La Bible, son écriture, sa fabrication 44 l Le Monde de la Bible l 230 45 Par P
La Bible, son écriture, sa fabrication 44 l Le Monde de la Bible l 230 45 Par Philippe- Emmanuel Krautter D e l’apparition de l’alphabet cunéiforme en 3500 av. J.-C. au plus ancien ma nuscrit de la Bible hébraïque de la fin du IIIe siècle av. J.-C., il s’est écoulé plus de trois millénaires. De cette invention est né l’écrit et, pour les chrétiens, les textes qui for meront la Bible. Mais, sur quels supports ont été inscrites les toutes premières sources bi bliques après les deux fameuses tables de la Loi données par Dieu à Moïse et brisées par ce dernier ? Véritables trésors, comment ex pliquer leur conservation et pérennité ? C’est cette extraordinaire histoire des supports de la Bible au fil des siècles depuis les premiers temps que nous allons parcourir… Quelle matière pour quelle Bible ? Les plus fabuleuses découvertes en ma tière de manuscrits bibliques demeurent aujourd’hui celles que nous ont livrées les grottes de Qumrân et de ses environs dès 1947. C’est en ces lieux que de précieux documents bibliques ont été trouvés, dont un quart d’inédits de la Bible hébraïque. Considérée comme l’une des plus grandes découvertes archéologiques du XXe siècle, c’est avec ces manuscrits de la mer Morte que la Bible elle-même – du moins l’Ancien Testament – s’écrit sous nos yeux ! Qumrân dans le désert de Judée a en effet révélé, entre 1947 et 1956, de fabuleux manuscrits religieux (et profanes) rédigés en hébreu, en De la réécriture à la transmission Des supports fragiles Sur quels supports ont été inscrites les toutes premières sources bibliques ? Comment certains de ces premiers écrits nous sont-ils parvenus ? Voici la longue histoire des supports de la Bible… grec et en araméen datés de 200 av. J.-C. à 100 ap. J.-C. Constitués de milliers de frag ments provenant de près de 1000 manus crits, ces vestiges vieux de 2000 ans ont été attribués pour certains aux esséniens, une secte juive d’ermites ascétiques de Khirbet Qumrân au sud de Jéricho, en Cisjordanie. Grâce au climat extrêmement sec, le lieu a livré un trésor inestimable révélant ainsi une extraordinaire palette des différents supports des premiers manuscrits bibliques, des plus répandus aux plus résiduels. Au commencement des temps bibliques, le papyrus apparaît incontestablement comme le matériau le plus répandu, et ce dès l’Égypte pharaonique. Une centaine de papyrus, dont des fragments de la Bible hébraïque, ont été retrouvés dans les grottes de Qumrân. C’est sur ce support également que nous sont parvenues les plus anciennes sources du Nouveau Testament rédigées en grec et datant du milieu du IIe siècle ap. J.-C. avec les papyrus Bodmer (voir p. 68) mis au jour près de Dishna en Égypte. L’un d’entre eux, conservé à la bibliothèque Rylands de Manchester, le papyrus 52 (voir p. 67), constitue le plus ancien fragment du Nouveau Testament, datant probablement d’avant l’année 200, rapportant un passage de l’évangile selon Jean. L’essentiel de ces papyrus provient des sables de l’Égypte et non de la Syrie romaine, quasi absente ... Les deux parties du rouleau de cuivre de Qumrân, dans le désert de Judée, au nord-ouest de la mer Morte Découvert en 1951, dans la grotte 3, le rouleau est composé de trois feuilles de cuivre, sur lesquelles sont gravées des colonnes de caractères hébraïques. Il s’agissait d’un inventaire d’objets de grandes valeurs enfouis dans 60 lieux, en Israël. © École biblique et archéologique française de Jérusalem La Bible, son écriture, sa fabrication 46 l Le Monde de la Bible l 230 47 du fait de leur disparition, ce qui per met à Claire Clivaz, professeur à l’univer sité de Lausanne, de relever qu’aujourd’hui « nous lisons un Nouveau Testament égyp tien, ou tel que lu et pratiqué par les chrétiens d’Égypte ». Comment expliquer cette prédominance du papyrus pour les plus anciens manuscrits ? Outre sa circulation et ses facilités de ran gement, le papyrus a, « par sa fabrication, autorisé, contrairement aux tablettes d’argile, des textes beaucoup plus longs » souligne Michael Langlois, maître de conférences à l’université de Strasbourg et en délégation CNRS au Centre de recherche français de Jérusalem. Explorons alors les techniques de fabrication de ces extraordinaires papyrus. Le papyrus provient d’une plante aquatique poussant au bord du Nil. Sa tige, nommée býblos ou biblíon en grec du nom du port phénicien de Byblos exportant cette matière, est ouverte et écrasée, fournissant ainsi des lamelles qui, pressées, entrecroisées et sé chées, forment des feuillets. Pline l’Ancien (Ier siècle ap. J.-C.) fait état de sept qualités différentes de papyrus dans son Histoire naturelle, les moins bonnes occasionnant des défauts d’écriture. Le feuillet recevait une couche de colle à partir de la sève de la plante pour faciliter la fluidité de l’écriture. Il était écrit sur une seule face à de rares exceptions près. En outre, ces feuillets pouvaient être collés les uns aux autres et constituer des rouleaux de plusieurs mètres ; ils prirent pour nom volumen déployés à l’horizontale, et rotulus à la verticale. Le papyrus Rylands issu des manuscrits de la mer Morte et livrant en grec vingt versets du Deutéronome ou le papyrus Fouad avec des fragments de la Genèse et du Deutéronome sont des exemples notoires de rouleaux en papyrus de textes bibliques. Les Égyptiens eurent aussi l’idée de plier vingt-cinq feuillets de papyrus afin d’en obtenir cinquante, le codex en papyrus, an cêtre de notre livre, était né ! Ainsi que le rap pelle Sénèque (Ier siècle ap. J.-C.) dans son célèbre ouvrage De Brevitate vitae, le mot « codex » vient lui-même du terme ancien caudex désignant l’assemblage de plusieurs planches pour les navires. C’est sous cette forme et support que nous est parvenue, avec le codex Vaticanus (voir p. 70) écrit en majuscules et datant du IVe siècle, la plus an cienne version de la Septante et du Nouveau Testament presque au complet. L’évangile de Jean en copte, datant aussi du VIe siècle ap J.-C. conservé à la Bibliothèque nationale de France, offre également un bel exemple de l’utilisation du papyrus en codex. Outre le fait de faciliter la consultation des feuillets, le codex présentait surtout l’avantage de pou voir être écrit des deux côtés, ce qui entraî nera progressivement l’abandon du papyrus plus fragile du fait des pliures pour privilégier d’autres supports plus performants tel le parchemin. C’est en effet à partir du IIe siècle av. J.-C. que vont naître les premiers manuscrits bibliques sur parchemin et asseoir ainsi la suprématie du codex. Paul pendant sa cap tivité à Rome (milieu du Ier siècle) demandera à Timothée : « Apporte-moi aussi mes livres, surtout les parchemins » (2 Tm 4,13), lais sant supposer qu’il y avait encore différents supports et une distinction entre ceux-ci. Le ... Codex syriaque sinaïtique Manuscrit du IVe siècle, découvert en 1892 dans la bibliothèque du monastère Sainte- Catherine au SinaÏ. Dans les marges de ce palimpseste (manuscrit dont le texte original a été effacé et remplacé), on aperçoit le texte plus ou moins effacé des évangiles. Collection particulière. © Massimo Pizzocaro Fond d’amphore utilisé comme encrier avec deux calames pris dans l’encre solidifiée. Provient de l’ermitage du moine copte Frangué, à Thèbes, en Égypte. VIIIe siècle. © ULB/Bavay recours au cuir de différentes bêtes (mou ton, agneau, veau, chèvre…) se généralisera à partir de Pergame en Asie Mineure, nom qui aurait donné l’appellation « parchemin ». Provenant de peaux, frottées, grattées et la vées, le parchemin, grâce à sa solidité, peut même être remployé, ce que l’on nommera un « palimpseste ». Il prédominera jusqu’au XIIIe siècle avant de s’effacer au profit du pa pier. Mais le parchemin est aussi un procédé coûteux, une Bible complète pouvant exiger plus de six cents moutons. Différentes qua lités de parchemin vont dès lors apparaître : parchemin pour les plus courants, vélin pour les peaux plus fines du chevreau ou du veau. Ici encore les manuscrits de la mer Morte sont une précieuse source puisqu’à côté des papyrus très fragmentaires, précédemment évoqués, a aussi été découvert le fameux grand rouleau de parchemin de plus de 7 m du livre entier du prophète Isaïe (voir p. 66- 67). C’est également sur parchemin que nous est parvenue, avec le codex d’Alep (voir p. 66) conservé à Jérusalem, la plus ancienne version de la Bible hébraïque écrite entre 910 et 930 (complet jusqu’en 1948). Au IVe siècle, avec la paix constantinienne, se généralisera le recours aux parchemins, qui seront souvent subventionnés par des mé cènes privés. Ainsi, c’est du IVe siècle sur un parchemin de vélin que nous est parvenue une version complète du Nouveau Testament avec le codex Sinaïticus (la moitié des folios contenant l’Ancien Testament a été ... La Bible, son écriture, sa fabrication 48 l Le Monde de la Bible l 230 49 Ostracon copte avec inscriptions bibliques (Job 29,1-30,7 et Isaïe 38,1-20) Les ostraca (au singulier ostracon, « coquille » en grec) sont des tessons de poterie utilisés comme supports d’écriture. 580-640, provenant de Thèbes, en Égypte. New York, The Metropolitan uploads/Histoire/ des-supports-fragiles-de-la-reecriture-a-la-transmission-le-monde-de-la-bible.pdf
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- Publié le Jan 22, 2022
- Catégorie History / Histoire
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