PARTIE I. HISTOIRE DU DROIT DU PATRIMOINE CULTUREL Comment le droit sauvegarde-
PARTIE I. HISTOIRE DU DROIT DU PATRIMOINE CULTUREL Comment le droit sauvegarde-t-il les traces matériels de son passé ? 1. L’histoire du droit du patrimoine culturel immobilier 1. L’histoire du droit des monuments historiques Le terme de « monument » est un terme qui apparait anciennement : monumentum. Au départ, le mot monument désigne ce qui rappelle le souvenir. L’adjectif « historique » est d’apparition encore plus tardive : 15e siècle. Ça vient du grec « Hitorikos » qui signifie relatif à la connaissance d’une chose. L’expression complète « monument historique » n’apparait pas avant le 18e siècle dans le sens cette fois-ci d’édifice architectural. L’apparition du droit des monuments historiques est récente parce que les Temps Modernes ne font aucun effort de sauvegarde du patrimoine. Pendant très longtemps, les monuments sont vus comme des monuments utilitaires seulement. Donc aux Temps Modernes, c’est à la fois une période où construit énormément mais où on ne se préoccupe pas de la sauvegarde/entretien de ces monuments. 1.La lente genèse de la protection des monuments historiques Il y a eu trois phases dans cette prise de conscience qu’il fallait sauvegarder les monuments : La Révolution Française, le Premier 19e siècle et la Troisième République (qui commence en 1870). A. La Révolution : Entre vandalisme et prise de conscience La Révolution met le patrimoine architecturel en grand danger puisque le but est de détruire tout ce qui rappelle l’Ancien Régime. Il faut citer deux décrets emblématiques de ces dangers-là : ➢Décret d’Aout 1792 qui supprime « les monuments restes de féodalité ». ➢Décret de Septembre 1792 : Art. 3 « La ville de Lyon sera détruite, tout ce qui fut habité par les riches sera aboli ». Paradoxalement, c’est pendant cette période qu’on prend conscience qu’il faut sauvegarder le patrimoine. Il faut notamment citer ALEXANDRE LENOIR qui a engagé une véritable croisade contre la destruction du patrimoine culturel. Il a vécu de 1761 à 1869. Il est spécialiste du Moyen-Age (médiéviste), archéologue, historien de l’Art et conservateur de musée. Pendant la Révolution, il a une trentaine d’années. La mission qu’il se donne au départ est liée aux œuvres d’art, et non aux monuments historiques. Il va donc 1 commencer un immense travail de classement. Il classe tous les objets anciens qui sont dispersés dans des édifices. Puis, en 1791, il va être autorisé par l’Assemblée Nationale (Assemblée Constituante) à rassembler les pierres qui sont issus des édifices démolis. En 1795, il ouvre un musée où il entrepose ses pierres (Le musée des monuments français). On considère que la naissance de ce musée marque la naissance des monuments historiques. Le but d’Alexandre Lenoir n’est pas de collectionner les pierres dans un esprit religieux ou monarchiques. Il les collectionne en historien, en disant qu’en regardant ces pierres on peut apprendre l’histoire de France. Lenoir a opéré le tour de force de dépolitiser le monument historique, il en neutralise le sens immédiat (qui était un sens seulement utilitaire). Il veut promouvoir une histoire monumentale de la monarchie française, une histoire de la France donc étudiée par ses monuments. Désormais, le monument a une valeur esthétique et historique. Lenoir croit en la valeur éducative du monument. Il y a un historien : Jules MICHELET qui est le plus gros historien du 19e siècle. B. L’absence de législations avant la Troisième République 1. Le vide juridique du Premier 19e siècle On sort de la Révolution. Au début du 19e siècle, les monuments historiques sont complètement dépourvus de protection juridique. C’est le vide législatif sur la question. La situation est complexifiée par l’arrivée du Code Civil mais aussi par la DDHC tout simplement parce qu’entre l’œuvre de la Révolution Française et le Code Civil, on exalte la propriété privée. C’est le règne de l’Individualisme, de la bourgeoisie. Les propriétaires, les particuliers n’admettent pas d’ingérence de l’Etat au nom de ce fameux dogme de la propriété privée. Pendant plusieurs décennies, l’Etat quand il intervient (ce qui est très rare), intervient par circulaires (et non par lois). On a une loi qui finit par intervenir le 3 Mai 1841 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique. Cette loi va inclure les monuments historiques dans le champ de l’expropriation. On légifère de manière complètement détournée. Sauf que cette loi ne va quasiment pas être appliquée. Dès lors, l’Etat exproprie souvent pour acquérir un monument historique. Par exemples, le Théâtre romain d’Orange (acquis par l’Etat en 1865 et le site Breton de Carnaques (acquis par l’Etat en 1874). L’Etat va surtout exproprier les alentours des monuments historiques pour dégager les gens des abords des monuments (exemple cathédrale Pey Berland Bordeaux ou encore le Mont Saint Michel aux alentours de 1900). Cette loi ne sanctionne absolument pas les mutilations de monuments. Il n’y a rien qui est dit sur ce sujet. De plus, l’Etat n’a pas d’argent, il peut donc à peine restaurer une dizaine d’édifices par an. 2 2. La préparation des esprits à l’idée d’une législation Au 19e siècle, l’Elite cultivée de la Nation va faire un peu pression sur l’Etat et notamment ceux qu’on appelle les Romantiques. Le Romantisme est un mouvement culturel apparu en France début 19e (1830-1840) dont les maîtres mots sont l’exaltation des sentiments humains. Alors qu’au 18e siècle, sous les Lumières, on exaltait la raison. Donc le mouvement du romantisme se dépeint dans la littérature (Goethe par exemple), la peinture, la musique, etc. Les Romantiques sont très admirateurs du Moyen-Âge alors que jusqu’à présent les gens étaient admirateurs de l’Antiquité. Les Romantiques mettent le médiéval à la mode et donc il va y avoir toute une lutte sur la protection des monuments médiévaux. Une figure se détache dans ce mouvement Romantique : Victor HUGO. Il va avoir l’idée de sensibiliser l’opinion publique sur l’importance de tout ce patrimoine. Il va donc dénoncer les destructions révolutionnaires avec le plus de virulence. Il va le faire avec l’écriture. En 1825 il publie un pamphlet très connu Guerre aux Démolisseurs. Puis, en 1831, il publie Notre Dame de Paris. Hugo pense vraiment que l’intervention de l’Etat est nécessaire pour sauver le patrimoine. Les Romantiques vont lancer toute une campagne de presse qui passe par trois journaux essentiellement : La France Littéraire, Le Globe et L’Artiste. Dans ces trois journaux, écrivent les romantiques mais écrivent aussi Ludovic VITET et Prosper MERIMEE. Comme par hasard, lorsque Guizot va créer le premier poste d’inspecteur des monuments historiques, ce sont les romantiques qui vont décrocher ces postes (d’abord Vitet puis Merimée). 3. Le rôle essentiel des sociétés savantes L’influence des Romantiques s’est surtout fait sentir à Paris. On assiste dans la capitale à une reconversion progressive d’un certain nombre de monuments en musées. Donc le Romantisme aboutit à quelques résultats. Par exemple, le Roi Luis Philippe, sous la Monarchie de Juillet, transforme le Château de Versailles en musée historiques. Le second exemple est Le Louvre (jusqu’à Louis XV, c’était le Palais Royal) qui est reconverti en musée des arts. Quid de la province ? La protection des monuments historiques est passée par un canal un peu différent. Celles qui vont jouer un grand rôle ici sont les sociétés savantes. Il s’agit de petites sociétés locales (type association) qui sont constitués d’amateurs passionnés. Ce sont des érudits, des amateurs, qui vont œuvrer pour la conservation du patrimoine. Ces petites sociétés locales vont organiser des conférences publiques, et vont publier aussi des bulletins. Elles vont également constituer des collections. Le 19e siècle c’est vraiment l’âge d’or de ces sociétés savantes. Elles se multiplient. Guizot, en 1834, va fédérer ces 3 sociétés savantes. Il va créer une société qui les regroupe toutes : la société pour la conservation des monuments historiques. Sous l’influence des Romantiques, Guizot estime qu’il est du devoir de l’Etat de protéger le patrimoine et de fédérer ces sociétés. Ces sociétés savantes vont petit à petit perdre de leur influence à partir du Second Empire (Napoléon III). Mais elles témoignent avec éclat de l’intérêt du peuple pour les monuments historiques. On voit l’intérêt populaire qui s’affirme ici, donc les Romantiques ont réussi à convaincre un peu tout le monde (Etat et peuple). Plus les gens sont préoccupés par cette protection, plus l’Etat est poussé à intervenir : La première loi en matière de patrimoine culturel : la loi du 30 Mars 1887. C. La loi du 30 Mars 1887 1. Le point de départ : Le moment Guizot Guizot entre au gouvernement en 1830. L’année même où il entre en poste, en Octobre 1830, il soumet un rapport au roi relatif à la nécessité de protéger les monuments anciens. À partir de ce rapport, va suivre un travail d’une vingtaine d’années (1848). Toute l’œuvre de son mandat va être de constituer une politique du patrimoine. Il dit qu’il faut d’abord les connaitre puis les protéger sans distinction. Guizot se lance dans quelque chose de vraiment ambitieux. Pour réaliser son projet, il va créer le Premier inspecteur général des monuments historiques en 1830. C’est hautement symbolique de créer cette fonction. C’est la première forme d’institutionnalisation des uploads/Histoire/ complet-cours-histoire-du-droit-du-patrimoine-culturel.pdf
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- Publié le Mar 09, 2022
- Catégorie History / Histoire
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