Lusotopie Recherches politiques internationales sur les espaces issus de l’hist
Lusotopie Recherches politiques internationales sur les espaces issus de l’histoire et de la colonisation portugaises XIV(2) | 2007 Lusomondialisation ? L’économie politique du Brésil de Lula René Pélissier, Les campagnes coloniales du Portugal, 1844-1941 Paris, Pygmalion (Flammarion), 2004, 350 p. Michel Cahen Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/lusotopie/1021 ISSN : 1768-3084 Éditeur Idemec - UMR 7307 Édition imprimée Date de publication : 30 novembre 2007 Pagination : 215-218 ISSN : 1257-0273 Référence électronique Michel Cahen, « René Pélissier, Les campagnes coloniales du Portugal, 1844-1941 », Lusotopie [En ligne], XIV(2) | 2007, mis en ligne le 25 mars 2016, consulté le 10 décembre 2021. URL : http:// journals.openedition.org/lusotopie/1021 Ce document a été généré automatiquement le 10 décembre 2021. Lusotopie René Pélissier, Les campagnes coloniales du Portugal, 1844-1941 Paris, Pygmalion (Flammarion), 2004, 350 p. Michel Cahen RÉFÉRENCE René Pélissier, Les campagnes coloniales du Portugal, 1844-1941, Paris, Pygmalion (Flammarion), 2004, 350 p., bibliographie sélect., 12 cartes, glossaire, index, ISBN : 2-85704-936.6. 1 Enfin une synthèse Pélissier ? Ce serait déjà très utile, puisque ce laboureur acharné de l’histoire politico-militaire de l’empire portugais de la seconde moitié du XIXe et du XXe siècles nous avait presque habitués à la publication périodique d’énormes volumes consacrés à un territoire en particulier : l’Afrique espagnole dès 1964 puis en 20051, l’Angola en 19782 et 1979 3, le Mozambique en 19844, la Guinée portugaise en 19895, Timor en 19966, pour ne citer que les plus importants et en écartant son considérable travail de bibliographe7. Synthèse, cet ouvrage en présente sans conteste des aspects puisque tous les territoires, y compris asiatiques, sont couverts (à la seule exception des archipels créoles du Cap-Vert – cependant mentionné en introduction – et de São Tomé e Príncipe, dans lesquels aucune campagne militaire n’eut à être menée dans les bornes chronologiques choisies, relatives à la conquête, et non à la répression). Néanmoins, il ne s’agit pas que d’une synthèse et l’ouvrage présente une plus-value, au-delà même de la commodité de trouver, en moins de 350 pages, l’essentiel des milliers de pages antérieures. Ces dernières avaient, en effet, les inconvénients de leur qualité : on se trouvait plongé dans un territoire, et tel était l’objectif. Il était donc difficile de se rendre compte que, telle ou telle expédition organisée au Mozambique pouvait être en rapport avec une décision de Lisbonne visant à venger tel ou tel revers subi en Angola ou en Guinée quelque temps auparavant. Il n’était pas possible non plus de percevoir René Pélissier, Les campagnes coloniales du Portugal, 1844-1941 Lusotopie, XIV(2) | 2007 1 les périodes et les contextes, à l’échelle de l’empire entier, et en lien avec l’histoire métropolitaine. C’est précisément ce qui devient possible avec Les Campagnes coloniales8. 2 R. Pélissier divise ainsi l’histoire militaire de l’impérialisme portugais en périodes, dont il remarque qu’elles ne calquent pas toujours exactement celles de ses concurrents – même si, loin des mythes sur l’exception portugaise et sur les « cinq siècles de colonisation », il maintient qu’il y tout lieu de replacer le cas portugais dans la famille des impérialismes européens, et de constater que, sur plus de 90 % du territoire des actuels pays africains de langue officielle portugaise, la conquête portugaise s’est faite à peu près en même temps que celles des autres États européens. Mais des particularités existent évidemment, et, parmi elles, le fait que, vers 1850, la colonisation portugaise en Afrique et en Asie est très certainement bien plus faible, moins intense économiquement, démographiquement et religieusement, qu’un siècle plus tôt. C’est la période des « bourses plates et dents serrées » (p. 15-26), entre « impuissance et renaissance » (p. 27-74) pendant laquelle le Portugal n’est pas remis de la perte du Brésil, est dévasté par ses guerres intestines et produit un nationalisme cherchant encore sa voie. La particularité du Portugal est que, même si la « vieille colonisation » mercantile et esclavagiste ne concernait, en tant que terras firmes, qu’une infime superficie, et, en y ajoutant les prazos du Mozambique, qu’une partie mineure de ce qui fut ensuite conquis, cette ancienne colonisation existait néanmoins : l’histoire de la conquête est donc aussi, dans le domaine « portugais », une guerre entre deux âges de la colonisation. Les Portugais « conquièrent » parfois des terres qui se considèrent comme portugaises, ou des terres qui le furent un siècle plus tôt. Ce ne sont pas des guerres où l’on envahit seulement des sociétés africaines (ou asiatiques), mais où l’on doit vaincre aussi des milieux sociaux « portugais », ou des créolités diverses, issus du premier âge de la colonisation. Enfin, le Portugal est évidemment un pays écrasé par son histoire : socialement pauvre et économiquement retardataire, il n’en garde pas moins au plus profond de l’idée même qu’il se fait de sa nation, l’idée impériale : «… maintenant entre en scène, avec ses larmes et son sang, la conquête pauvre et souvent réticente d’un empire douloureux par une métropole très faible, mais trop fière pour y renoncer » (p. 68). Ainsi, note R. Pélissier, « on remarque au moins trois phénomènes qui n’ont pas beaucoup d’équivalents – sauf le deuxième – dans l’histoire coloniale française et britannique en Afrique tropicale, puisque c’est là que l’essentiel de la conquête portugaise va devoir se développer » (p. 68). Ces trois phénomènes découpent autant de périodes : il s’agit tout d’abord – et cela est lié à la décadence du premier âge colonial –, de la « précocité puis [du] reflux ou [du] piétinement de l’expansion de la frontière en Angola » (p. 69) qui dure jusqu’en 1878, autant dire à la veille du congrès de Berlin (1884-85). Le Portugal a alors besoin de reconquérir son propre empire, il a vraiment, quatre siècles plus tard, « besoin de nouveaux Afonso de Albuquerque et, dans un sens, il va se les créer ex nihilo au Sud-Mozambique en 1895 » (p. 70). 3 Il y a donc bien une décision métropolitaine autour de 1895, et non plus des initiatives de tel ou tel gouverneur général. Lisbonne prend l’initiative, il vient pour conquérir et ne laisse plus seulement ses garnisons locales se défendre. « Le corps des officiers non seulement s’étoffe, mais voit sa mentalité quelque peu changer » (p. 70) : pour des militaires, les campagnes d’Afrique font désormais partie de l’imaginaire de la réussite, et plus prosaïquement, la clé de l’ascension. C’est une époque extrêmement dense militairement puisque, « de 1895 à 1910, le Portugal ne connaît pas de semestre, voire de trimestre, sans que son Armée coloniale et parfois les renforts métropolitains ne René Pélissier, Les campagnes coloniales du Portugal, 1844-1941 Lusotopie, XIV(2) | 2007 2 soient obligés de se battre quelque part, mais en certaines années il doit conduire plusieurs opérations majeures dans deux, trois, sinon quatre colonies. […] en 1902, c’est une éruption » (p. 70-71). C’est cette phase spécifique qui permettra l’implantation du capitalisme colonial, celui des grandes compagnies, contre celui des senhorios antérieurs. Les traces politiques en seront de longue durée, jusque dans le coup d’État de 1926. La troisième période (et le troisième phénomène) se situe, ironie de l’histoire, pendant la période républicaine (1910-1926), caractérisée par la nécessité du recours aux méthodes terroristes pour écraser des révoltes au moment même où, suite à la conquête de la période précédente, « le Portugal croyait enfin pouvoir jouir d’un Império calme ». Le Portugal use alors d’« un procédé séculaire, un peu délaissé mais efficace : le massacre prolongé des révoltés ou des opposants par leurs propres voisins » (p. 72, comprenons le recours massifs aux auxiliaires africains, voire à des mercenaires, en jouant souvent des antagonismes ethniques). La Première Guerre mondiale sera certainement le pire des contextes au sein de cette période, dont certains épisodes se prolongeront cependant jusqu’en 1936 (Guinée) ou même 1941 (Angola). Mais qui pouvait, alors, se soucier de massacres perpétrés au fin fond du vieil empire ? 4 Il est impossible, ensuite, de résumer le « Temps des humiliations » (1844-1894, chapitre 3 : 75-150), le « Temps des Centurions » (1895-1910, chapitre 4 : 151-232), et le terrible « Temps des liquidations » (1911-1926, 1936, 1940-41, chapitre 5 : 233-310). On se rend surtout compte que les campagnes d’Afrique du Portugal restent d’une intensité inconnue, souvent absente des grands manuels de « synthèse » d’histoire coloniale. On est parfois un peu perdu dans les va-et-vient permanents de Timor à la Guinée, de la Guinée au Mozambique, du Mozambique à Lisbonne puis en Angola… Mais l’auteur remet les pendules à l’heure de temps en temps, tel ce paragraphe sur la situation en 1910, qualifiant la situation d’« impérialisme régénéré et réaliste » (p. 231-232). 5 R. Pélissier a une belle patte d’écrivain, ce qui est indispensable pour résister à la complexité qui nous est contée, et l’ouvrage, sans qu’il perde rien de son sérieux – voire de son tragique – se lit parfois comme un roman : aviez-vous entendu parler de la « bande à Oorlog » du Sud-Angola ? des ennuis du « grand uploads/Histoire/ as-campanhas-coloniais-em-angola.pdf
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- Publié le Jan 10, 2022
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