Imagerie civique et décor urbain dans la France du XIX e siècle Author(s): Maur

Imagerie civique et décor urbain dans la France du XIX e siècle Author(s): Maurice Agulhon Source: Ethnologie française, nouvelle serie, T. 5 (1975), pp. 33-56 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40988344 . Accessed: 24/02/2015 15:23 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Ethnologie française. http://www.jstor.org This content downloaded from 200.68.120.225 on Tue, 24 Feb 2015 15:23:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Maurice Agulhon Université Paris-Panthéon-Sorbonne Imagerie civique et décor urbain dans la France du XIXe siècle L'étude indiquée par ce titre constituerait, si on la voulait exhaustive, un programme bien ambitieux; sa légitimité, en revanche, est de moins en moins contestable. Entre le monde industriel (voire post-in- dustriel) d'aujourd'hui et le monde archaïque, tradi- tionnel, de ce qu'il est convenu d'appeler en France rancien régime, le XIXe siècle ne nous apparaît plus seulement comme un passage, mais comme le mo- ment d'une civilisation dotée de caractères propres et méritant d'être évoquée pour elle-même. On pourrait en donner maints exemples, contentons-nous de celui de la ville, et même du spectacle le plus superficiel de ses rues : nous ne serons pas les premiers à constater qu'entre le dépouillement archaïque d'antan et la prolifération mécanicienne, électrique et mercan- tile d'aujourd'hui, une phase originale a pris place, peut-être celle de la ville sculptée... Disons-le par anticipation, l'intérêt pour la scul- pture est un des éléments du retour actuel de la curiosité vers le monde du dernier siècle1. Nous ne sommes pour notre part ni historien de l'art ni même historien de la ville, simplement historien de la politi- que, mais historien attentif aux formes d'expression de la politique tout autant qu'à son contenu et à ses batailles. C'est par ce biais que nous avons été conduit à des recherches, d'abord très limitées, sur la statuaire civique2. Cependant il nous est vite apparu qu'une statue politique allégorique n'était pas seule- ment, par son propos explicite, l'élément d'une pro- pagande, mais aussi, par elle-même, une pièce de décor urbain - ce qui, après tout, est une évidence. De là quelques recherches et quelques réflexions nouvelles, dont le caractère encore très partiel, très provisoire, parfois incertain, ne nous échappe pas. Mais c'est le rôle des communications aux Sociétés savantes, et même des articles de revues, que de donner des états de recherche en cours et de les mettre en discussion, afin de continuer d'un pas mieux assuré vers des étapes nouvelles, sinon défini- tives. Nous partons de l'idée que le monde et la ville ont beaucoup changé, au cours du dernier siècle, et que ces changements ont suscité, ont appelé un change- ment de décor (nous préciserons d'ailleurs bientôt le sens modeste et limité que nous donnons à cette notion). Après l'étude des facteurs généraux d'évolu- tion, nous arriverons à l'analyse de quelques-uns des changements particuliers affectant le décor urbain dans tel ou tel de ses éléments. Et nous nous interro- gerons brièvement pour terminer sur cette qualifica- tion d'urbain, c'est-à-dire sur l'extension possible d'un modèle évidemment d'abord citadin, vers ce monde des bourgs et des villages, où l'ethnologie se sent davantage chez elle. 1. Les facteurs du changement Nous sommes évidemment au carrefour de l'urba- nisme, de la politique et de l'art. Examinons-les successivement d'abord, avant d'arriver à leurs effets conjoints et parfois cumulés. 1. Une géographie urbaine vivante L'idée d'évolution urbaine au XIXe siècle fait aus- sitôt surgir le nom du préfet de la Seine, Haussmann (et de ses émules provinciaux) ainsi que le souvenir des premières gares de chemin de fer. Mais l'évolu- tion fut loin de se réduire aux effets, à peu près simultanés, de Y haussmanisation et de la construction ferroviaire; elle fut loin- aussi de se limiter aux gran- des villes, qui connurent l'une et l'autre. Le mouve- ment fut général et continu. De la fin des troubles révolutionnaires au début de la Grande Guerre, soit de 1800 environ à 1914, on ne connaît point de destructions violentes, sauf - im- portantes exceptions - en quelques villes ravagées par la guerre de 1870-71 et dans le Paris du Siège et de la Commune. Dans l'ensemble toutefois, l'évolu- tion urbaine a été pacifique, surtout déterminée par l'économie et par les progrès de la civilisation. Mais quels progrès? Ceux de la population? Ils ont été frappants à Paris et dans la plupart des grandes villes, mais ils ne furent pas absolument généraux, il y eut des villes stagnantes (Aix-en-Pro- vence, avec quelque 30 000 habitants, n'était pas sen- siblement plus peuplée en 1900 qu'en 1780). L'in- dustrialisation ? Autre fait notoire et fort important là où il prit place, mais ne fut pas non plus universel. En revanche, partout, dès avant la révolution ferro- viaire, la circulation s'était perfectionnée. De 1820 à 1850 (dates rondes), un tiers de siècle extrêmement Ethnologie française 1975, V This content downloaded from 200.68.120.225 on Tue, 24 Feb 2015 15:23:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 34 Maurice Agulhon laborieux et fécond a vu l'amélioration des routes (le temps des diligences), la substitution générale des ponts aux bacs, d'innombrables constructions de quais dans les ports de mer et aussi dans les ports fluviaux, etc. Pour nous en tenir à la circulation terrestre, on est alors à l'apogée du roulage, au temps de la plus grande gloire du cheval. Conjointement, dans un tout autre ordre d'idées, la France est le plus souvent en paix, ou en guerre sur des terres lointaines; la fonction militaire tend à se réduire à quelques villes frontières spécialisées et à disparaître de la plupart des cités. Le résultat commun de ce besoin nouveau (rouler, circuler) et de ce besoin disparu (la défense), c'est la fin des vieilles fortifications. Le XIXe siècle urbain pourrait être aussi fortement caractérisé par la chute des remparts que par la construction des gares3. Bien entendu la chute des remparts suscite le tracé de boulevards, l'aménagement de tout un espace nouveau. Plus généralement les villes, les bourgs, les villa- ges aussi parfois, même quand ils ne se sont pas particulièrement accrus en nombre d'habitants, ten- dent à s'étendre, à s'étaler, à glisser des portions incommodes du site vers des espaces libres accessi- bles et plats. Dans les gros villages méditerranéens, la tendance à déborder hors de l'agglomération ronde et serrée et à lui juxtaposer un cours qui forme un nouvel axe de développement aux mailles plus lâches, tendance déjà constatée quelquefois au XVIIIe siècle, fcde vient désormais générale. Le fait serait à étudier en détail dans toutes ses conséquences ethnographiques, car - disons-le ici entre parenthèses - , il pourrait concerner entre autres l'histoire du jeu. Nous avons plus d'une fois, en parcourant des registres de délibérations municipales4, trouvé l'allusion à des plaintes sur la disparition de terrains jadis libres, qui servaient tradi- tionnellement au ballon, à la paume ou à la danse, et qui devenaient maintenant des places à voitures, quand ils n'étaient pas purement et simplement acca- parés et bâtis. Il se pourrait (émettons l'hypothèse) que, dans l'histoire du terrain de jeu, il y ait eu une solution de continuité entre le pré de foire, aire à danser ou jeu de ballon des XVIIe et XVIIIe siècles et le stade moderne de la fin du XIXe et du XXe siècle. On en mesure les conséquences éventuelles pour l'histoire du sport lui-même. Enfin, un troisième grand fait de l'histoire urbaine du XIXe siècle, c'est l'effort fait pour satisfaire des besoins nouveaux dans l'alimentation en eau5. Be- soins quantitatifs, quand la ville s'étend, besoins qualitatifs aussi, parce que l'on veut vivre d'une façon un peu plus saine et commode. Partout on travaille donc à capter des sources ou à dévier des eaux de rivières dans des canaux pour aboutir à des fontaines sur les places des cités, et notamment de leurs quartiers neufs. En schématisant un peu, on pourrait dire que le véritable ancien temps était l'âge des puits, que le présent est l'âge de l'eau à domicile, et que, dans l'intervalle, cette civilisation moyenne, dont nous soulignions l'existence en commençant, et qui, née vers la fin de l' ancien régime, s'épanouit au XIXe siècle, peut être dite l'âge de la fontaine pu- blique. On pourrait allonger la liste des changements (dans les techniques de l'éclairage par exemple ou dans le souci de mesurer le temps6), mais notre propos n'est pas ici de faire l'histoire urbaine comme telle, avec toutes les évidentes liaisons qu'elle appellerait (urba- nisme, économie, sociologie et démographie, politi- que locale et vie municipale); nous voulions seule- ment montrer la diversité, la continuité, la généralité de l'évolution, uploads/Histoire/ agulhon-imagerie-civique-et-decor-urbain-dans-la-france-du-xix-e-siecle.pdf

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  • Publié le Mar 28, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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