Monsieur Charles-Edmond Perrin L'Histoire et ses méthodes In: Journal des savan
Monsieur Charles-Edmond Perrin L'Histoire et ses méthodes In: Journal des savants. 1962, N°2. pp. 129-155. Citer ce document / Cite this document : Perrin Charles-Edmond. L'Histoire et ses méthodes. In: Journal des savants. 1962, N°2. pp. 129-155. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jds_0021-8103_1962_num_2_1_1028 Juillet-Septembre 1962 L'HISTOIRE ET SES MÉTHODES Encyclopédie de la Pléiade. L'Histoire et ses méthodes, volume publié sous la direction de Charles Samaran, de l'Institut. Paris, Gallimard, 1961, in-12, XIII-1773 p., 64 illustrations et 7 planches. Il a paru à l'usage des historiens de métier de savants manuels de métho dologie historique ; en France en particulier, en 1898, deux maîtres de la Sorbonne, Ch.-V. Langlois et Ch. Seignobos ont publié en collaboration une Introduction aux études historiques, qui a joui d'un succès amplement justifié et qui a été le livre de chevet de plusieurs générations d'étudiants en his toire. Mais il suffit de comparer cet ouvrage à {'Encyclopédie qu'a conçue, dirigée et menée à bien M. Ch. Samaran, pour saisir du premier coup d'œil combien l'œuvre la plus récente diffère de celle qui l'a précédée ; elle se dé veloppe sur un plan plus ample et elle offre au lecteur une matière beaucoup plus riche ; en outre l'Introduction aux études historiques s'adressait à des spécialistes, alors que la présente Encyclopédie est susceptible d'atteindre par delà les historiens de métier le public cultivé, qui a le goût de l'histoire et qui trop souvent, au cours de ces trente dernières années, a dû se content er, pour satisfaire sa curiosité, de produits frelatés, qui risquent de tromper 130 CH.-EDMOND PERRIN le lecteur sur le caractère véritable de l'histoire et lui dissimulent complète ment les opérations qui président à son élaboration. M. Ch. Samaran, dans la Préface de l'ouvrage, en a précisé l'esprit et esquissé le programme : définir l'histoire, en analyser la méthode, présenter au lecteur les différentes disciplines qui collaborent à l'édification de l'œuvre historique, déterminer les exigences qu'impose au spécialiste le métier d'his torien. Pour réaliser ce vaste projet, M. Ch. Samaran a fait appel au concours d'une trentaine de collaborateurs, tous spécialistes d'une compétence éprouvée. Le directeur de la publication avoue en toute bonne foi qu'il n'a imposé à ses collaborateurs ni des cadres trop rigides, ni une discipline trop stricte ; il leur a laissé toute liberté de comprendre et de traiter comme ils l'enten daient le sujet qui leur était proposé ; il en résulte quelque inégalité dans l'étendue des différents chapitres et aussi parfois des répétitions d'un chapitre à l'autre, mais ce sont là des défauts mineurs et qui ne portent atteinte ni à l'homogénéité, ni à la valeur de l'ensemble. La Préface oriente le lecteur sur les grandes divisions de l'ouvrage, c ependant qu'une copieuse Table analytique, placée en fin de volume, condense la matière des différents chapitres et permet au lecteur, soit d'en prendre une vue d'ensemble, soit après lecture d'en retrouver les thèmes essentiels. Il est à peine besoin de dire qu'un ouvrage de cette nature se prête mal à l'épreuve du compte rendu. S'il est possible d'en donner une vue d'ensemble qui en révèle la très riche substance, il faut renoncer à offrir au lecteur une analyse, même sommaire, de tous les chapitres. Si j'ai insisté plus particulièrement sur les chapitres qui mettent en cause la conception même de l'histoire et sa méthodologie, j'ai dû me résigner à n'accorder qu'une brève mention à la plupart des chapitres, qui, traitant des disciplines auxiliaires de l'histoire, sont parfois marqués d'un caractère technique prononcé. Je me suis résigné à de telles amputations avec un vif regret, car parmi ces chapitres il n'en est aucun qui soit indifférent1. L'ouvrage s'insère entre deux exposés magistraux de M. H.-I. Marrou, qui, au cours de ces dernières années, a traité de la méthodologie historique 1. L'ouvrage est divisé en plusieurs sections, qui malheureusement n'ont pas reçu de numér otation. Je crois bon de reproduire ici l'ordre de succession des sections, d'autant plus que, dans le présent compte rendu, il m'arrivera de m'écarter quelque peu de l'ordre en question. Qu'est-ce que l'histoire ? — Le temps et le lieu. — Procédés d'information et grandes découv ertes. — Recherche méthodique des témoignages (Témoignages figurés. Témoignages écrits. Témoi gnages enregistrés. Quelques orientations nouvelles). — Conservation et présentation des témoi gnages. — Exploitation critique des témoignages. — Quelques fils conducteurs. — Comment comprendre le métier d'historien ? L'HISTOIRE ET SES MÉTHODES 131 dans des publications qui ont suscité un vif intérêt et provoqué d'ailleurs des controverses. Le chapitre initial se propose de définir l'histoire, cependant que le chapitre final précise ce qu'est le métier d'historien. A vrai dire, le lecteur qui aborde le chapitre d'ouverture éprouve quelque surprise ; se fiant au titre, il s'attend à trouver une définition de l'histoire ; or, si M. Marrou rappelle quelques unes des formules qui ont été proposées à ce sujet, il ne fixe son choix sur aucune d'entre elles et, remarquant que l'histoire existe et que « sa réalité ne dépend ni du bon plaisir, ni de la dextérité du lex icographe », il s'engage dans une voie un peu inattendue, celle de l'histori ographie. Il retrace le développement de l'histoire depuis Hérodote, qui, rom pant avec l'histoire mythique d'Hécatée de Milet, s'est proposé de raconter et d'élucider des événements qui étaient proches de son temps, ouvrant ainsi la voie à Thucydide, qui a poursuivi, en l'accentuant, la tentative faite par son prédécesseur pour interpréter l'histoire et en dégager l'intelligibilité. Dès ses débuts dans le monde grec, le genre historique, selon M. Marrou, a compris l'histoire proprement dite, qui se présente avant tout comme un récit des événements, et l'érudition, qui, dès une époque ancienne, a inspiré des Généalogies et des Tables chronologiques. Cette structure « bipolaire » de l'histoire se retrouve à travers l'historiographie du monde antique et se sur vivra à l'époque moderne, par delà le moyen âge, qui s'est surtout soucié d'élaborer une philosophie de l'histoire en relation étroite avec le dogme chrétien. L'auteur insiste, comme de juste, sur l'apport des humanistes du XVIe et celui des érudits du xvne siècle, qui ont fixé les principes de la critique his torique. A son jugement, c'est à Ranke que revient l'honneur d'avoir le pre mier, dans son Histoire des peuples romans et germaniques entre 1494 et 1533, parue en allemand dès 1824, conçu une œuvre d'envergure, qui, au lieu de reposer sur le récit d'historiens antérieurs, mettait en œuvre une documentation originale. Il montre enfin comment, à une époque relativ ement récente, l'histoire s'est engagée décidément dans une voie nouvelle, qui avait été indiquée par Voltaire, mais sans grand succès. L'histoire, qui long temps s'était intéressée exclusivement aux événements politiques, diplomatiques et militaires, s'est élevée à la conception d'une histoire de la civilisation, qui embrasse l'ensemble des diverses activités humaines et qui, tout en accordant la primauté à la « culture », fait une large place à l'étude des faits écono miques. Les événements historiques se situent par rapport à deux plans : le temps et l'espace. Pour ce qui est du temps, il convient de distinguer entre le temps 132 CH.-EDMOND PERRIN astronomique, celui dont font état les calendriers et qui est fondé sur trois unités : le jour, le mois et l'année. Il est regrettable que M. Cordoliani, qui parle du temps astronomique avec compétence et clarté, n'ait réservé qu'une brève mention au « temps court », au temps de l'horloge, si intéressant pour l'histoire des civilisations et qui, il faut le souligner à la décharge de M. Cor doliani, n'occupe qu'une place singulièrement réduite dans les manuels de chronologie. A côté de ce temps astronomique, il est un autre temps, dont M. Beaujouan nous révèle les mystères et qu'il dénomme le temps historique. Il faut entendre par là des cycles périodiques de longue durée, qui exercent des effets plus ou moins puissants sur les sociétés humaines. Les historiens de l'économie nous ont habitués à la notion de cycles variables et tels que, à une période d'expansion succède une période de récession, chaque période pouvant elle-même se décomposer en des sous-périodes de faible durée ; ces périodes et sous-périodes régissent la vie économique et déterminent la conjonct ure. Mais il est des périodes d'une amplitude beaucoup plus grande, qui peut s'étendre à plusieurs siècles ; ces cycles sont en relation avec des phéno mènes cosmiques, qui eux-mêmes dépendent peut-être des variations de l'acti vité solaire ; ils déterminent des périodes prolongées de température anorma lement élevée ou basse, favorisent ou compromettent la végétation des plantes alimentaires, créent l'abondance ou provoquent la disette. Il n'était pas question pour M. Higounet dans le chapitre Géohistoire, de reprendre l'examen du problème souvent débattu du déterminisme que peut exercer la géographie sur l'histoire, car il apparaît que, à travers les siècles, il se joue d'incessantes actions et réactions entre l'histoire et la géographie. Le problème qu'a traité M. Higounet est celui des services que la géographie peut rendre à l'histoire et qui sont à inscrire en particulier au compte de la géographie dite historique. 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- Publié le Dec 07, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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