Nicolas de Caritat, Marquis de CONDORCET (1743-1794) Mathématicien, philosophe,

Nicolas de Caritat, Marquis de CONDORCET (1743-1794) Mathématicien, philosophe, homme politique français DE L’INFLUENCE DE LA RÉVOLUTION D’AMÉRIQUE SUR L’EUROPE 1786 Firmin Didot Frères, Paris, 1847 Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole, Courriel : Jean-Marc_Simonet@uqac.ca Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web : http://classiques.uqac.ca/ Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web : http://bibliotheque.uqac.ca/ Condorcet 2 De l’Influence de la révolution d’Amérique sur l’Europe Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marc Simonet, ancien pro- fesseur des Universités, bénévole. Courriel : Jean-Marc_Simonet@uqac.ca A partir du livre (fac simile de la Bibliothèque nationale de France) : Nicolas de Condorcet Mathématicien, philosophe, homme politique français (1743-1794) De l’influence de la révolution d’Amérique sur l’Europe Tiré des Œuvres de Condorcet publiées par A. Condorcet O’Connor et F. Arago, Tome VIII, Firmin Didot Frères, Paris, 1847. Polices de caractères utilisées : Pour le texte: Times New Roman, 14 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2004 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition numérique réalisée le 15 septembre 2010 à Chicoutimi, Ville de Sague- nay, province de Québec, Canada Condorcet 3 De l’Influence de la révolution d’Amérique sur l’Europe DE L’INFLUENCE DE LA RÉVOLUTION D’AMÉRIQUE SUR L’EUROPE. À M. le marquis de La Fayette, qui, à l’âge où les hommes ordinaires sont à peine connus dans leur société, a mérité le titre de bienfaiteur des deux mondes. PAR UN HABITANT OBSCUR DE L’ANCIEN HÉMISPHÈRE. 1786 1. 1 Inséré en 1788 dans les Recherches historiques et politiques sur les États- Unis, par Mazzey. Condorcet 4 De l’Influence de la révolution d’Amérique sur l’Europe Table des matières Introduction Chapitre premier. Influence de la révolution d’Amérique sur les opinions et la législation de l’Europe. Chapitre II. Des avantages de la révolution d’Amérique, relativement à la conservation de la paix en Europe. Chapitre III. Avantages de la révolution d’Amérique, relativement à la per- fectibilité de l’espèce humaine. Chapitre IV. Du bien que la révolution d’Amérique peut faire par le com- merce à l’Europe et à la France en particulier. Conclusion Supplément Projet de constitution Condorcet 5 De l’Influence de la révolution d’Amérique sur l’Europe DE L’INFLUENCE DE LA RÉVOLUTION D’AMÉRIQUE SUR L’EUROPE. Table des matières INTRODUCTION. Le chemin de la vérité, dit le poète Sadi, est étroit et placé entre deux précipices. Le moindre faux pas fait rouler au fond ; on se relève étourdi de la chute ; on gravit avec peine pour se rapprocher du som- met ; on croit y toucher ; on fait un dernier effort, et l’on retombe de l’autre côté. L’Amérique avait à peine déclaré son indépendance, et nos politi- ques voyaient déjà clairement que la ruine de l’Angleterre et la pros- périté de la France devaient être la conséquence nécessaire de cette heureuse révolution. Cette indépendance est reconnue, assurée ; ils semblent la voir avec indifférence, et ne s’avisent de douter de leurs prédictions qu’à l’instant où l’événement commence à en vérifier la dernière partie. J’ai cru que ce moment où l’opinion semble s’égarer en sens contraire, était précisément celui où il pouvait être utile de discuter tranquillement les conséquences de ce grand événement, et je vais tâ- cher d’être prophète de sang-froid. Le prix proposé par M. l’abbé Raynal, sur le bien et le mal qui ont résulté pour l’Europe de la découverte du Nouveau-Monde, avait exci- Condorcet 6 De l’Influence de la révolution d’Amérique sur l’Europe té mon intérêt ; j’avais osé entreprendre de résoudre cette question, mais j’ai senti que ce travail était au-dessus de mes forces, et je n’ai sauvé de l’incendie que le chapitre où j’examinais l’influence que l’indépendance de l’Amérique aurait sur l’humanité, sur l’Europe, sur la France en particulier, et l’analyse des principes d’après lesquels j’essayais de trouver une méthode de mesurer les différents degrés du bonheur public. Une nation prise en corps étant un être abstrait, elle ne peut être ni heureuse ni malheureuse. Ainsi, quand on parle du bonheur d’une na- tion collectivement, on ne peut entendre que deux choses : ou une es- pèce de valeur moyenne, regardée comme le résultat du bonheur et du malheur des individus ; ou les moyens généraux de bonheur, c’est-à- dire de tranquillité et de bien-être que le sol, les lois, l’industrie, les rapports avec les nations étrangères, peuvent offrir à la généralité des citoyens. Il suffit d’avoir quelque idée de justice pour sentir que l’on doit s’en tenir au dernier sens. Autrement, il faudrait adopter la maxime trop répandue chez les républicains anciens et modernes, que le petit nombre peut être légi- timement sacrifié au plus grand ; maxime qui met la société dans un état de guerre perpétuelle, et soumet à l’empire de la force ce qui ne devrait l’être qu’à la raison et à la justice. Les moyens généraux de bonheur pour l’homme en société peu- vent se partager en deux classes : la première comprend tout ce qui assure, tout ce qui étend la jouissance libre de ses droits naturels. La seconde renferme les moyens de diminuer le nombre des maux aux- quels l’humanité est assujettie par la nature ; de pourvoir à nos pre- miers besoins plus sûrement et avec moins de travail ; de nous procu- rer un plus grand nombre de jouissances par l’emploi de nos forces et l’usage légitime de nos industries ; et, par conséquent, les moyens d’augmenter notre force et notre industrie doivent être rangés dans la même classe. Les droits de l’homme sont : 1° la sûreté de sa personne, sûreté qui renferme l’assurance de n’être troublé par aucune violence, ni dans l’intérieur de sa famille, ni dans l’emploi de ses facultés, dont il doit conserver l’exercice indépendant et libre pour tout ce qui n’est pas contraire aux droits d’un autre. Condorcet 7 De l’Influence de la révolution d’Amérique sur l’Europe 2° La sûreté et la jouissance libre de sa propriété. 3° Comme, dans l’état de société, il y a certaines actions qui doi- vent être assujetties à des règles communes ; comme il faut établir des peines pour les atteintes portées par un individu aux droits d’autrui, soit par la violence, soit par la fraude, l’homme a encore le droit de n’être soumis pour tous ces objets qu’à des lois générales, s’étendant à l’universalité des citoyens, dont l’interprétation ne puisse être arbitrai- re, dont l’exécution soit confiée à des mains impartiales. 4° Enfin, le droit de contribuer, soit immédiatement, soit par des représentants, à la confection de ces lois et a tous les actes faits au nom de la société, est une conséquence nécessaire de l’égalité naturel- le et primitive de l’homme, et l’on doit regarder une jouissance égale de ce droit pour chaque homme usant de sa raison, comme le terme duquel on doit chercher à se rapprocher. Tant qu’on ne l’a pas atteint, on ne peut pas dire que les citoyens jouissent de ce dernier droit dans toute son étendue. Il n’est aucun des droits des hommes qu’on ne puisse déduire faci- lement de ceux auxquels nous venons d’essayer de les réduire, et il serait même aisé de prouver que tous les principes des lois civiles, criminelles, comme ceux des lois d’administration, de commerce, de police, sont une suite de l’obligation de respecter les droits compris dans les trois premières divisions. Le bonheur d’une société est d’autant plus grand, que ces droits y appartiennent avec plus d’étendue aux membres de l’État. Mais la jouissance de chacun de ces mêmes droits n’est pas également impor- tante pour le bonheur commun ; nous les avons placés ici suivant l’ordre dans lequel nous croyons qu’ils contribuent à ce bonheur, et nous ajouterons même que, dans une société très nombreuse, il doit arriver presque nécessairement que le dernier de ces droits se trouve presque nul pour le plus grand nombre des habitants d’un pays. Des républicains zélés l’ont regardé comme le premier de tous ; et il est vrai sans doute que, dans une nation éclairée, dégagée de toute superstition, où il appartiendrait en réalité à tout citoyen qui pourrait ou voudrait l’exercer, la jouissance de ce droit assurerait celle de tous les autres. Mais il perd ses avantages les plus précieux, si l’ignorance, si les préjugés écartent ceux qui doivent l’exercer du sentier étroit que Condorcet 8 De l’Influence de la révolution d’Amérique sur l’Europe la règle immuable de la justice leur a tracé ; et, relativement au bon- heur public, une république qui aurait des lois tyranniques peut être fort au-dessous d’une monarchie. En adoptant cet ordre, on sent que la violation très fréquente ou très forte d’un droit moins essentiel peut nuire davantage au bonheur commun que la violation légère ou très rare d’un droit plus important ; qu’ainsi, par exemple, une forme dans la jurisprudence criminelle, qui exposerait les innocents à être condamnés par des juges uploads/Histoire/ condorcet-de-l-x27-influence-de-la-revolution-d-x27-amerique-sur-l-x27-europe-digit-pdf.pdf

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  • Publié le Aoû 11, 2022
  • Catégorie History / Histoire
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