaves de l’Est et entre les Roumains et les Russes n’a pas eu jusqu’à ce jour un appui documentaire adéquat et a été souvent interprété d’un point de vue archéologique, d’une manière insuffisante pour l’histoire roumaine (l’archéologie demeure inefficace devant les ouvrages écrits). Ledit problème éveille un intérêt exceptionnel et représente une importance primordiale pour la connaissance historique. Nous allons essayer de le tirer au clair dans les pages qui suivent. Dans la chronique russe Povest’ vremennych let on trouve aussi des références sur l’espace dniestrien-danubien dans la description des tribus slaves qui finit par la mention des Tivertzi, situé sur la rivière Dniestr jusqu’au Danube10. Dans les recherches récentes on met déjà l’accent sur le terme en question11, qui diffère du nom des tribus slaves. De même les Tivertzi ne sont pas mentionnés en tant qu’usagers de langue slave, comme spécifié précédemment, ils n’ont pas payé non plus de tribut au prince de Kiev comme le faisait les tribus slaves. Le mot Tivertzi a subi une métathèse de Tirevtzi, dérivant du nom du fleuve Tyras (Dniestr). Ainsi ce nom désignait-il une population roumanophone par définition géographique ou, dans une nouvelle expression, aurait porté le nom de Dniestriens. A part cela, les Tivertzi étaient caractérisés dans la chronique russe comme Tolkoviny, qui en unanimité signifiait interprète, sans prendre en compte la position spéciale de cette notion dans la chronique russe qui reproduit diverses informations sur différentes familles ethniques et où il existait de nombreuses formes de bilinguisme, mais cette notion n’a été utilisée qu’au cas des Tivertzi, lorsqu’en 907 (ou, selon le traité de paix, en 911) les Russes kiéviens commence la guerre contre le Byzance12. En russe ce terme est entré par le bais des Scandinaves, les mots tolk, tolken, qui font partie de la langue suédoise d’aujourd’hui, signifient traducteur ou interprète dans une acception plus archaïque. La situation ethnique de droite du Dniestr a été aussi décrite par l’empereur byzantin Constantin Porphyrogénète qui a réuni toutes les données de différents informateurs et, probablement, de certaines sources écrites dans un ouvrage conçu dans les années 948-95213. Dans l’optique de cet auteur, par la constatation visuelle 9 V. Ciocâltan, Observaţii referitoare la românii din cronica Notarului Anonim al regelui Bela, dans “Revista de Istorie”, t. 40, nr. 5, Bucarest, 1987, p. 445-453. 10 Povest’ vremennych let, I, p. 210, 217. 11 I. Dron, “Studii şi cercetări” (articole selecte), Chişinău, 2001, p. 39-54. 12 Povest’ vremennych let, I, p. 220. 13 Constantin Porfirogenetul, Carte de învăţătură pentru fiul său Romanos, traduction faite par V. Grecu, Bucarest, 1971, p. 58. VLAD GHIMPU 6 Guerre) ale de conf Petchen tées chronologiquement des siècles VI-XI, on a effectué ensuite de plusieurs forteresses bâties au long de la rive droite de Dniestr qui était détruites à son époque, parce que c’étaient des traces d’églises et de croix. On dit qu’auparavant uploads/Histoire/ 19-muzeul-national-xix-2007-caciulati-pdf.pdf
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- Publié le Jan 13, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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