Atlas des décolonisations Une histoire inachevée Jean-Pierre Peyroulou Cartogra
Atlas des décolonisations Une histoire inachevée Jean-Pierre Peyroulou Cartographie : Fabrice Le Goff Éditions Autrement Collection Atlas/Mémoires © Éditions Autrement 2014 17, rue de l'Université – 75007 Paris Tél. 01 44 73 80 00 – www.autrement.com ISBN : 9782746731240 ISSN : 1272-0151 Imprimé et relié en mars 2014, par l’imprimerie Pollina, France. L68017 Dépôt légal : avril 2014. Tous droits réservés. Aucun élément de cet ouvrage ne peut être reproduit, sous quelque forme que ce soit, sans l'autorisation expresse de l'éditeur et du propriétaire, les Éditions Autrement. INTRODUCTION Le terme de décolonisation est un néologisme. Il apparaît pour la première fois dans les années 1830 sous la plume d’un Français partisan de l’abandon de l’Algérie, dont la conquête venait d’être entreprise. Il disparaît pendant l’établissement des empires coloniaux et réapparaît en France et au Royaume-Uni quand la colonisation marque le pas dans les années 1930. Mais c’est à la fin des empires européens, dans les années 1960 et 1970, que son usage se généralise chez les historiens, politistes et sociologues, pour rassembler sous un terme générique des processus différents, selon les métropoles et les colonies, et plus ou moins synchrones. L’Europe peut alors se tourner vers une construction européenne plus ou moins unitaire que justement l’impérialisme, en exacerbant les nationalismes, avait rendue impossible (parmi d’autres raisons), tandis que les anciens pays colonisés, devenus indépendants, se trouvaient confrontés aux questions du développement. Aujourd’hui, la décolonisation est associée aux prémices d’un monde multipolaire puisque certains pays émergents y trouvent leur origine. Il y a plusieurs manières d’envisager la décolonisation. Au minimum, elle désigne l’accession à l’indépendance des colonies européennes, c’est-à-dire à la souveraineté étatique reconnue par la communauté internationale. À la longue période de la colonisation du XIX e siècle et du début du XX e siècle succède alors une séquence historique plus brève de décolonisation, d’une trentaine d’années, comprise entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années 1970, entre l’indépendance de l’Inde en 1947 et celle de l’Angola et du Mozambique en 1975. Passé cette date, la décolonisation est en effet achevée pour la plus grande partie des territoires et des populations qui avaient été concernées par la colonisation européenne : l’Asie et l’Afrique. D’un côté, faut-il considérer que la décolonisation est achevée une fois l’indépendance politique acquise, ou bien peut-on parler de décolonisation seulement quand elle s’accompagne d’un développement économique, social et humain qui permet de trouver sa place dans le monde, sur un certain pied d’égalité avec les anciens pays coloniaux qui comptent parmi les pays plus riches ? D’un autre côté, faut-il considérer qu’en renonçant à leurs anciennes possessions coloniales, par la négociation ou par la guerre, les anciens pays colonisateurs mais aussi les anciennes colonies ont abandonné toutes les représentations et toutes les politiques qui étaient celles de la période coloniale ? Cela pose la question de la transmission ou de l’héritage du colonial au- delà du fait colonial et de la sortie de la colonisation. Certains envisagent ce processus comme une rétroversion ou un rétropédalage par rapport à la colonisation. Tous les pays ont fait au début de leur indépendance des inventaires de leurs traditions, pensant ainsi décaper la couche coloniale qui les recouvrait afin de retrouver leurs « racines », leur « langue », leurs « origines ». De nombreux pays de religion musulmane n’ont de cesse de « s’épurer » pour revenir à une origine imaginée dans laquelle ils s’enferment. N’est-ce pas l’une des causes de l’essor du salafisme depuis la fin de l’arabisme ? D’autres arrivent à intégrer la colonisation dans leur histoire pour la dépasser, aller vers le monde et y trouver leur place. C’est le cas des pays d’Asie. C’est cette appréhension large de la décolonisation — qui exclut les indépendances européennes à la suite de l’implosion de ce que certains considéraient comme un empire, l’URSS — que cet atlas questionne, à différentes échelles nationales, régionales et mondiales, et en alternant les études générales et les études de cas, l’étude des grandes masses comme celle d’individus engagés dans cette histoire. Au nom de la volonté de produire une histoire globale, on ne peut en effet faire l’impasse sur les dimensions nationales et étatiques que représente la décolonisation ; de même que l’on doit aussi reconnaître le caractère global de la recherche de l’indépendance étatique. La décolonisation est ainsi à la fois un moment de cloisonnement étatique, puisque les luttes se font dans un cadre national et que le nombre d’États est multiplié, et de décloisonnement politique et humain, par la circulation des hommes, des idées, des pratiques entre les métropoles et les colonies en lutte, entre les colonies entre elles, entre celles qui accèdent à l’indépendance et celles qui luttent pour y parvenir. Enfin, certains facteurs majeurs, comme le rôle des femmes, celui des religions et des Églises et bien d’autres encore, ne peuvent pas être cartographiés. Ils ont pourtant joué un rôle fondamental dans les changements culturels qui ont accompagné la quête de l’indépendance politique. Les empires coloniaux sont condamnés dès la fin de la Première Guerre mondiale. Les résistances, les nationalismes anticoloniaux se développent dans l’entre- deux-guerres dans les pays colonisés tandis que les immigrations coloniales et l’anticolonialisme, plus ou moins influencé par le mouvement communiste, prennent de l’importance dans les pays colonisateurs. Mais il faut attendre la Seconde Guerre mondiale pour que la décolonisation se mette en marche. Non seulement les empires sont mis à contribution dans la guerre mais, à la différence de la Première Guerre mondiale, la guerre elle-même se déroule dans les territoires colonisés en Asie et en Afrique, en partie occupés par les puissances ennemies. La guerre oblige les puissances coloniales à concéder des réformes ou à accepter les indépendances revendiquées. C’est en Asie que la décolonisation produit les premières indépendances. L’empire des Indes et le Royaume-Uni lancent le mouvement en 1947 tandis que la France campe davantage sur ses positions coloniales L’Asie du Sud-Est en guerre Depuis l’ère Meiji, le Japon souhaite se doter d’un vaste empire, la Grande Asie, destiné à pourvoir les ressources naturelles nécessaires à l’édification de sa puissance. Ayant conquis la Chine en 1937 et en guerre contre les États-Unis après Pearl Harbor (7 décembre 1941), le Japon s’étend dans toute l’Asie du Sud-Est aux dépens des puissances occidentales – le Royaume-Uni, les Pays-Bas, les États-Unis – et traite de façon ambiguë avec la France de Vichy. Il entend ainsi bâtir une « sphère de coprospérité » avec les nations asiatiques délivrées des impérialismes européens. Tout à la fois, il stimule les nationalismes asiatiques, impose une occupation brutale, pille des ressources et suscite des résistances à sa domination impériale. INDOCHINE. LE VIETMINH CONTRE LA FRANCE ET LE JAPON L’intérêt stratégique porté à l’Indochine française par le Japon s’explique par la guerre contre la Chine puis par la volonté d’étendre la Grande Asie. Jusqu’à la défaite française de 1940, la volonté du Japon se limitait à couper les nationalistes chinois de leurs approvisionnements en armes et en essence qui transitaient par la voie de chemin de fer reliant Hanoï au Tonkin et Kunming dans le Yunnan. Après la défaite de 1940 et l’effondrement de la France, le Japon passe un accord avec Vichy plaçant l’Indochine française sous tutelle dans le cadre de la Grande Asie japonaise sans l’occuper totalement jusqu’en 1944 : collaboration avec l’État français, présence de 6 000 soldats japonais, utilisation de l’Indochine comme voie de passage vers le théâtre de la guerre contre les Anglais dans le reste du Sud-Est asiatique. Le Japon ne développe pas en Indochine de propagande panasiatique favorable aux nationalistes. Le mouvement indépendantiste vietnamien s’édifie non seulement contre la France mais aussi contre le Japon et se situe dans l’orbite communiste. Hô Chi Minh, communiste depuis 1920, fonde avec Giap en 1941 au Tonkin, à la frontière sino-vietnamienne, un front national, le Vietminh. Les défaites japonaises dans le Pacifique, dans les Philippines contre les Américains, la fin de Vichy en 1944 et la déclaration de guerre de la France le 10 septembre 1944 conduisent le Japon à occuper l’Indochine et à administrer directement le pays le 9 mars 1945. Sous la pression du Japon, les souverains annamite, cambodgien, laotien annoncent la fin du protectorat français et l’indépendance. L’Indochine française devient un protectorat japonais au début du printemps 1945. La résistance efficace du Vietminh à l’occupation japonaise, grâce à l’établissement de « zones libérées » et d’une armée de libération au Tonkin, permet aux nationalistes vietnamiens d’établir leur légitimité. Lors de la défaite du Japon, le Vietminh s’empare des villes tonkinoises et proclame, le 2 septembre 1945, la République démocratique du Vietnam. La volonté de la France de reprendre pied en Indochine provoque la guérilla du Vietminh contre le général Leclerc. Le 6 mars 1946, le gouvernement français par l’intermédiaire de son représentant au Tonkin, Jean Sainteny, et Hô Chi Minh signent un accord. La France reconnaît le Vietnam comme un « État libre », membre de la Fédération indochinoise et de l’Union française. Hanoï accepte d’accueillir l’armée française au nord uploads/Histoire/ atlas-des-de-colonisations-une-histoire-inacheve-e-jean-pierre-peyroulou.pdf
Documents similaires










-
37
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 08, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
- Taille du fichier 10.9294MB